1
considéré par plusieurs comme l’un des héritiers
de
Barrès. Le rapprochement est peut-être prématuré, tout au plus peut-o
2
u’à l’heure présente déjà, son œuvre, comme celle
de
Barrès, nous offre plus qu’un agrément purement littéraire : une leço
3
us qu’un agrément purement littéraire : une leçon
d’
énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, c
4
ent littéraire : une leçon d’énergie. Il se pique
de
n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, cette inquiétude libérat
5
e inquiétude libératrice que produit la recherche
de
la vérité. Dès son premier livre, il s’est montré tout entier, il a b
6
uancée jusqu’à l’ennui. La guerre a donné le coup
de
grâce à cet esthétisme énervant qu’on appelle symbolisme ; et elle a
7
bolisme ; et elle a donné naissance à la doctrine
de
M. de Montherlant, qui en est sortie toute formée et casquée pour la
8
est sortie toute formée et casquée pour la lutte
de
l’après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme-t-il, se disputent le mo
9
dans le monde romain les virus du christianisme,
de
la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de libert
10
romain les virus du christianisme, de la Réforme,
de
la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès
11
, de la Révolution et du romantisme, les concepts
de
liberté et de progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philo
12
tion et du romantisme, les concepts de liberté et
de
progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philosophie est cel
13
me, le bolchévisme. L’autre philosophie est celle
de
l’antique Rome, qui a inspiré le catholicisme, la Renaissance, le tra
14
therlant comme pour Maurras, est ce qu’il importe
de
sauvegarder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien d’original da
15
arder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien
d’
original dans cette conception simpliste du monde, qui n’est en rien d
16
simpliste du monde, qui n’est en rien différente
de
celle de l’Action française ; remarquons toutefois cette séparation,
17
e du monde, qui n’est en rien différente de celle
de
l’Action française ; remarquons toutefois cette séparation, que Maurr
18
ne lui a-t-il manqué pour le devenir que le temps
de
méditer : il a quitté le collège jésuite pour la tranchée, puis « le
19
la tranchée, puis « le sport l’a saisi aux pattes
de
la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étrein
20
t l’a saisi aux pattes de la guerre encore contus
de
huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ».
21
x pattes de la guerre encore contus de huit coups
de
griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu
22
e encore contus de huit coups de griffes et chaud
de
l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressa
23
te du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps
de
se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’une façon obsédante, l
24
s de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui,
d’
une façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évi
25
ngeant pour lui, d’une façon obsédante, le rythme
de
la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité le choc fatal pour tant d’autr
26
justifier, ce qui n’a pas été sans quelques tours
de
passe-passe de logique, admirablement masqués d’ailleurs par des faço
27
ui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe
de
logique, admirablement masqués d’ailleurs par des façons cavalières u
28
« fondre dans une unité supérieure » l’antinomie
de
l’esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait son unité co
29
upérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et
de
l’esprit sportif. « On se fait son unité comme on peut », avoue-t-il
30
oue-t-il franchement. Il me semble bien paradoxal
de
vouloir unir dans une même philosophie la morale jésuite, faite de rè
31
ans une même philosophie la morale jésuite, faite
de
règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liber
32
philosophie la morale jésuite, faite de règles et
de
contraintes imposées dans le but de restreindre la liberté et l’initi
33
de règles et de contraintes imposées dans le but
de
restreindre la liberté et l’initiative individuelles, et la morale de
34
nglais, morale qui veut former des hommes maîtres
d’
eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’autant plus parado
35
eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble
d’
autant plus paradoxal que M. de Montherlant est justement un des premi
36
itive. Mais on peut oublier la partie doctrinaire
de
cette œuvre, elle ne lui est pas indispensable : « Ces simplification
37
ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique
de
M. de Montherlant son admirable lyrisme de poète du stade. En un styl
38
atique de M. de Montherlant son admirable lyrisme
de
poète du stade. En un style d’une fermeté presque brutale parfois, un
39
admirable lyrisme de poète du stade. En un style
d’
une fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mais qu’on s
40
e d’une fermeté presque brutale parfois, un style
de
sportif, mais qu’on sent humaniste et poète, un style à la fois bref
41
pes, et l’équipier Montherlant les contemple, ému
de
« cette ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée
42
nt les contemple, ému de « cette ivresse qui naît
de
l’ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’en
43
ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois,
de
la pensée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix
44
t aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps
de
l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix sont désignés… ». Voici passer u
45
ser un coureur : « À peine a-t-il touché la piste
d’
herbe, c’est une allégresse héroïque qu’infuse à son corps la douce ma
46
foulée, bondissante et posée, est pleine du désir
de
l’air. Danse-t-il sur une musique que je n’entends pas ? » — Mais plu
47
us que le corps en mouvement, c’est la domination
de
la raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cette domination q
48
us comme une lutte sauvage et déloyale, la morale
d’
équipe devient toute la morale, et les qualités indispensables au bon
49
nt les qualités du parfait citoyen : juste vision
de
la réalité, abnégation, sentiment du devoir de chacun envers l’ensemb
50
on de la réalité, abnégation, sentiment du devoir
de
chacun envers l’ensemble (Montherlant insiste plutôt sur le sentiment
51
ôt sur le sentiment des hiérarchies que sur celui
de
la solidarité, comme bien l’on pense). Enfin, enseignement plus génér
52
ien l’on pense). Enfin, enseignement plus général
de
la morale sportive : « la règle de rester en dedans de son action, ap
53
t plus général de la morale sportive : « la règle
de
rester en dedans de son action, application de l’immense axiome formu
54
morale sportive : « la règle de rester en dedans
de
son action, application de l’immense axiome formulé par Hésiode et qu
55
le de rester en dedans de son action, application
de
l’immense axiome formulé par Hésiode et qui gouverna le monde ancien
56
de que le tout ». Le sport comme un apprentissage
de
la vie : tout servira plus tard : Ô garçons, il y a un brin du myrte
57
n brin du myrte civique tressé dans vos couronnes
de
laurier. Vous n’êtes pas couronnés d’olivier. La main connaît la main
58
s couronnes de laurier. Vous n’êtes pas couronnés
d’
olivier. La main connaît la main dans la prise du témoin. L’épaule con
59
allon. Le regard connaît le regard dans la course
d’
équipe. Le cœur connaît la présence muette et sûre. Toutes ces choses
60
ne sont pas dites en vain. Stades que parcourent
de
jeunes et purs courages, donnez-moi votre silence jusqu’à l’heure. Qu
61
e silence jusqu’à l’heure. Que je taise votre mot
de
ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien de moins artificiellem
62
de ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien
de
moins artificiellement moderne que ce lyrisme sobre et prenant : « Si
63
t prenant : « Si l’on s’échauffe, s’échauffer sur
de
la précision. » On évitera ainsi tout niais romantisme. Je sais bien
64
le sport ainsi compris, plus que l’apprentissage
de
la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlan
65
ue l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage
de
la guerre, dira-t-on. M. de Montherlant répondra : non, car la faible
66
us conduirait cette « éthique du sport » tempérée
de
raison. Ce qu’on en peut retenir, c’est la méthode, car je crois qu’e
67
it. » M. de Montherlant illustre sa propre pensée
de
cette citation d’un dominicain : « Formez des jeunes filles assez for
68
rlant illustre sa propre pensée de cette citation
d’
un dominicain : « Formez des jeunes filles assez fortes pour pouvoir t
69
our pouvoir tout lire, et il n’y aura plus besoin
de
roman catholique. » C’est ce qu’on pourrait appeler une « morale cons
70
qui doit être, et ce qui ne doit pas être tombera
de
soi-même. Ainsi l’athlète à l’entraînement ne s’épuise-t-il pas à com
71
s : il développe ses qualités, le reste s’arrange
de
soi-même. ⁂ M. de Montherlant, qui a quitté le stade, se rendra mieux
72
uitté le stade, se rendra mieux compte à distance
de
la contradiction sur laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera
73
laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera
de
voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésui
74
. L’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera,
de
la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homm
75
oir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou
de
la morale jésuite. Mais enfin, voici un homme, et non plus seulement
76
n, voici un homme, et non plus seulement un homme
de
lettres. Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’une jeun
77
Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme
d’
une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » qu
78
l’enthousiasme d’une jeunesse saine et la retenue
de
l’âge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné le sport et les
79
lus proche que la sensualité vaguement chrétienne
de
tel autre écrivain catholique. Et son lyrisme, encore un peu brutal,
80
salut des équipes avant le match : « En l’honneur
d’
Henry de Montherlant, hip, hip, hurrah ! » 1. Éditions Grasset, Pari
81
! » 1. Éditions Grasset, Paris. 2. L’attitude
de
M. de Montherlant légitime une telle « simplification ». a. « M. de
82
Conférence
de
Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1
83
u xixe siècle à nos jours. Partis du classicisme
de
David et d’Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe
84
le à nos jours. Partis du classicisme de David et
d’
Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe siècle, un
85
dans les domaines du romantisme, du naturalisme,
de
l’impressionnisme, pour aboutir enfin dans ces impasses : cubisme et
86
près cent-vingt-cinq ans, à peu près à leur point
de
départ. Mais leurs recherches n’ont pas été vaines. Ils en reviennent
87
s n’ont pas été vaines. Ils en reviennent chargés
de
chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’expression. Très
88
nent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients
de
leurs moyens d’expression. Très maîtres de leur technique (contrairem
89
chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens
d’
expression. Très maîtres de leur technique (contrairement à ce que pen
90
cients de leurs moyens d’expression. Très maîtres
de
leur technique (contrairement à ce que pense souvent le public), ils
91
nse souvent le public), ils préparent l’avènement
d’
un classicisme nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe de la
92
nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe
de
la peinture moderne avec une netteté et un relief remarquable. Les œu
93
une netteté et un relief remarquable. Les œuvres
de
cet artiste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de ces mêmes
94
iste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient
de
ces mêmes qualités : car la façon de peindre correspond à la façon de
95
témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon
de
peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’ente
96
s : car la façon de peindre correspond à la façon
de
penser du peintre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili. Est-il beso
97
spond à la façon de penser du peintre. Souhaitons
d’
entendre encore M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance de t
98
haitons d’entendre encore M. Meili. Est-il besoin
de
souligner l’importance de telles prises de contact entre artiste et p
99
M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance
de
telles prises de contact entre artiste et public ? b. « Conférence
100
besoin de souligner l’importance de telles prises
de
contact entre artiste et public ? b. « Conférence Meili », Feuille
101
te et public ? b. « Conférence Meili », Feuille
d’
Avis de Neuchâtel, n° 254, 30 octobre 1924, p. 6.
102
ublic ? b. « Conférence Meili », Feuille d’Avis
de
Neuchâtel, n° 254, 30 octobre 1924, p. 6.
103
ic ? b. « Conférence Meili », Feuille d’Avis de
Neuchâtel
, n° 254, 30 octobre 1924, p. 6.
104
enry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts
de
Verdun (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’une tradition
105
un (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier
d’
une tradition chevaleresque, mène sa vie comme une ardente aventure. L
106
ieu à la guerre et aux jeux, avant de partir pour
de
nouvelles conquêtes. Terriblement lucide, ce regard en arrière. Month
107
dur pour ses erreurs plus encore que pour celles
de
l’adversaire, ce qui est beaucoup dire. Il y avait dans le Paradis je
108
Il y avait dans le Paradis je ne sais quel relent
de
barbarie, un assez malsain goût du sang. Tout cela s’est purifié dans
109
bre. Et une phrase telle que « … Nous sommes sûrs
de
ne pas nous tromper en nous inquiétant de faire, à notre place modest
110
es sûrs de ne pas nous tromper en nous inquiétant
de
faire, à notre place modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’es
111
ce soit pour la paix », c’est une affirmation qui
d’
un coup condamne beaucoup d’antérieures protestations belliqueuses. Il
112
t une affirmation qui d’un coup condamne beaucoup
d’
antérieures protestations belliqueuses. Il nous montre « des Français
113
ui tiennent qu’une telle attitude est responsable
de
ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’affirme aujourd’
114
ir contemplé Verdun, en tête à tête avec le génie
de
la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’une si émouvante sorte,
115
avec le génie de la mort. Mais alors, à quoi sert
d’
exalter, d’une si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Ver
116
ie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter,
d’
une si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce
117
si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires
de
Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’une p
118
dats déjà légendaires de Verdun, et ce « haut ton
de
vie » qu’ils trouvaient au front. D’une phrase, il justifie son livre
119
e « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front.
D’
une phrase, il justifie son livre : « Ranimons ces horreurs pour les v
120
st-ce pas une éclatante mise au point ? Et venant
de
l’auteur du Songe, d’un de ces hommes qui « descendirent » du front d
121
e mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe,
d’
un de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée,
122
e au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un
de
ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée, ne p
123
ncore transparaît un doute, parfois : « On craint
d’
être injuste en décidant si… cette absence de haine ; cette épouvante,
124
aint d’être injuste en décidant si… cette absence
de
haine ; cette épouvante, devant la guerre… proviennent de plus d’huma
125
épouvante, devant la guerre… proviennent de plus
d’
humanité ou de moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre
126
vant la guerre… proviennent de plus d’humanité ou
de
moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation,
127
uerre… proviennent de plus d’humanité ou de moins
de
santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation, une tell
128
de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre
d’
affirmation, une telle inquiétude, un amer « à quoi bon » percèrent so
129
s quels buts ? On verra plus tard. L’urgent c’est
d’
avancer. Et l’on atteindra peut-être ces régions élevées où les élémen
130
ix qu’il appelle, c’est autre chose que l’absence
de
guerre, c’est une paix que travaillerait le levain des vertus guerriè
131
a paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré
de
souvenirs héroïques, peut-être trop grands pour la paix, c’est vers d
132
va porter son ardeur. Il va chercher le souvenir
de
l’aventure antique, et dans ce qui fut Rome ou la Grèce, revivre sa t
133
n. Toute son œuvre pourrait se définir : la lutte
d’
un tempérament avec la réalité. Tantôt c’est l’un qui veut plier l’aut
134
e que nous admirons dans le Chant funèbre. Ce mot
de
grandeur revient souvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais
135
e mot de grandeur revient souvent lorsqu’on parle
de
cette œuvre : je ne sais s’il faut en voir la raison dans la force de
136
ne sais s’il faut en voir la raison dans la force
de
la personnalité révélée ou dans la noblesse de sa soumission. Pérille
137
ce de la personnalité révélée ou dans la noblesse
de
sa soumission. Périlleuse carrière de la grandeur où Montherlant est
138
la noblesse de sa soumission. Périlleuse carrière
de
la grandeur où Montherlant est entré de plain-pied, en même temps que
139
carrière de la grandeur où Montherlant est entré
de
plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que de sacrifices ne lu
140
plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que
de
sacrifices ne lui devra-t-il pas offrir ainsi les romans « intéressan
141
l est capable et qu’il lui faudra livrer au « feu
de
vérité » qui brûle dans son temple intérieur, s’il veut rester digne
142
dans son temple intérieur, s’il veut rester digne
de
son rôle et vraiment le coryphée d’une génération casquée. Feu consum
143
rester digne de son rôle et vraiment le coryphée
d’
une génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’u
144
oryphée d’une génération casquée. Feu consumateur
de
toute faiblesse, flamme d’une pureté si rare en notre siècle, qu’elle
145
squée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme
d’
une pureté si rare en notre siècle, qu’elle paraît parfois, lorsque la
146
e comme cette « flamme pensante » dans l’ossuaire
de
Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’un large vent de joie.
147
ire de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau
d’
un large vent de joie. a. « Henry de Montherlant : Chant funèbre pou
148
. Puis la vie l’exalte de nouveau d’un large vent
de
joie. a. « Henry de Montherlant : Chant funèbre pour les morts de V
149
nry de Montherlant : Chant funèbre pour les morts
de
Verdun (B. Grasset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Ge
150
sset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mars 1925, p. 380-382.
151
e du surréalisme (juin 1925)b Sous une « vague
de
rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos esprits, va péri
152
une « vague de rêves », la logique, dernier agent
de
liaison de nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. B
153
de rêves », la logique, dernier agent de liaison
de
nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. Breton en un
154
r notre poncif moderne, — si propre à égarer dans
d’
ingénieuses métaphores quiconque chercherait une idée là-dessous, — ne
155
it pas toujours chez Breton à masquer la banalité
de
la pensée. D’autant plus que les rares passages où il expose directem
156
s chez Breton à masquer la banalité de la pensée.
D’
autant plus que les rares passages où il expose directement les princi
157
s passages où il expose directement les principes
de
sa « révolution » semblent au contraire tirés de quelque terne manuel
158
de sa « révolution » semblent au contraire tirés
de
quelque terne manuel de philosophie ou de psychanalyse. Ces principes
159
mblent au contraire tirés de quelque terne manuel
de
philosophie ou de psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas
160
e tirés de quelque terne manuel de philosophie ou
de
psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas résumer en un cou
161
Ils se laissent hélas résumer en un court article
de
dictionnaire : « Surréalisme, n.m. Automatisme psychique pur par lequ
162
utomatisme psychique pur par lequel on se propose
d’
exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manièr
163
’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit
de
toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de l
164
it de toute autre manière, le fonctionnement réel
de
la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé p
165
ière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée
de
la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en deho
166
el de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence
de
tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation
167
2). Le surréalisme ne serait-il donc qu’une sorte
de
méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est
168
scientes M. Breton peut-il préconiser l’existence
d’
une littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule ma
169
éconiser l’existence d’une littérature fondée sur
de
tels principes ? Le Rêve est la seule matière poétique. Dans le monde
170
le matière poétique. Dans le monde du Rêve autant
de
cellules isolées que de rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le
171
s le monde du Rêve autant de cellules isolées que
de
rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le poète étant un simple st
172
ommunicable, le poète étant un simple sténographe
de
ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette conclusion pratique : in
173
e étant un simple sténographe de ses rêves. Soit.
De
ces faits, je tire cette conclusion pratique : inutile de publier des
174
aits, je tire cette conclusion pratique : inutile
de
publier des poèmes. Éluard le comprenait, qui écrivit : « Quand les l
175
t, qui écrivit : « Quand les livres se liront-ils
d’
eux-mêmes, sans le secours des lecteurs ? Quand les hommes se comprend
176
n poème » cette mystification est dans la logique
de
ses principes, mais je lui conteste le droit de faire suivre son mani
177
e de ses principes, mais je lui conteste le droit
de
faire suivre son manifeste de proses — Poisson soluble — qui servent
178
i conteste le droit de faire suivre son manifeste
de
proses — Poisson soluble — qui servent d’illustration à sa défense de
179
nifeste de proses — Poisson soluble — qui servent
d’
illustration à sa défense de la poésie pure. Les beautés que j’y vois
180
ne me seraient-elles perceptibles que par le fait
d’
une fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien ? Je comp
181
l’univers du poète et le mien ? Je comprends trop
de
choses dans ces poèmes qui devraient m’être parfaitement impénétrable
182
serait un très curieux poète s’il ne s’efforçait
de
donner raison aux 75 pages où il voulut nous persuader que tout poème
183
non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne
de
Poisson soluble cette « vieillerie poétique » qui, avoue Rimbaud, ent
184
’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher
d’
accuser Breton de préméditation… À quoi sert, dès lors, tout cet appar
185
rbe » ; et je ne puis m’empêcher d’accuser Breton
de
préméditation… À quoi sert, dès lors, tout cet appareil psychologique
186
si scolaire ? À donner le change sur la pauvreté
d’
un art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette mystificati
187
un art purement formel. Car c’est ici le tragique
de
cette mystification : la plupart des surréalistes n’ont rien à dire,
188
donc en doctrine leur impuissance. « Il n’y a pas
de
pensée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils de métaphores co
189
sée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils
de
métaphores comme d’autres de raisonnements. Plaisante ironie, si cett
190
Aussi se paient-ils de métaphores comme d’autres
de
raisonnements. Plaisante ironie, si cette attitude n’était qu’une pro
191
nos poncifs intellectuels. Mais elle risque bien
de
nous en rendre un peu plus esclaves. Car depuis Freud — dont ils se r
192
emment, — on sait ce que c’est que la « liberté »
d’
un esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’
193
t ce que c’est que la « liberté » d’un esprit pur
de
tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’exploitation de
194
Surréalisme S.A., entreprise pour l’exploitation
de
matériaux de démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’est pas ainsi q
195
S.A., entreprise pour l’exploitation de matériaux
de
démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sorti
196
r Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sortirons
d’
une anarchie dont les causes semblent avant tout morales. Les tendance
197
tout morales. Les tendances encore un peu vagues
d’
un groupe tel que Philosophies laissent pressentir des révolutions plu
198
t en des jeux moins lassants. Dada, éclat de rire
d’
un désespoir exaspéré, commandait une certaine sympathie. L’agaçant, a
199
s surréalistes, c’est que — pour reprendre un mot
de
Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva
200
our reprendre un mot de Cocteau — ils « embaument
de
vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva Dada du ridicule le cède ici
201
e qui sauva Dada du ridicule le cède ici à un ton
de
mage qui ne fera plus longtemps impression. C’est grand dommage pour
202
dommage pour les lettres françaises qui risquent
d’
y perdre au moins deux grands artistes : Aragon, Éluard. Sans oublier
203
aire, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juin 1925, p. 775-776.
204
Colin, Van Gogh (août 1925)c Le nouveau volume
de
la collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinqui
205
Le nouveau volume de la collection des « Maîtres
de
l’art moderne » est au moins le cinquième ouvrage publié en France su
206
nt des vues assez neuves. M. Colin s’est contenté
de
narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une telle manière que d
207
uves. M. Colin s’est contenté de narrer les faits
de
la vie de Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions criti
208
olin s’est contenté de narrer les faits de la vie
de
Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions critiques s’en
209
té de narrer les faits de la vie de Vincent, mais
d’
une telle manière que des conclusions critiques s’en dégagent avec évi
210
est peu intéressant. On en a connu bien d’autres
de
ces jeunes gens prétentieux et sincères qui se croient une vocation,
211
se croient une vocation, végètent dans des œuvres
d’
évangélisation, fondent des groupes dissidents. Le miracle, c’est que
212
’est que le plus sauvage génie ait choisi un être
de
cette espèce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s’en effr
213
t-ce que c’est donc ? » Ses premiers dessins sont
de
gauches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas.
214
c ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies
de
Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas. Une divine violen
215
sont de gauches copies de Millet. Mais son manque
de
talent ne le rebute pas. Une divine violence le travaille. Elle jaill
216
vaille. Elle jaillira enfin, dans l’éblouissement
d’
Arles, jusqu’au jour où cette consomption frénétique terrassant un cor
217
ue les flammes, les soleils et aussi les grimaces
de
douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien cac
218
mes, les soleils et aussi les grimaces de douleur
de
ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché des médi
219
douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin
de
n’avoir rien caché des médiocrités de cette vie : les reproductions q
220
Paul Colin de n’avoir rien caché des médiocrités
de
cette vie : les reproductions qui suivent sa courte biographie fourni
221
risme dont on a voulu charger la « vie héroïque »
de
Vincent. M. Colin n’a pas cherché à expliquer ce miracle. Il nous lai
222
l nous laisse à notre émotion devant le spectacle
d’
une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent
223
spectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’homme,
d’
une œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. « Pa
224
’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre
de
pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. « Paul Colin : V
225
eder, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, août 1925, p. 1033.
226
court », curieux homme. Il se livre à des travaux
de
précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einst
227
tion : les faits s’y pressent et s’y bousculent ;
de
temps à autre une notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans
228
et s’y bousculent ; de temps à autre une notation
d’
artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà le lecteur e
229
lent ; de temps à autre une notation d’artiste ou
de
psychologue se glisse dans leur flot. Voilà le lecteur entraîné, ébah
230
le lecteur entraîné, ébahi, passionné, contraint
de
suivre jusqu’au bout un roman de 500 pages comme Rabevel. Car si la l
231
ionné, contraint de suivre jusqu’au bout un roman
de
500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation des questions traitées
232
est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne
de
ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans si bouill
233
lète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple
de
Valéry, puisse rédiger des romans si bouillonnants, si mal équarris.
234
mande pas non plus au puissant boxeur sur le ring
d’
être bien peigné. Rabevel, c’était un portrait balzacien du brasseur
235
abevel, c’était un portrait balzacien du brasseur
d’
affaires. Le sujet du Tarramagnou, c’est « la nouvelle mise en servitu
236
la nouvelle mise en servitude du peuple rustique
de
France ». En effet — le phénomène n’est pas particulier à la France —
237
ats et des capitalistes des villes. Mais dans une
de
ces provinces du Midi où le souvenir des luttes religieuses encore vi
238
t, le libérateur va se lever. C’est un descendant
de
Roland le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme de la terre
239
le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme
de
la terre », qui va susciter un formidable mouvement de protestation c
240
terre », qui va susciter un formidable mouvement
de
protestation contre les lois tyranniques. Le succès grandit rapidemen
241
œuvre sabotée par des meneurs ; il tente en vain
de
ressaisir les foules : déjà elles huent sa modération. Alors il va se
242
n clamant la paix. M. Fabre avait là les éléments
d’
un grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une
243
e avait là les éléments d’un grand roman : autour
d’
un sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des p
244
les éléments d’un grand roman : autour d’un sujet
de
vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des personnages
245
brûlant, une intrigue puissante, des personnages
d’
une belle richesse psychologique. En fermant le livre on a presque l’i
246
nd roman… Qu’y manque-t-il ? Un style ? L’absence
de
style, n’est-ce pas le meilleur style pour un romancier ? C’est plutô
247
tissu des faits se relâche parfois, et les arêtes
de
la construction apparaissent trop nues. Chef-d’œuvre ou pas chef-d’œu
248
l reste que le Tarramagnou est un livre émouvant,
d’
une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, r
249
t en somme, réussi, une entreprise bien téméraire
de
nos jours : un roman à thèse aussi intelligent que vivant. d. « Luc
250
(NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1151-1152.
251
Les Appels
de
l’Orient (septembre 1925)e Le xxe siècle s’annonce comme le siècl
252
925)e Le xxe siècle s’annonce comme le siècle
de
la découverte du monde par l’Europe intellectuelle. Grand siècle de c
253
u monde par l’Europe intellectuelle. Grand siècle
de
critique pour lequel nos contemporains accumulent les documents. La l
254
mporains accumulent les documents. La littérature
de
ces dernières années n’est qu’une forme de reportage international. L
255
rature de ces dernières années n’est qu’une forme
de
reportage international. L’Europe menant cette immense enquête manife
256
nt l’Europe du xviiie prenait surtout conscience
de
son propre génie, l’Europe d’aujourd’hui semble chercher dans une con
257
surtout conscience de son propre génie, l’Europe
d’
aujourd’hui semble chercher dans une confrontation avec l’Orient, plut
258
avec l’Orient, plutôt qu’une réelle connaissance
de
l’Orient, une conscience d’elle-même. C’est peut-être pour provoquer
259
e réelle connaissance de l’Orient, une conscience
d’
elle-même. C’est peut-être pour provoquer cette confrontation seulemen
260
oriental, car il semble bien que dans le domaine
de
la culture le péril n’existe que pour autant qu’on en parle, la vraie
261
n peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour
d’
un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devra, tandi
262
ques savants européens qu’il le devra, tandis que
d’
un mouvement inverse, le christianisme débarrassé de son déguisement g
263
un mouvement inverse, le christianisme débarrassé
de
son déguisement gréco-latin retournera vers ses sources pour s’y retr
264
a vers ses sources pour s’y retremper. Les appels
de
l’Orient, ce sont les Keyserling, les Guénon, qui les font entendre,
265
fort intéressant tableau des multiples réactions
de
l’Europe placée devant le dilemme Orient-Occident. Réactions qui, dis
266
enquête rejoint parfois celle qu’ouvrit la Revue
de
Genève sur « l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’André
267
lle qu’ouvrit la Revue de Genève sur « l’Avenir
de
l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’André Gide en particulier). Car
268
« l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses
d’
André Gide en particulier). Car la plupart des enquêtés se font de l’O
269
particulier). Car la plupart des enquêtés se font
de
l’Orient une représentation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’a
270
t poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’une valeur
de
symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agit, et Jean
271
u’une valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est
de
cet Orient qu’il s’agit, et Jean Schlumberger le définit encore : « …
272
sé à l’esprit occidental, tout ce qui peut servir
d’
antidote à sa fièvre et à sa logique. » On confond Japon et Arabie, In
273
bie, Indes et Chine sous une dénomination qui n’a
de
sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classeme
274
e sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain
de
tenter un classement parmi les réponses d’une extraordinaire diversit
275
t vain de tenter un classement parmi les réponses
d’
une extraordinaire diversité — peut-être trop nombreuses — qui compose
276
rents, si différentes même les conclusions tirées
de
points de vue semblables, qu’un esprit analytique et organisateur d’o
277
mblables, qu’un esprit analytique et organisateur
d’
occidental se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et d
278
al se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique
d’
idées et de jugements contradictoires, et de termes dont le sens chang
279
a ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et
de
jugements contradictoires, et de termes dont le sens change avec l’éc
280
pique d’idées et de jugements contradictoires, et
de
termes dont le sens change avec l’échelle de valeurs de l’écrivain. É
281
, et de termes dont le sens change avec l’échelle
de
valeurs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de
282
mes dont le sens change avec l’échelle de valeurs
de
l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de vue les plu
283
ou les mieux définis. Pour Valéry, la supériorité
de
l’Europe réside dans sa « puissance de choix », dans le génie d’abstr
284
upériorité de l’Europe réside dans sa « puissance
de
choix », dans le génie d’abstraction qui a produit la géométrie grecq
285
ide dans sa « puissance de choix », dans le génie
d’
abstraction qui a produit la géométrie grecque. D’autres attribuent ce
286
e dans une Europe vieillie, les parfums puissants
de
l’Asie sauront encore éveiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repous
287
rfums puissants de l’Asie sauront encore éveiller
de
beaux rêves. Il y a ceux qui repoussent une Asie ignorante du thomism
288
u thomisme et ceux qui pensent inévitable le choc
de
deux mondes, et que seule une intime connaissance mutuelle l’adoucira
289
provisoire et qui porte en son principe le germe
de
sa destruction.) Il y a enfin ceux qui refondent et combinent toutes
290
ses, conclusions ou interrogations, ont le défaut
de
n’être pas suffisamment motivées par des faits et des documents. Pour
291
ar exemple, qui cependant produit un grand nombre
de
citations à l’appui de ses sophismes, ne se livre pas moins à des déd
292
ions in abstracto qui le mènent à des conclusions
de
ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l’éducation hist
293
nclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen
de
« suppléer à l’éducation historique des peuples chrétiens qui n’ont p
294
historique des peuples chrétiens qui n’ont pas eu
de
Moyen Âge », nous pourrons amener l’Asie à comprendre la religion rom
295
listes, qui, eux, apportent des documents, savent
de
quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un éc
296
uoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit
de
conclure. Un écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé la formule qui déf
297
, je pense, réunira tous les suffrages. Et chacun
d’
en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guéri
298
réunira tous les suffrages. Et chacun d’en tirer
de
nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos
299
frages. Et chacun d’en tirer de nouvelles raisons
de
maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos fièvres. Mais nous au
300
isons de maudire l’Orient ou chercher la guérison
de
nos fièvres. Mais nous aurons entrevu peut-être pour la première fois
301
s entrevu peut-être pour la première fois le rôle
de
l’Europe « conscience du monde », entre une Amérique affolée de vites
302
conscience du monde », entre une Amérique affolée
de
vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une As
303
vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours
de
Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle. e. « Les
304
e dans sa méditation éternelle. e. « Les Appels
de
l’Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois) », Bibliothèque universelle et
305
ers du Mois) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1152-1154.
306
Jean Prévost, Tentative
de
solitude (septembre 1925)f « Dès que nous sommes seuls, nous somme
307
mes seuls, nous sommes des fous. Oui, le contrôle
de
nous-mêmes ne joue que soutenu par le contrôle que les autres nous im
308
rôle que les autres nous imposent », dit un héros
de
Mauriac. C’est un « homme seul » qu’a peint « par le dedans » M. Jean
309
ourci psychologique. « Tout homme normal est fait
de
plusieurs fous qui s’annulent », écrit-il. Ce fou qui veut être soi p
310
fou qui veut être soi purement, qui veut éliminer
de
soi tout ce qui est déterminé par l’extérieur, — ce fou que nous port
311
s il l’a poussé impitoyablement dans sa recherche
d’
un absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille »
312
st avant tout une démonstration ; mais, puissante
de
sûreté et d’évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théo
313
une démonstration ; mais, puissante de sûreté et
d’
évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théorème de Spino
314
d’évidence, elle a cette beauté froide et massive
d’
un théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent
315
le a cette beauté froide et massive d’un théorème
de
Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent seules l’écriv
316
’écrivain ; et aussi quelques sentences : « C’est
de
la faiblesse de nos yeux que frissonnent les étoiles. » f. « Jean P
317
ussi quelques sentences : « C’est de la faiblesse
de
nos yeux que frissonnent les étoiles. » f. « Jean Prévost : Tentati
318
nt les étoiles. » f. « Jean Prévost : Tentative
de
solitude (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève,
319
(NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1156-1157.
320
nationale qu’Ibsen voulait placer sous les arches
de
la vieille société », pour reprendre la pittoresque définition de M.
321
ciété », pour reprendre la pittoresque définition
de
M. A. Eloesser dans l’Almanach du 25e anniversaire. Les révolutionnai
322
au des auteurs édités depuis lors les grands noms
de
la littérature européenne d’avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du
323
lors les grands noms de la littérature européenne
d’
avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du renouveau idéaliste allemand
324
nd et viennois, Hesse, Hofmannsthal… Les extraits
de
ces auteurs qui composent l’Almanach Fischer donnent une juste idée d
325
mposent l’Almanach Fischer donnent une juste idée
de
ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, l
326
nnent une juste idée de ce que fut la littérature
d’
avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’être un peu
327
ourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps
de
la moisson, — le temps des éditions d’œuvres complètes. g. « S. Fis
328
u le temps de la moisson, — le temps des éditions
d’
œuvres complètes. g. « S. Fischer Verlag : Almanach 1925 (Berlin) »,
329
925 (Berlin) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1162-1163.
330
g-froid. Et si l’on a pu reprocher à ses tableaux
de
l’Europe qu’il vient de parcourir quelque superficialité, du moins fa
331
quelque superficialité, du moins faut-il le louer
d’
avoir conservé une vision générale de notre temps et un évident besoin
332
-il le louer d’avoir conservé une vision générale
de
notre temps et un évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de
333
sion générale de notre temps et un évident besoin
d’
impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je ne saurais résumer
334
évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie
de
cette vision. Je ne saurais résumer les nombreuses péripéties de son
335
. Je ne saurais résumer les nombreuses péripéties
de
son dernier roman sans exposer et discuter toutes les idées qu’elles
336
les meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent
d’
une accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre
337
ments. Et peu à peu surgissent d’une accumulation
de
petites touches précises des types d’après-guerre d’une étrange vérit
338
ccumulation de petites touches précises des types
d’
après-guerre d’une étrange vérité. Aux prises avec les problèmes socia
339
petites touches précises des types d’après-guerre
d’
une étrange vérité. Aux prises avec les problèmes sociaux et le luxe l
340
rtège pittoresque et désolant à celui qui, revenu
de
l’étranger dans le désordre de son pays, suivra obstinément le « bon
341
celui qui, revenu de l’étranger dans le désordre
de
son pays, suivra obstinément le « bon chemin » de la santé et de la r
342
de son pays, suivra obstinément le « bon chemin »
de
la santé et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur
343
ivra obstinément le « bon chemin » de la santé et
de
la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et la nôtre.
344
et de la raison. C’est à lui que va la sympathie
de
l’auteur et la nôtre. h. « Otto Flake : Der Gute Weg (S. Fischer Ve
345
lag, Berlin) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1163. i. Orthographié « Flasce »
346
. Pour présenter au public français cette œuvre «
d’
importance européenne », croyez-vous qu’il aille s’abandonner à l’émot
347
u’il aille s’abandonner à l’émotion communicative
de
qui découvre un sommet ? Point. Précision, modération dans le jugemen
348
éger, notation suggestive, telles sont les vertus
de
sa critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre
349
à louer une grande œuvre qu’on trouvera la mesure
de
son admiration et le gage de sa légitimité. Nul doute que les Trois n
350
n trouvera la mesure de son admiration et le gage
de
sa légitimité. Nul doute que les Trois nouvelles exemplaires ne susci
351
êt très profond : elles nous transportent au cœur
de
préoccupations des plus modernes, problème de la réalité littéraire,
352
œur de préoccupations des plus modernes, problème
de
la réalité littéraire, problème de la personnalité. Leur Prologue pou
353
rnes, problème de la réalité littéraire, problème
de
la personnalité. Leur Prologue pourrait presque aussi bien être celui
354
r Prologue pourrait presque aussi bien être celui
d’
une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des tr
355
ourrait presque aussi bien être celui d’une pièce
de
Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des trois nouvelle
356
ges des trois nouvelles « sont réels, très réels,
de
la réalité la plus intime, de celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans
357
réels, très réels, de la réalité la plus intime,
de
celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de
358
u’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté
d’
être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent
359
onnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou
de
ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent être, sub
360
lonté d’être ou de ne pas être… ». Mais les héros
de
Pirandello, s’ils veulent être, subissent, une fois qu’ils sont, le g
361
issent, une fois qu’ils sont, le grand malentendu
de
la personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté d’action les pos
362
personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté
d’
action les possède, les exalte, les affole. Les plus beaux types créés
363
erine, ou cet Alexandro Gomez cynique et puissant
de
confiance en soi, qu’une volonté presque inhumaine torture et conduit
364
ar on imagine difficilement un art plus dépouillé
de
détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies,
365
ment un art plus dépouillé de détail extérieur ou
d’
enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’une classique sobriét
366
é de détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture
de
ces trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’une brutalité et
367
d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies,
d’
une classique sobriété mais d’une brutalité et d’une ironie romantique
368
es trois tragédies, d’une classique sobriété mais
d’
une brutalité et d’une ironie romantiques, laisse la même impression d
369
d’une classique sobriété mais d’une brutalité et
d’
une ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désolée
370
une ironie romantiques, laisse la même impression
de
grandeur désolée qu’un Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni l’am
371
urs, ni l’amère volupté des formes. Une sensation
de
barre d’acier sur la nuque. j. « Miguel de Unamuno : Trois nouvelle
372
’amère volupté des formes. Une sensation de barre
d’
acier sur la nuque. j. « Miguel de Unamuno : Trois nouvelles exempla
373
nouvelles exemplaires et un prologue. Traduction
de
Jean Cassou et Mathilde Pomès (Édition du Sagittaire, Paris) », Bibli
374
aire, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1164.
375
Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien
de
la pensée française (octobre 1925)k Peut-être n’est-il pas trop ta
376
-être n’est-il pas trop tard pour parler du Vinet
de
M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grand
377
s trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière,
de
ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grande étude sur les r
378
M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient
d’
ajouter à sa grande étude sur les rapports du christianisme et du roma
379
tique un témoin dont le jugement eut « l’autorité
d’
un verdict essentiellement chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il
380
l’œuvre du penseur vaudois la substance originale
de
la plupart des idées dont lui-même s’est fait le moderne champion. Po
381
le Vinet juge des romantiques, il n’a pas eu trop
de
peine à l’annexer à son propre corps de doctrines critiques. Dirai-je
382
s eu trop de peine à l’annexer à son propre corps
de
doctrines critiques. Dirai-je pourtant que je crains qu’il n’ait été
383
ue inconsciemment, à gauchir légèrement la pensée
de
Vinet pour lui ajuster sa terminologie particulière ? Mais par ailleu
384
ais par ailleurs Vinet déborde le « sellièrisme »
de
tout son mysticisme protestant. Et cela n’est pas sans gêner M. Seill
385
ithète ». Croit-il éluder ainsi le protestantisme
de
Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’une telle at
386
nt qu’une telle attitude ? Mais ces réserves sont
de
peu d’importance si l’on songe au service que M. Seillière nous rend
387
ne telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu
d’
importance si l’on songe au service que M. Seillière nous rend en réin
388
s sa position purement chrétienne — un mysticisme
de
cadre solidement moral, c’est-à-dire rationnel, dit M. Seillière — me
389
lière — me paraît infiniment plus forte que celle
d’
un Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus réellement p
390
nt plus forte que celle d’un Maurras ou que celle
d’
un Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son point d’appui
391
Son unité est plus réellement profonde, son point
d’
appui plus central. Pour notre époque déchirée entre un thomisme et un
392
tre nouveau mal du siècle, il n’est peut-être pas
de
pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle de ce « Pascal prot
393
pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle
de
ce « Pascal protestant ». k. « Ernest Seillière : Alexandre Vinet,
394
. « Ernest Seillière : Alexandre Vinet, historien
de
la pensée française (Payot) », Bibliothèque universelle et Revue de G
395
aise (Payot) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, octobre 1925, p. 1797-1798.
396
e et la mort « où se reflète le passage incessant
d’
oiseaux de la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes
397
rt « où se reflète le passage incessant d’oiseaux
de
la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes solennels
398
ité qui n’est pas familière. C’est bien la poésie
d’
une époque tourmentée dans sa profondeur, mais qui se penche sans vert
399
se penche sans vertige sur ses abîmes. Simplicité
de
notre temps ! Au-dessus de la trépidation immense des machines, un Sa
400
ses abîmes. Simplicité de notre temps ! Au-dessus
de
la trépidation immense des machines, un Saint-John-Perse, un Supervie
401
-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots
de
tous les jours aux vivants et aux morts : Mère, je sais très mal comm
402
mbler un sourire ». Comme Max Jacob il lui arrive
de
situer une anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’est créé.
403
pourtant l’autel et le surréalisme l’ont enrichie
d’
images…). Je cite des noms : y a-t-il influence ou seulement co-généra
404
lité se retrouve dans la manière dont ils tentent
de
fuir l’inquiétude où ils baignent. Celui-ci vient à peine de quitter
405
J’avoue que l’univers intérieur où il lui arrive
de
graviter me trouble mieux que son lyrisme cosmique. On est plus près
406
me cosmique. On est plus près de l’infini au fond
de
soi qu’au fond du ciel. l. « Jules Supervielle : Gravitations (NRF,
407
(NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1925, p. 1560.
408
raine offre un spectacle bien passionnant : celui
de
la renaissance d’une littérature nationale à la fois cause et effet d
409
ctacle bien passionnant : celui de la renaissance
d’
une littérature nationale à la fois cause et effet de la libération po
410
ne littérature nationale à la fois cause et effet
de
la libération politique. Cause, puisque pour mener à chef cette libér
411
n, un Yeats, un A.E., bien d’autres, ont su payer
de
leur personne. Effet, puisque l’héroïsme d’une révolution en faveur d
412
payer de leur personne. Effet, puisque l’héroïsme
d’
une révolution en faveur du passé, révolution tout de même, ne pouvait
413
ne pouvait produire qu’une littérature très neuve
de
forme et traditionaliste d’inspiration, comme fut celle des Yeats, Sy
414
ittérature très neuve de forme et traditionaliste
d’
inspiration, comme fut celle des Yeats, Synge, Joyce même… Trois noms
415
Joyce même… Trois noms qui permettent, je crois,
de
parler d’un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mll
416
e… Trois noms qui permettent, je crois, de parler
d’
un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mlle Simone T
417
et conserver dans l’admiration son sens critique
de
Parisienne. C’est une sympathie malicieuse qui anime ses amusants por
418
res parfois un peu copieux ; mais elle a la vertu
de
rendre contagieuse la curiosité de l’auteur à l’endroit de cette âme
419
lle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité
de
l’auteur à l’endroit de cette âme irlandaise en laquelle s’allient un
420
rion, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1925, p. 1567.
421
Révolution russe va-t-elle usurper dans le roman
d’
aventures le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orl
422
-t-elle usurper dans le roman d’aventures le rôle
de
la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont do
423
écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont donné
de
beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau romantisme de ce ch
424
les du parti que peut tirer le nouveau romantisme
de
ce chaos. Salmon a même tenté d’en écrire l’épopée dans Prikaz, cette
425
uveau romantisme de ce chaos. Salmon a même tenté
d’
en écrire l’épopée dans Prikaz, cette traduction française de l’énorme
426
l’épopée dans Prikaz, cette traduction française
de
l’énorme cri de délivrance du peuple fou. Belles étincelles échappées
427
rikaz, cette traduction française de l’énorme cri
de
délivrance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’un brasier. P
428
vrance du peuple fou. Belles étincelles échappées
d’
un brasier. Pour les causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpol
429
tincelles échappées d’un brasier. Pour les causes
de
l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpole, lui, commence son roman que
430
t plus riche pouvait-on rêver pour un psychologue
de
la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour l
431
vait-on rêver pour un psychologue de la puissance
de
Walpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour le Parisien reste
432
vu la Révolution sans romantisme, dans le détail
de
la vie d’une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante d
433
olution sans romantisme, dans le détail de la vie
d’
une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions
434
. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante
de
millions de petits. Voici naître la révolution dans un cœur, puis dan
435
’un grand mouvement est la résultante de millions
de
petits. Voici naître la révolution dans un cœur, puis dans une famill
436
bouleversement accompli dans la « Cité secrète »
de
la vie privée, quelques regards sur la foule suffisent pour en précis
437
mêlés au drame. M. Walpole leur a dévolu le soin
d’
entrer tantôt dans un foyer, tantôt dans une église, pour constater qu
438
trement que les individus. L’auteur, qui est l’un
de
ces Anglais, tombe malade avec à-propos et perd connaissance chaque f
439
», d’ailleurs assez peu choquants, que le revers
de
grandes qualités de réalisation d’idées en faits ou en situations dra
440
peu choquants, que le revers de grandes qualités
de
réalisation d’idées en faits ou en situations dramatiques. Je donnera
441
que le revers de grandes qualités de réalisation
d’
idées en faits ou en situations dramatiques. Je donnerai tous les essa
442
tuations dramatiques. Je donnerai tous les essais
de
M. de Voguë sur l’âme slave pour deux ou trois scènes de La Cité secr
443
e Voguë sur l’âme slave pour deux ou trois scènes
de
La Cité secrète. Pour celle-ci par exemple (caché dans un réduit, Mar
444
ière sa vitre, tremblait si fort qu’il avait peur
de
trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi.
445
remblait si fort qu’il avait peur de trébucher et
de
faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi. Puis : — Quelle
446
russe : mais des possibilités, à chaque instant,
d’
explosion. Le géant russe est un enfant : va-t-il rire, va-t-il pleure
447
ne le dit pas. Mais ses personnages le suggèrent
de
toute la force du trouble qu’ils créent en nous : Markovitch par exem
448
rrin, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1925, p. 1567-1568.
449
Conférence
de
René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)c M. René Guisan, pro
450
» (2 février 1926)c M. René Guisan, professeur
de
théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de phil
451
, professeur de théologie à Lausanne et directeur
de
la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula
452
de théologie à Lausanne et directeur de la Revue
de
théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un
453
Lausanne et directeur de la Revue de théologie et
de
philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un très nombreux pu
454
que nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis
de
la pensée protestante ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet d
455
nte ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet
de
façon particulièrement frappante la comparaison des points de vue cat
456
oints de vue catholique et protestant : la notion
de
« Saint » et son évolution au cours des siècles. Primitivement, le Sa
457
u’il serve. Mais très vite on étend l’appellation
de
saint à ceux qui par leur élévation morale ou leurs souffrances sembl
458
cutée, le martyre devient le signe par excellence
de
la sainteté. Le peuple, encore païen, voit dans la vénération des pèl
459
t dans la vénération des pèlerins pour les tombes
de
leurs saints une forme d’adoration de dieux protecteurs. Cette croyan
460
èlerins pour les tombes de leurs saints une forme
d’
adoration de dieux protecteurs. Cette croyance se répand, favorisée pa
461
les tombes de leurs saints une forme d’adoration
de
dieux protecteurs. Cette croyance se répand, favorisée par la souples
462
orisée par la souplesse dont fait preuve l’Église
d’
alors quand il s’agit d’adapter des traditions antiques au dogme en fo
463
dont fait preuve l’Église d’alors quand il s’agit
d’
adapter des traditions antiques au dogme en formation. Au Moyen Âge l’
464
On spécialise les « compétences » des saints, ou
de
leurs reliques qui se multiplient prodigieusement. Alors éclate la pr
465
ent prodigieusement. Alors éclate la protestation
de
la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple de leur vie : mais Chr
466
de la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple
de
leur vie : mais Christ est le seul médiateur à qui doit s’adresser le
467
sser le culte, en son cœur, du croyant. Le centre
de
gravité religieux est replacé en Christ. — Comment l’Église catholiqu
468
e là nous juger ? Les catholiques nous reprochent
d’
avoir méconnu l’élément de grandeur morale que les saints maintiennent
469
oliques nous reprochent d’avoir méconnu l’élément
de
grandeur morale que les saints maintiennent dans l’Église. M. Guisan
470
se. M. Guisan va très loin dans ses concessions à
de
telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec d’autant plus de forc
471
e telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec
d’
autant plus de force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’a
472
ques. Mais c’est pour affirmer avec d’autant plus
de
force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’accomplissement
473
ns l’accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle
de
la vocation, le protestantisme affirme qu’il existe divers ordres de
474
protestantisme affirme qu’il existe divers ordres
de
sainteté ». Cette mère qui s’est sacrifiée aux siens, n’était-ce pas
475
missionnaire et cette diaconesse ? S’il n’y a pas
de
saints protestants, il existe des saints dans le protestantisme. Mais
476
saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas
de
fin aux œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’aux limit
477
otestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres
de
Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes
478
rfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes
de
la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y
479
tes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister
de
saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. T
480
ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas
de
saints, mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, t
481
mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement
de
Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer le protestantisme. La
482
manque pour louer comme il conviendrait la clarté
d’
un exposé solidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrét
483
d’un exposé solidement documenté, et le scrupule
d’
historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de
484
lidement documenté, et le scrupule d’historien et
de
chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de vue adverse av
485
d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan
de
montrer le point de vue adverse avec autant de compréhension et de sy
486
an de montrer le point de vue adverse avec autant
de
compréhension et de sympathie que le sien propre. Cela donne à ses co
487
nt de vue adverse avec autant de compréhension et
de
sympathie que le sien propre. Cela donne à ses conclusions cette sécu
488
danger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté
d’
un esprit animé par une foi agissante. c. « Conférence Guisan », Sui
489
nte. c. « Conférence Guisan », Suisse libérale,
Neuchâtel
, n° 26, 2 février 1926, p. 2.
490
ible ou désirable subissent cette rage désespérée
de
course pure, vers ailleurs, vers autre chose. À certains signes — dém
491
s, vers autre chose. À certains signes — démences
de
fatigués, prophétismes, excessives lassitudes ou faim de violences —
492
gués, prophétismes, excessives lassitudes ou faim
de
violences — on sent l’approche de quelque chose, catastrophe ou révél
493
situdes ou faim de violences — on sent l’approche
de
quelque chose, catastrophe ou révélation, brusque échappée sur des pa
494
la ruine. Mais certes, il est temps qu’une lueur
de
conscience inquiète quelques chefs, montre à quelques meneurs aveugle
495
uelques chefs, montre à quelques meneurs aveugles
d’
une société affolée et ridiculement opportuniste où mène la pente de n
496
lée et ridiculement opportuniste où mène la pente
de
notre civilisation. Meneurs et chefs : des économistes, des financier
497
jouerait aussi bien, aussi mal. Quant aux meneurs
de
l’opinion publique, il est trop tard pour les éduquer, il faudrait ba
498
, quelques autres, sont parmi les plus conscients
de
ce temps ; mais si l’on songe aux bataillons de pâles opportunistes s
499
s de ce temps ; mais si l’on songe aux bataillons
de
pâles opportunistes sans culture qui se chargent de gaver les masses
500
pâles opportunistes sans culture qui se chargent
de
gaver les masses du pain quotidien de la bêtise de tous les partis, o
501
se chargent de gaver les masses du pain quotidien
de
la bêtise de tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il f
502
e gaver les masses du pain quotidien de la bêtise
de
tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il faudrait balay
503
velles. Toute la jeune littérature décrit un type
d’
homme profondément antisocial, glorifie une morale résolument anarchis
504
nque une certitude foncière, une foi en la valeur
de
l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre à l’action sociale
505
’est aussi pourquoi l’on ne saurait accorder trop
d’
importance à leurs tentatives morales, si singulières soient-elles — d
506
le témoin souvent sceptique ou railleur. Au cœur
de
la crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoud
507
ouvent sceptique ou railleur. Au cœur de la crise
de
notre civilisation, il y a un problème de morale à résoudre, une cons
508
a crise de notre civilisation, il y a un problème
de
morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer. Nous y empl
509
oyer, pour l’heure, c’est la seule façon efficace
de
servir. ⁂ On se complaît à répéter que nous vivons dans le chaos des
510
des idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas
d’
esprit du siècle, hors un certain « confusionnisme ». Mais sous les ép
511
certain « confusionnisme ». Mais sous les épaves
de
tous les vieux bateaux, il y a une seule mer. Nos agitations contradi
512
es vagues soulevées par une même tempête. L’unité
de
notre temps est en profondeur : c’est une unité d’inquiétude. Barrès
513
e notre temps est en profondeur : c’est une unité
d’
inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices très diffé
514
: ils ont construit des édifices très différents
de
style, et dont les façades s’opposent avec hostilité. Dans l’intérieu
515
maisons pourtant se débattent les mêmes brouilles
de
famille entre Art et Morale, Pensée et Action… Ces deux moralistes ad
516
ssent bien les ancêtres des nouvelles générations
de
héros de roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec
517
n les ancêtres des nouvelles générations de héros
de
roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec une prof
518
profonde conviction ; par vertu. Ce qui n’a rien
d’
étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or
519
étonnant : ils ne sont que les projections du moi
de
leurs auteurs. Or l’égoïsme est vertu cardinale pour le créateur. Mai
520
r le créateur. Mais quel est ce besoin si général
de
s’incarner, dans le héros de son roman, de se voir vivre, dans son œu
521
ce besoin si général de s’incarner, dans le héros
de
son roman, de se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici la conception
522
énéral de s’incarner, dans le héros de son roman,
de
se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici la conception même de la li
523
re, dans son œuvre ? C’est ici la conception même
de
la littérature, telle qu’elle apparaît chez les émules de Barrès comm
524
ttérature, telle qu’elle apparaît chez les émules
de
Barrès comme chez ceux de Gide, qu’il faut préciser. L’éthique et l’e
525
pparaît chez les émules de Barrès comme chez ceux
de
Gide, qu’il faut préciser. L’éthique et l’esthétique convergent dans
526
ue et l’esthétique convergent dans la littérature
d’
aujourd’hui, et plusieurs déjà reconnaissent ne pas pouvoir les sépare
527
neuves, — pour le libérer. Il n’est pas question
de
rechercher ici les origines historiques d’une conception qui, de plus
528
estion de rechercher ici les origines historiques
d’
une conception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les p
529
ception qui, de plus en plus, se révèle à la base
de
tous les problèmes modernes en littérature. Jacques Rivière s’y appli
530
littérature. Jacques Rivière s’y appliqua dans un
de
ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal », le
531
de ses derniers articles2. Il rendait responsable
de
tout le « mal », le romantisme — et c’est plus que probable. Mais il
532
e probable. Mais il en tirait une raison nouvelle
de
le condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de
533
nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain
de
dire qu’une époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet la suivant
534
ivante qui peut-être retrouvera une nouvelle face
de
la vérité. Bornons-nous à noter le phénomène, puis à en suivre quelqu
535
conséquences. Connaissance intégrale et culture
de
soi, telle peut être l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il
536
le et culture de soi, telle peut être l’épigraphe
de
toute la littérature moderne. Il n’a pas fallu longtemps aux Français
537
des combinaisons possibles. Exaltation méthodique
de
nos facultés de plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines do
538
possibles. Exaltation méthodique de nos facultés
de
plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines douleurs, plaisirs
539
les dissonances les plus aiguës prennent la place
d’
honneur dans des esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibil
540
ans des esthétiques construites en hâte à l’usage
de
sensibilités surmenées. Dégoût, parce que tout a été essayé. Dégoût,
541
chose, contre soi, contre une difficulté.) Dégoût
de
la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on l’étend vite à la soci
542
lté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût
de
soi, — on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’une civilisatio
543
i, — on l’étend vite à la société entière. Dégoût
d’
une civilisation qui aboutit logiquement à cet épuisant et forcené gas
544
nous avons un corps, et c’est très beau, Breton,
de
crier « Révolution toujours » — tant qu’il y a des gens pour vous fai
545
vous faire du pain ; et c’est très beau, Aragon,
de
ne plus rien attendre du monde, mais on voudrait que de moins de glor
546
plus rien attendre du monde, mais on voudrait que
de
moins de gloriole s’accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, secouan
547
attendre du monde, mais on voudrait que de moins
de
gloriole s’accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, secouant son dég
548
violence. Une sensualité moins énervée lui permet
de
brutaliser quelque peu les « grands problèmes », et le voilà reparti
549
reparti dans un égoïsme triomphant, pur du désir
d’
action qui empêtrait Barrès dans des dilemmes où l’art trouvait mal sa
550
ence et le désespoir (c’est l’amour), et, déchiré
de
contradictions, tire du désordre de ses certitudes fragmentaires la m
551
, et, déchiré de contradictions, tire du désordre
de
ses certitudes fragmentaires la matière de quelques pamphlets par quo
552
sordre de ses certitudes fragmentaires la matière
de
quelques pamphlets par quoi il se raccroche au monde. Mais il a touch
553
che au monde. Mais il a touché certains bas-fonds
de
l’âme où s’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin d’une mys
554
’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin
d’
une mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus, Marcel Arland, —
555
même désenchantement précoce, sans la brusquerie
de
ses aînés. Encore un qui s’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au
556
’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au point
d’
y percevoir comme un appel du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secr
557
cause secrète des inquiétudes modernes : la perte
d’
une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : «
558
études modernes : la perte d’une foi. Il a besoin
de
Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’est peut-être que je
559
ncérité si voulue qu’elle va parfois à l’encontre
de
son dessein. ⁂ Décidément nous sommes malades dans les profondeurs. E
560
lus incurable. Ces jeunes gens n’en finissent pas
de
peindre leur déséquilibre. Il serait temps de faire la critique des m
561
pas de peindre leur déséquilibre. Il serait temps
de
faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant que de p
562
s de faire la critique des méthodes et des façons
de
vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions qu’on vie
563
ue des méthodes et des façons de vivre autant que
de
penser qui les ont amenés aux positions qu’on vient d’esquisser. Mais
564
nser qui les ont amenés aux positions qu’on vient
d’
esquisser. Mais on trouve tout dans les livres des jeunes, dites-vous,
565
tachée à chercher dans le seul moi les fondements
d’
une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’une morale qui « d
566
une éthique. Presque tous sont hantés par la peur
d’
une morale qui « déforme », qui mutile une tendance naturelle, qui éla
567
ague, qui opère un choix parmi les éléments mêlés
de
la personnalité. Toute tendance qu’ils découvrent en eux est non seul
568
à leurs yeux, mais « tabou » ; et c’est vertu que
de
favoriser son expansion. — Mais je trouve en moi ordre et désordre, r
569
l’emportent, il est plus facile et plus enivrant
de
se laisser glisser que de construire. Et l’on y prend vite goût. Cel
570
facile et plus enivrant de se laisser glisser que
de
construire. Et l’on y prend vite goût. Cela tourne alors en passion
571
y prend vite goût. Cela tourne alors en passion
de
détruire, en haine de toute stabilité, de toute forme. Attitude parfa
572
ela tourne alors en passion de détruire, en haine
de
toute stabilité, de toute forme. Attitude parfaitement folle, mais c’
573
passion de détruire, en haine de toute stabilité,
de
toute forme. Attitude parfaitement folle, mais c’est justement de quo
574
Attitude parfaitement folle, mais c’est justement
de
quoi se glorifient ses tenants, ils y voient la suprême liberté. Le d
575
la suprême liberté. Le désir se précisait en moi
de
commettre enfin l’acte vraiment indéfendable de tout point de vue… J’
576
i de commettre enfin l’acte vraiment indéfendable
de
tout point de vue… J’avais goûté à l’alcool singulièrement perfide de
577
… J’avais goûté à l’alcool singulièrement perfide
de
perdre ce que nous chérissons… Nous apprîmes à mépriser les longues v
578
’alors enviées, et une nuit, nous fîmes le procès
de
toutes les jouissances humaines. L’espèce de sincérité terroriste dan
579
ocès de toutes les jouissances humaines. L’espèce
de
sincérité terroriste dans laquelle nous nous obstinions nous menait n
580
urellement à repousser avec horreur tout argument
d’
utilité, et bien que nous niions toute vérité, nous étions dominés par
581
ons toute vérité, nous étions dominés par le sens
d’
une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au
582
que certains d’entre nous eussent acheté au prix
d’
un martyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu
583
aît inutile et vain ? Je cite ces phrases, tirées
d’
un récit d’ailleurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer l’abouti
584
phrases, tirées d’un récit d’ailleurs admirable4,
de
Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement d’une évolution qui a son
585
e4, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement
d’
une évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre les Nourri
586
nt d’une évolution qui a son origine dans l’œuvre
de
Gide. Entre les Nourritures terrestres, les Caves du Vatican et Dada,
587
ican et Dada, il y a place pour tous les chaînons
d’
inquiétude, de malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré de
588
il y a place pour tous les chaînons d’inquiétude,
de
malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré des tempéraments
589
pour tous les chaînons d’inquiétude, de malaises,
de
révoltes plus ou moins complètes au gré des tempéraments. Le geste de
590
moins complètes au gré des tempéraments. Le geste
de
Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme. De l’acte gratuit commis
591
te de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme.
De
l’acte gratuit commis par un héros de roman, à la vie gratuite que pr
592
urréalisme. De l’acte gratuit commis par un héros
de
roman, à la vie gratuite que prétendent mener les surréalistes, il n’
593
alistes, il n’a fallu que le temps pour une folie
de
s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent entre Gide
594
ur une folie de s’emballer. La plupart des romans
de
jeunes qui se situent entre Gide et Aragon nous montrent le même pers
595
me personnage : un être sans foi, à qui une sorte
de
« sincérité » interdit de commettre aucun acte volontaire et raisonné
596
ns foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit
de
commettre aucun acte volontaire et raisonné parce que ce serait fauss
597
l méprise toutes également ; n’attendant rien que
de
ses impulsions et contemplant avec une lucidité parfois douloureuse s
598
ropres actes dont il s’étonne mais qu’il se garde
de
juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte gratuit, qui r
599
e de juger5. Il y a véritablement une littérature
de
l’acte gratuit, qui restera caractéristique de notre époque. Mais Gi
600
re de l’acte gratuit, qui restera caractéristique
de
notre époque. Mais Gide est responsable d’une autre méthode de cultu
601
tique de notre époque. Mais Gide est responsable
d’
une autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie »,
602
e. Mais Gide est responsable d’une autre méthode
de
culture de soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à po
603
de est responsable d’une autre méthode de culture
de
soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’e
604
ponsable d’une autre méthode de culture de soi, «
d’
intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême cer
605
re méthode de culture de soi, « d’intensification
de
la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême certaines « vertus »,
606
usqu’à l’absurde. Surenchère morale dont le début
de
la Tentative amoureuse offrait déjà une singulière préfiguration : Ce
607
intes, ni la pudeur, ni le remords, ni le respect
de
moi ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe q
608
la pudeur, ni le remords, ni le respect de moi ni
de
mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m’empêc
609
ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi
d’
après-tombe qui m’empêcheront de joindre ce que je désire ; ni rien —
610
mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m’empêcheront
de
joindre ce que je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant une
611
— rien que l’orgueil, sachant une chose si forte,
de
me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’une si
612
chose si forte, de me sentir plus fort encore et
de
la vaincre. — Mais la joie d’une si haute victoire — n’est pas si dou
613
plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie
d’
une si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne
614
n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne que
de
céder à vous, désirs, et d’être vaincu sans bataille. On voit assez à
615
’est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et
d’
être vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre de sophismes con
616
vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre
de
sophismes conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise une borne qu
617
ez à quel genre de sophismes conduit ce mouvement
de
l’esprit qui n’utilise une borne que pour sauter plus loin. Ainsi, c’
618
un certain immoralisme comme la seule vertu digne
d’
une élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralis
619
vertu digne d’une élite. Tel est l’état d’esprit
de
la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot de paradoxe serait bien p
620
it de la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot
de
paradoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin de porter à son
621
adoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin
de
porter à son excès toute chose, au-delà de toutes limites. « Il n’y a
622
besoin de porter à son excès toute chose, au-delà
de
toutes limites. « Il n’y a que les excès qui méritent notre enthousia
623
propre intérêt6… » c’est proprement la perversion
d’
une vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier la fécondité p
624
Je ne vais point nier la fécondité psychologique
d’
une attitude par ailleurs si proche de certain mysticisme. Mais pousse
625
s. Nous ne pensons plus par ensembles7 : symptôme
de
fatigue. Mais tout cela : dégoût universel, désir de violences, gratu
626
fatigue. Mais tout cela : dégoût universel, désir
de
violences, gratuité des pensées et des actes, rêves éveillés, tout ce
627
tes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas
d’
une fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des
628
tion mécanicienne. (Les machines n’ont pas besoin
de
sommeil.) La fatigue devient un des éléments les plus importants de n
629
tigue devient un des éléments les plus importants
de
notre psychologie. Images des surréalistes — ils l’indiquent eux-même
630
calembours, expression métaphorique et symbolique
de
la pensée : la littérature d’avant-garde est fille de la fatigue. La
631
rique et symbolique de la pensée : la littérature
d’
avant-garde est fille de la fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour mo
632
a pensée : la littérature d’avant-garde est fille
de
la fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour moderne, nerveux, saugrenu
633
grenu jusqu’au sadisme, trop lucide, est un amour
de
fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë
634
n amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante,
de
Morand). La lucidité aiguë de nos psychologues est cet état presque i
635
, l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë
de
nos psychologues est cet état presque inhumain de celui qui n’a pas d
636
de nos psychologues est cet état presque inhumain
de
celui qui n’a pas dormi et qui « assiste » à sa vie, à ses sensations
637
art, la fatigue est un des états les plus riches
de
visions nouvelles, et qui résiste le mieux à l’analyse. Seulement nou
638
ement nous y perdons graduellement l’intelligence
de
nos instincts, la conscience de nos limites naturelles, tout ce qui s
639
nt l’intelligence de nos instincts, la conscience
de
nos limites naturelles, tout ce qui servirait de frein à notre glissa
640
de nos limites naturelles, tout ce qui servirait
de
frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer une conscience indi
641
proportions ; rééduquer les instincts du corps et
de
l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction complèt
642
du corps et de l’âme ; vouloir une foi… La morale
de
demain sera en réaction complète contre celle d’aujourd’hui, parce qu
643
de demain sera en réaction complète contre celle
d’
aujourd’hui, parce que nous sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore un
644
sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore une fois,
de
renier l’immense effort pour se libérer de l’universelle hypocrisie a
645
fois, de renier l’immense effort pour se libérer
de
l’universelle hypocrisie accompli par des générations qui ne lèguent
646
ntraire profiter des démonstrations par l’absurde
de
quelques problèmes moraux et littéraires 8, à quoi beaucoup sacrifièr
647
rent leur jeunesse. (« Nous sommes une génération
de
cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donn
648
ou se défaire avec elle et dériver vers un Orient
d’
oubli — (mais avant de s’y perdre, quelles révolutions, quelles anarch
649
ont compris. Ils sont modestes — ne s’isolant pas
de
la Société ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne mépri
650
pas la culture ; sans autre parti pris que celui
de
vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres de langage et maîtres de l
651
autre parti pris que celui de vivre, c’est-à-dire
de
construire ; sobres de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils
652
lui de vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres
de
langage et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de
653
dire de construire ; sobres de langage et maîtres
de
leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de pensée valable qu’assu
654
es de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a
de
pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de liberté que
655
ée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a
de
liberté que dans la soumission aux lois naturelles ; et leur effort e
656
umission aux lois naturelles ; et leur effort est
de
retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de choisir parmi leurs inst
657
est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas
de
choisir parmi leurs instincts, ni de les améliorer 10. Tout ceci est
658
raignent pas de choisir parmi leurs instincts, ni
de
les améliorer 10. Tout ceci est assez nouveau. (Après tant de cocktai
659
es se recueillent encore dans l’attente angoissée
d’
une révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux
660
ngoissée d’une révélation et dans la connaissance
de
leur misère. Pareils à ceux dont Vinet disait qu’ils s’en vont « épia
661
ait qu’ils s’en vont « épiant toutes les émotions
de
l’âme, et lui multipliant ses douleurs en les lui nommant », ils décr
662
hent, quand viendra le moment, détourner les yeux
de
leur recherche pour contempler un absolu ; qu’ils osent se faire viol
663
core Vinet, ne voir d’abord que les grands traits
de
sa nature, ne connaître que les grands mots de la langue morale, suiv
664
ts de sa nature, ne connaître que les grands mots
de
la langue morale, suivre à l’égard de soi-même la méthode de l’Évangi
665
e morale, suivre à l’égard de soi-même la méthode
de
l’Évangile qui, prenant à plein poing toutes ces petites misères, en
666
r ce moyen nous met tout d’abord en présence, non
de
nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes
667
tout d’abord en présence, non de nous-mêmes, mais
de
Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent des
668
nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas
d’
exiger des poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais que nos mora
669
resque tous les jeunes écrivains — se souviennent
de
penser en fonction du temps présent, soit qu’ils veuillent en amélior
670
le mal qu’ils ont fait et qu’au fond, leur refus
d’
agir sur l’époque, c’est une manière d’agir contre elle. 2. « La cris
671
leur refus d’agir sur l’époque, c’est une manière
d’
agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature », NRF, 192
672
ère d’agir contre elle. 2. « La crise du concept
de
littérature », NRF, 1923. 3. « Il s’était développé en nous un goût
673
3. « Il s’était développé en nous un goût furieux
de
l’expérience humaine. » (Aragon) 4. « Lorsque tout est fini » dans L
674
t est fini » dans Libertinage. (NRF) 5. Détours
de
René Crevel ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain de Mauric
675
e. (NRF) 5. Détours de René Crevel ; les romans
de
Philippe Soupault ; l’Incertain de Maurice Betz ; certains personnage
676
l ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain
de
Maurice Betz ; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon, de Dri
677
’Incertain de Maurice Betz ; certains personnages
d’
Arland, de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus
678
de Maurice Betz ; certains personnages d’Arland,
de
Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significa
679
; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon,
de
Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significatifs. 6. Aragon,
680
nd du romantisme moderne nous empêche secrètement
de
construire et de nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’i
681
moderne nous empêche secrètement de construire et
de
nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’idéal goethéen : a
682
n veut tout cultiver, et en fait l’on se contente
d’
une violence, d’un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences
683
iver, et en fait l’on se contente d’une violence,
d’
un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires son
684
fait l’on se contente d’une violence, d’un vice,
d’
une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont plus dang
685
leurs leurs théories nous ramèneraient vite l’âge
de
la pierre, à la condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée de c
686
èneraient vite l’âge de la pierre, à la condition
d’
homme la plus nue ; la plus éloignée de celle qui permet le surréalism
687
condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée
de
celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe d’hommes solides suf
688
celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe
d’
hommes solides suffirait à restaurer une élite, efficace. (Je vois Jea
689
e, efficace. (Je vois Jean Prévost, deux ou trois
de
Philosophies, des Cahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’
690
t la morale) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mars 1926, p. 311-319.
691
Conférences
d’
Aubonne (7 avril 1926)d Pour la première fois cette année, les conf
692
our la première fois cette année, les conférences
de
l’Association chrétienne d’étudiants eurent lieu au printemps, et non
693
nnée, les conférences de l’Association chrétienne
d’
étudiants eurent lieu au printemps, et non plus à Sainte-Croix, mais à
694
ein succès a répondu à cette innovation. Le sujet
de
la première partie des conférences, les Objections des intellectuels
695
psychanalyste distingué, qui se fit avec beaucoup
d’
intelligence l’avocat du diable, en montrant que tous les faits religi
696
ation scientifique. C’est donc à la seule volonté
de
choisir. M. le pasteur Bertrand de Lyon, répondit en exposant les exi
697
trand de Lyon, répondit en exposant les exigences
de
l’Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vig
698
face de la pensée moderne, et fut impressionnant
de
vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la
699
, et fut impressionnant de vigueur dialectique et
de
largeur d’idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompr
700
pressionnant de vigueur dialectique et de largeur
d’
idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompre les discu
701
ovoquées par ces deux travaux. Avec la conférence
de
M. Jean Cadier, un jeune pasteur français, on descendit — ou l’on mon
702
it — ou l’on monta suivant M. A. Léo — du domaine
de
la pensée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de
703
A. Léo — du domaine de la pensée pure dans celui
de
l’action. M. Cadier montra le conflit de la théologie moderne avec l’
704
ns celui de l’action. M. Cadier montra le conflit
de
la théologie moderne avec l’action religieuse en s’appuyant sur des e
705
yant sur des expériences faites pendant le réveil
de
la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Pour remplac
706
une causerie émouvante sur l’Évolution religieuse
de
Jacques Rivière, qui se trouva préciser bien des points laissés en su
707
points laissés en suspens dans la première partie
de
la conférence. Puis M. A. Brémond, étudiant en théologie, présenta de
708
nd, étudiant en théologie, présenta deux ouvriers
de
Paris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les c
709
ris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion
de
partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réali
710
ont il a eu l’occasion de partager les conditions
de
vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre d
711
les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un
de
la Réalité prolétarienne, l’autre de la Mentalité prolétarienne. Brém
712
rlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre
de
la Mentalité prolétarienne. Brémond conclut en montrant la nécessité
713
nclut en montrant la nécessité et les difficultés
d’
une action missionnaire dans ces milieux, comme M. Terrisse l’avait fa
714
risse l’avait fait le soir avant pour les milieux
d’
ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec un
715
vriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions
de
partis, avec une passion contenue d’hommes qui ont vu, qui ont souffe
716
es questions de partis, avec une passion contenue
d’
hommes qui ont vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus de mots
717
nt vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus
de
mots ni d’utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su arracher leurs
718
ont souffert, et qui ne se payent plus de mots ni
d’
utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su arracher leurs auditeurs
719
Janson et Brémond ont su arracher leurs auditeurs
de
leur lit de préjugés pour les placer véritablement en face de la « ré
720
émond ont su arracher leurs auditeurs de leur lit
de
préjugés pour les placer véritablement en face de la « réalité prolét
721
que nous voulons, c’est élever l’homme au-dessus
de
la plus dégradante condition, et nous n’y arriverons que par un trava
722
dition, et nous n’y arriverons que par un travail
d’
éducation lent et souvent dangereux. Vous, étudiants, venez à nous pou
723
s écopons, tant pis. » Cinq conférences et autant
de
cultes en trois jours, cela peut paraître excessif à qui n’a pas conn
724
que. Chacun dit ce qu’il pense sans se préoccuper
d’
être bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis
725
re bien pensant et les Romands recouvrent l’usage
de
la parole, puis on va se dégourdir sur un ballon ou bien l’on poursui
726
anquier et un philosophe au milieu d’une centaine
d’
étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit
727
hilosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et
de
professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit croire un insta
728
ui nous fit croire un instant à la fameuse devise
de
la Révolution. d. « Conférences d’Aubonne », Suisse libérale, Neuch
729
meuse devise de la Révolution. d. « Conférences
d’
Aubonne », Suisse libérale, Neuchâtel, n° 78, 7 avril 1926, p. 2. Sign
730
d. « Conférences d’Aubonne », Suisse libérale,
Neuchâtel
, n° 78, 7 avril 1926, p. 2. Signé : Stud. litt.
731
(avril 1926)p Au creux des couleurs assourdies
d’
un divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de
732
tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel
de
Florence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaça
733
s’ouvraient vers le ciel de Florence… « Du sang,
de
la volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a
734
le ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et
de
la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoir
735
’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire
de
passion mystique et de crime, intense et tragique comme un couchant d
736
Jouve a rêvé une histoire de passion mystique et
de
crime, intense et tragique comme un couchant d’automne, émouvante enc
737
t de crime, intense et tragique comme un couchant
d’
automne, émouvante encore après tant d’autres, comme chaque soir un no
738
te en brèves notations lyriques suivant le rythme
d’
un songe, sans cesse brisé par les élans alternés ou confondus du dési
739
é par les élans alternés ou confondus du désir et
de
la prière. On sort lentement d’une chambre bleue qui est le mystère m
740
ondus du désir et de la prière. On sort lentement
d’
une chambre bleue qui est le mystère même, pour suivre la naissance et
741
e même, pour suivre la naissance et l’embrasement
de
la passion de Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime
742
uivre la naissance et l’embrasement de la passion
de
Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime ; et l’étrang
743
la rechute et le crime ; et l’étrange apaisement
d’
une vieillesse au soleil. Jouve semble avoir hésité entre plusieurs st
744
Jouve semble avoir hésité entre plusieurs styles
de
roman. Un chapitre d’observation psychologique ironique et minutieuse
745
sité entre plusieurs styles de roman. Un chapitre
d’
observation psychologique ironique et minutieuse, à la Stendhal, succè
746
me lyrisme et s’agite sur un fond sombre et riche
de
passions inconscientes qui donnent à tous les actes une signification
747
une signification plus profonde. (Il serait aisé
de
montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de famille freudien
748
montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes
de
famille freudiens, ou d’analyses de démences mystiques ; mais tout ce
749
a su tirer des complexes de famille freudiens, ou
d’
analyses de démences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un mo
750
des complexes de famille freudiens, ou d’analyses
de
démences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un monde poétiqu
751
é dans un monde poétique où il paraît inconvenant
d’
introduire le jargon de la science moderne.) Si nous reconnaissons à l
752
e où il paraît inconvenant d’introduire le jargon
de
la science moderne.) Si nous reconnaissons à la base de cette œuvre i
753
science moderne.) Si nous reconnaissons à la base
de
cette œuvre inégale des idées vieilles comme Rousseau sur les droits
754
des idées vieilles comme Rousseau sur les droits
de
la passion, — et dans sa trame quelques chapitres inspirés presque li
755
quelques chapitres inspirés presque littéralement
d’
une anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part l’évolution mysti
756
és presque littéralement d’une anecdote italienne
de
Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique de Paulina semble par
757
e Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique
de
Paulina semble parfois un peu trop « classique » et prévue, l’origina
758
ique » et prévue, l’originalité foncière du roman
de
Jouve reste indéniable : c’est son mouvement purement lyrique, sa pro
759
énements inconscients. Certaines proses mystiques
de
Paulina au couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiqu
760
de Paulina au couvent valent les meilleurs poèmes
de
l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. « Pierre Jean
761
u couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur
de
Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. « Pierre Jean Jouve : Paul
762
les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et
de
Vous êtes des hommes. p. « Pierre Jean Jouve : Paulina 1880 (NRF, P
763
(NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, avril 1926, p. 530-531.
764
Alix de Watteville, La Folie
de
l’espace (avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui la guerre
765
La Folie de l’espace (avril 1926)q Un artiste
de
grand talent à qui la guerre a fait perdre le goût des théories d’éco
766
qui la guerre a fait perdre le goût des théories
d’
écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez-le aux pris
767
re a fait perdre le goût des théories d’écoles et
de
quelques autres plaisirs pour civils : mettez-le aux prises avec une
768
principes. Voilà, n’est-ce pas, un amusant sujet
de
conte moral, avec ses personnages un peu conventionnels et l’invraise
769
onventionnels et l’invraisemblance assez piquante
de
ses péripéties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’une idéolog
770
ripéties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi
d’
une idéologie, souvent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à êt
771
se en action plutôt qu’en commentaires. Le talent
de
Mme de Watteville paraît mieux à l’aise dans la description du milieu
772
cription du milieu patricien que dans la création
d’
un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne l
773
ieu patricien que dans la création d’un caractère
de
grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne lira pas sans pl
774
in le vent du large, parmi des gens qui craignent
de
s’enrhumer. q. « Alix de Watteville : La Folie de l’espace (Delacha
775
s’enrhumer. q. « Alix de Watteville : La Folie
de
l’espace (Delachaux et Niestlé) », Bibliothèque universelle et Revue
776
et Niestlé) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, avril 1926, p. 531.
777
ourit avec une grâce un peu frileuse et se permet
de
bâiller en public. On connaît le danger… r. « Wilfred Chopard : Sp
778
s, Lausanne) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1926, p. 661.
779
ire Rivier, L’Athée (mai 1926)s C’est le récit
de
la découverte de Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Inv
780
ée (mai 1926)s C’est le récit de la découverte
de
Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Invraisemblablement
781
ée dans l’athéisme. Invraisemblablement ignorante
de
toute religion jusqu’à 20 ans, Denise s’abandonne à « la vie », laque
782
r l’auteur — lui révèlera peu à peu le sens divin
de
la destinée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’
783
ivre à thèse est plutôt une argumentation à coups
d’
exemples vivants qu’un véritable roman. La profusion souvent facile de
784
cidents et le style volontairement sec permettent
de
suivre sans passion ni fatigue le développement un peu théorique mais
785
e développement un peu théorique mais intelligent
d’
un problème que l’on pressent trop complètement résolu dès les premièr
786
premières pages, mais qu’il faut louer Mme Rivier
d’
avoir posé courageusement. Dirai-je que l’abus des points d’exclamatio
787
sé courageusement. Dirai-je que l’abus des points
d’
exclamation — trait commun à presque toutes les femmes auteur, et qui
788
t, Lausanne) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1926, p. 661.
789
Jean Cocteau a réuni ce qui me paraît le meilleur
de
son œuvre : ses récits de critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arleq
790
i me paraît le meilleur de son œuvre : ses récits
de
critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le
791
meilleur de son œuvre : ses récits de critique et
d’
esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le Secret profess
792
d par ordre, et montrer que si cet ordre l’écarte
de
Dada, il ne le conduit pas pour autant à l’Académie. Disons pour alle
793
Académie. Disons pour aller vite que sa recherche
de
l’ordre révèle simplement une volonté de construire jusque dans le gr
794
echerche de l’ordre révèle simplement une volonté
de
construire jusque dans le grabuge, qu’il aime pour les matériaux qu’o
795
r les matériaux qu’on en peut tirer. L[e] malheur
de
Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en ve
796
ofessionnel, petit catéchisme cubiste qui dépasse
de
beaucoup les limites de cette école, et qu’il eut le tort à notre sen
797
hisme cubiste qui dépasse de beaucoup les limites
de
cette école, et qu’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer d
798
de cette école, et qu’il eut le tort à notre sens
de
vouloir illustrer de pédants exercices poétiques. Mais quelle intelli
799
’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer
de
pédants exercices poétiques. Mais quelle intelligence, et dont l’auda
800
s. Mais quelle intelligence, et dont l’audace est
de
se vouloir plus juste que bizarre. Il sait bien d’ailleurs que les mi
801
urs que les miracles les plus étonnants sont ceux
de
la lumière. « Le mystère se passe en plein jour et à toute vitesse. »
802
et à toute vitesse. » Telle est bien la nouveauté
de
son théâtre et de l’art qu’il défend en peinture, en musique. Suppres
803
. » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et
de
l’art qu’il défend en peinture, en musique. Suppression du clair-obsc
804
nture, en musique. Suppression du clair-obscur et
de
la pénombre. Ôter la pédale à la poésie. (« Le poète ne rêve pas, il
805
t sur une machine luisante et tournante. L’esprit
de
Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance mécanique et
806
nante. L’esprit de Cocteau est une arme admirable
de
précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que
807
t de Cocteau est une arme admirable de précision,
d’
élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que c’est toujour
808
e admirable de précision, d’élégance mécanique et
de
rapidité. Il lassera, parce que c’est toujours le même déclic. Coctea
809
charme et toute grâce vaporeuse. Mais ses fleurs
de
cristal, si elles sont sans parfum, ne se faneront pas. t. « Jean C
810
tock, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1926, p. 661-662.
811
émoignages ne manquent pas sur la détresse morale
de
la génération surréaliste. Mais tandis que la plupart en sont encore
812
, « artistiqués », — ils n’osent plus le mensonge
de
l’art, et pas encore la vérité pure — Crevel décrit sans aucune trans
813
ansposition romanesque le trouble caractéristique
de
sa génération. Terrible aveu d’impuissance, il n’a plus même la force
814
e caractéristique de sa génération. Terrible aveu
d’
impuissance, il n’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans un
815
ble aveu d’impuissance, il n’a plus même la force
de
l’hypocrisie. Isolé dans un hôtel perdu, avec son corps qui se souvie
816
ec une intelligence dont la triste profession est
de
détruire le désir qu’elle excite par curiosité passagère, il monologu
817
l’élan vital qui nous crée sans cesse : l’analyse
de
sa solitude le laisse en face de quelques réactions physiologiques do
818
isse qu’il nomme « élan mortel ». Cette inversion
de
tout ce qui est constructif et créateur, voilà je pense le véritable
819
parvenue au point où elle « ne semble avoir rien
d’
autre à faire que son propre procès », une intelligence qui se dégoût
820
Ah ! Seigneur, donnez-nous la force et le courage
de
contempler nos corps et nos cœurs sans dégoût implorait Baudelaire.
821
implorait Baudelaire. Encore avait-il le courage
de
prier… u. « René Crevel : Mon corps et moi », Bibliothèque universe
822
corps et moi », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1926, p. 662-663.
823
L’atmosphère
d’
Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)e Cette conférence s’ouvrit par
824
du diable et se termina sous le plus beau soleil
de
printemps. Libre à qui veut d’y voir un symbole. On ne saurait exagér
825
e plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut
d’
y voir un symbole. On ne saurait exagérer l’importance des conditions
826
portance des conditions météorologiques du succès
d’
une telle rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que la bise tomb
827
à ce que la bise tombée permît à « l’atmosphère »
de
s’établir. Alors le miracle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esp
828
acle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esprit
d’
Aubonne. C’est ce miracle tout ce qu’il y a de plus protestant — mais
829
uire ailleurs qu’en terre romande. C’est l’esprit
de
liberté, tout simplement. Mais précisons : c’est bien plus que la lib
830
. Mais précisons : c’est bien plus que la liberté
de
défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’
831
erté de défendre sa petite hérésie personnelle et
de
s’affirmer aux dépens d’autrui, — c’est la liberté dans la recherche.
832
e hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens
d’
autrui, — c’est la liberté dans la recherche. Chose plus rare qu’on ne
833
convaincre qu’à se convaincre. Après les exposés
de
Janson, de Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas m
834
qu’à se convaincre. Après les exposés de Janson,
de
Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas mal de préju
835
en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas mal
de
préjugés en matières sociales. Mais ce qui est peut-être plus importa
836
on eut l’impression, durant les discussions entre
de
Saussure et Bertrand, que les orateurs exprimaient tour à tour les ob
837
soi, qu’ils incarnaient les voix contradictoires
d’
un débat que tous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arri
838
ous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir
d’
arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le
839
loyalement. Et ce désir d’arriver à quelque chose
de
définitif à la fois et d’intelligent, je le mesure aussi à l’émotion
840
arriver à quelque chose de définitif à la fois et
d’
intelligent, je le mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude de
841
e mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude
de
Maury sur Jacques Rivière : combien reconnurent dans le tourment de c
842
es Rivière : combien reconnurent dans le tourment
de
cette âme leur propre recherche, — et dans ses lumineuses conquêtes s
843
réponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère
de
la chapelle où ont lieu travaux et méditations. Dehors, on honore la
844
vaux et méditations. Dehors, on honore la liberté
d’
un culte moins platonique : n’est-ce pas Léo qui prétendit qu’on ne pe
845
on ne peut juger les Associations qu’à leur façon
de
jouer le volley-ball ? Le Casino offrit pendant quelques nuits la vis
846
o offrit pendant quelques nuits la vision étrange
d’
une salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur des paillasses att
847
sur des paillasses attendraient en vain le lever
d’
un rideau sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l’on vit a
848
Henriod debout sur un tronc coupé n’eut pas trop
de
toute sa souplesse pour maintenir l’équilibre des discussions et de s
849
sse pour maintenir l’équilibre des discussions et
de
sa propre personne. Et il y eut encore un dîner très démocratique pen
850
Abauzit chanta « les Crapauds » avec âme, appuyé
d’
une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air de
851
apauds » avec âme, appuyé d’une main sur l’épaule
de
Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Apr
852
âme, appuyé d’une main sur l’épaule de Janson, et
de
l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Après quoi Richar
853
attendu pour le manifester ! — et qu’il suffisait
de
souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je
854
! — et qu’il suffisait de souscrire à la brochure
de
la conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit dans ces quelq
855
core : f 2.50, nom et adresse. e. « L’atmosphère
d’
Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l’Association
856
onne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles
de
l’Association chrétienne suisse d’étudiants, Lausanne, mai 1926, p. 4
857
ta : nouvelles de l’Association chrétienne suisse
d’
étudiants, Lausanne, mai 1926, p. 44-45.
858
us disons adieu aux charmes troubles et inhumains
de
la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et b
859
mes troubles et inhumains de la nature. Il s’agit
de
créer à notre vie moderne un décor utile et beau. Or « la grande vill
860
or utile et beau. Or « la grande ville, phénomène
de
force en mouvement, est aujourd’hui une catastrophe menaçante pour n’
861
catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée
de
l’esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des mill
862
menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit
de
géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des milliers d’êtres
863
lle use et conduit lentement l’usure des milliers
d’
êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles de t
864
Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles
de
travail ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues. Con
865
us adaptée aux conditions nouvelles de travail ou
de
repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues. Congestion : « un
866
i, — comme la poésie. C’est ainsi que le problème
de
l’Urbanisme se place au croisement des préoccupations esthétiques et
867
sement des préoccupations esthétiques et sociales
d’
aujourd’hui. Pour résoudre la crise de notre civilisation sous cet asp
868
et sociales d’aujourd’hui. Pour résoudre la crise
de
notre civilisation sous cet aspect comme sous les autres, il nous fau
869
faut mieux que des dictateurs : des Architectes,
de
l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera
870
des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et
de
la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera plus fort que M
871
rt que Mussolini (lequel s’est d’ailleurs inspiré
de
lui dans son fameux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est une
872
nspiré de lui dans son fameux discours aux édiles
de
Rome). Urbanisme est une étude technique et un pamphlet dont l’argum
873
e parfois en boutades mordantes, en brèves fusées
de
lyrisme. C’est d’une verve puissante jusque dans la statistique. On e
874
des mordantes, en brèves fusées de lyrisme. C’est
d’
une verve puissante jusque dans la statistique. On en sort convaincu o
875
On en sort convaincu ou bouleversé, enthousiasmé
d’
avoir trouvé la formule même de tant d’aspirations modernes. Voici san
876
ersé, enthousiasmé d’avoir trouvé la formule même
de
tant d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les
877
thousiasmé d’avoir trouvé la formule même de tant
d’
aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les plus re
878
aucun doute un des livres les plus représentatifs
de
l’époque de Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme
879
un des livres les plus représentatifs de l’époque
de
Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme un ossuaire
880
monde comme un ossuaire est couvert des détritus
d’
époques mortes. Une tâche nous incombe, construire le cadre de notre e
881
rtes. Une tâche nous incombe, construire le cadre
de
notre existence… construire les villes de notre temps ». Et je déplie
882
e cadre de notre existence… construire les villes
de
notre temps ». Et je déplie ce plan d’une « ville contemporaine ». Pu
883
les villes de notre temps ». Et je déplie ce plan
d’
une « ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment bl
884
n d’une « ville contemporaine ». Pures géométries
de
verre et de ciment blanc, flamboyantes au soleil. Les vingt-quatre gr
885
lle contemporaine ». Pures géométries de verre et
de
ciment blanc, flamboyantes au soleil. Les vingt-quatre gratte-ciel de
886
mboyantes au soleil. Les vingt-quatre gratte-ciel
de
la cité, au centre, s’espacent autour d’un aérodrome-gare circulaire,
887
tte-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour
d’
un aérodrome-gare circulaire, prismes perdus dans le silence de l’azur
888
e-gare circulaire, prismes perdus dans le silence
de
l’azur au-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartie
889
s dans le silence de l’azur au-dessus des rumeurs
de
la ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les jardins su
890
umeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers
de
résidence ; les jardins suspendus à tous les étages soulignent de ver
891
es jardins suspendus à tous les étages soulignent
de
verdure l’horizontale des toitures en terrasses. Des perspectives rég
892
s, et minces en regard de leur hauteur, entourant
de
leurs multiples « redents » des terrains de jeux et des parcs, la nat
893
urant de leurs multiples « redents » des terrains
de
jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle
894
e organisé par l’Architecture avec les ressources
de
la plastique qui est le jeu de formes sous la lumière ». Cristallisat
895
vec les ressources de la plastique qui est le jeu
de
formes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et de rai
896
jeu de formes sous la lumière ». Cristallisation
d’
un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur ch
897
rmes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve
de
joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopi
898
a lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et
de
raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopie ! Oui, si
899
Cristallisation d’un rêve de joie et de raison où
de
grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopie ! Oui, si notre civili
900
tériels formidables des ensembles soumis aux lois
de
l’esprit et de la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique.
901
bles des ensembles soumis aux lois de l’esprit et
de
la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer des lign
902
archique. Tirer des lignes droites, est le propre
de
l’homme. Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Créer un espace a
903
es, ce serait peut-être tuer au soleil des germes
de
révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation
904
ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation
de
ce phénomène de haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur
905
ont mis à calculer la réalisation de ce phénomène
de
haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur précis et anonym
906
scurément à cette parfaite expression du triomphe
de
l’homme sur la Nature. Architecture : « tout ce qui est au-delà du ca
907
Crès, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juin 1926, p. 797-798.
908
(mai 1926)f Écrire, pas plus que vivre, n’est
de
nos jours un art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-
909
re, pas plus que vivre, n’est de nos jours un art
d’
agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-mêmes, et si crainti
910
s-mêmes, et si craintifs en même temps, si jaloux
de
ne pas nous déformer artificiellement : nous comprenons que nos œuvre
911
que nos œuvres, si elles furent faites à l’image
de
notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ; c’est peut-être pou
912
t-être pourquoi nous accordons voix dans le débat
d’
écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux calculs l
913
s le débat d’écrire, aux forces les plus secrètes
de
notre être comme aux calculs les plus rusés. Nous choisissons les idé
914
ées comme on choisit un amour dont on est anxieux
de
prévoir l’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint de ressort
915
’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint
de
ressortir trop différent. Amour de soi, qui nous tourmente obscurémen
916
dont on craint de ressortir trop différent. Amour
de
soi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de
917
oi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède
de
craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’obje
918
urmente obscurément et nous obsède de craintes et
de
réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur de perd
919
ont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur
de
perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte impr
920
enons pas toujours l’objet. Peur de perdre le fil
de
la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des chos
921
s l’objet. Peur de perdre le fil de la conscience
de
soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi…
922
ur de perdre le fil de la conscience de soi, peur
de
subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi… Mais moi, qu
923
subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour
de
soi… Mais moi, qui suis-je ? Par ces trois mots commence le drame de
924
ui suis-je ? Par ces trois mots commence le drame
de
toute vie. Ha ! Qui je suis ? Mais je le sens très bien ! je sens trè
925
’autres désirs contradictoires ; au gré du temps,
d’
un sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges vien
926
contradictoires ; au gré du temps, d’un sourire,
d’
un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges viennent m’habiter
927
, d’un sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou
de
dégoûts étranges viennent m’habiter ; je ne sais plus… Je suis beauco
928
où l’on me fit comprendre qu’il n’est que le jeu
de
sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une
929
rendre qu’il n’est que le jeu de sauter follement
d’
une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ;
930
je devins si faible et démuni, livré aux regards
d’
une foule absurde, bienveillante, repue, — tous paraissaient détenir u
931
les, si cruellement présentes et dures ? La cause
de
cette inadaptation, je la soupçonnais si grave, si fondamentale que j
932
référais me leurrer à combattre des imperfections
de
détail dont je m’exagérais l’importance. Et c’est ainsi par feintes q
933
trouble que je me refusai pourtant à nommer peur
de
rire. Cette amertume au fond de tous les plaisirs, cette envie de rir
934
ant à nommer peur de rire. Cette amertume au fond
de
tous les plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait un ennui,
935
mertume au fond de tous les plaisirs, cette envie
de
rire quand il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes vi
936
il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir
de
mes victoires, à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul liait les
937
découvrais, dans tout mon être une force aveugle
de
violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où
938
organisaient brusquement les éléments désaccordés
de
ce moi que j’avais tant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était un
939
dominateurs par quoi l’homme ne se distingue plus
de
l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui
940
t tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi
de
trop grand pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’était plus une doule
941
r ? dans quel sens ? Provisoirement j’étais sauvé
d’
un désordre où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas
942
e où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est
de
ne pas se défaire. Mais rien n’était résolu. Me voici devant quelques
943
problèmes dont je sais qu’il est absolument vain
de
prétendre les résoudre, mais que je dois feindre d’avoir résolus : c’
944
prétendre les résoudre, mais que je dois feindre
d’
avoir résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à la b
945
résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème
de
Dieu, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’une recherche
946
vivre. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde
de
m’y perdre au début d’une recherche qui n’a que ce but de me rendre m
947
, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début
d’
une recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre plein
948
erdre au début d’une recherche qui n’a que ce but
de
me rendre mieux apte à vivre pleinement. En priant, je m’arrête parfo
949
a consiste à retrouver l’instinct le plus profond
de
l’homme, la vertu conservatrice qui ne peut dicter que les gestes les
950
eul qu’ils sont naturels : la nature est un champ
de
luttes, de tendances vers la destruction et vers la construction ; c’
951
sont naturels : la nature est un champ de luttes,
de
tendances vers la destruction et vers la construction ; c’est un méla
952
la construction ; c’est un mélange à doses égales
de
mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, pui
953
tion ; c’est un mélange à doses égales de mort et
de
vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’est
954
ales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence
de
faire primer la vie, puisque n’est pas encore parfait cet instinct qu
955
rfait cet instinct qui est la Vertu. Ma vertu est
de
chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de ren
956
la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ;
de
me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces comp
957
hercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens
de
ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord
958
e Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ;
de
rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord donc, chois
959
de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices
de
mon destin. D’abord donc, choisir Mes instincts, ensuite, les éduquer
960
éduquer, selon des lois établies par le concours
de
l’expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se composent le
961
lois établies par le concours de l’expérience et
d’
un sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la consc
962
par le concours de l’expérience et d’un sentiment
de
convenance en quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes li
963
en quoi se composent le plaisir et la conscience
de
Mes limites. Je m’attache particulièrement à retrouver ces limites :
964
la vie moderne, mécanique, nous les fait oublier,
d’
où cette fatigue générale qui fausse tout, et qui s’oppose au perfecti
965
fausse tout, et qui s’oppose au perfectionnement
de
l’esprit, puisqu’elle ne permet que des associations suivant les dire
966
ermet que des associations suivant les directions
de
moindre résistance. Mais je ne m’emprisonnerai pas dans ces limites.
967
mprisonnerai pas dans ces limites. Ma liberté est
de
les porter plus loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce
968
a liberté est de les porter plus loin sans cesse,
de
battre mes propres records. De ce lent effort naît une modestie que j
969
s loin sans cesse, de battre mes propres records.
De
ce lent effort naît une modestie que je m’enorgueillis un peu de conn
970
ie que je m’enorgueillis un peu de connaître ; et
de
cette volonté d’un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de m
971
ueillis un peu de connaître ; et de cette volonté
d’
un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La s
972
une faiblesse en la nommant ; or je ne veux plus
de
faiblesses4.) Et demain peut-être, agir dans le monde, si je m’en sui
973
t, comme elle veut une conscience. Je fais partie
d’
un ensemble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’
974
ial et dans la mesure où j’en dépends, je me dois
de
m’employer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut une
975
ur une doctrine possible, sur une systématisation
de
mes petites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment d’être dans un d
976
petites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment
d’
être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment s
977
’être dans un débat étranger à ce véritable débat
de
ma vie : comment surmonter un malaise sans cesse renaissant, comment
978
lois du monde, et comment augmenter ma puissance
de
jouir, en même temps que ma puissance d’agir. Que tout cela s’agite s
979
uissance de jouir, en même temps que ma puissance
d’
agir. Que tout cela s’agite sur fond de néant, je le comprends par écl
980
puissance d’agir. Que tout cela s’agite sur fond
de
néant, je le comprends par éclairs, mais une secrète espérance m’empo
981
. Mais comme un écho profond, une attirance aussi
d’
anciennes folies… Combat, oscillations silencieuses dans ma demi-consc
982
, lueurs éteintes dans une nuit froide. Les notes
d’
un chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’
983
chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée
de
mes désirs. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ils l’emporten
984
ennent battre ce corps triste, qu’ils l’emportent
d’
un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ;
985
ont. Une fois écrites elles prennent un caractère
de
certitude qu’elles n’avaient pas encore en moi. C’est en quoi ma sinc
986
une dérision complète. Je m’étonne qu’après tant
d’
expériences ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’un sys
987
’expériences ratées on puisse encore se persuader
de
la vérité d’un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai,
988
ratées on puisse encore se persuader de la vérité
d’
un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile.
989
itimes chez d’autres, même celles que je juge bon
d’
éliminer de moi. Chacun son équilibre, ou plutôt, son « mouvement norm
990
d’autres, même celles que je juge bon d’éliminer
de
moi. Chacun son équilibre, ou plutôt, son « mouvement normal » de vie
991
on équilibre, ou plutôt, son « mouvement normal »
de
vie. f. « Confession tendancieuse », Les Cahiers du mois, Paris, n°
992
Bestiaires, et me tirant hors de ce « long songe
de
violence et de volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux a
993
me tirant hors de ce « long songe de violence et
de
volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux au point qu’il f
994
des forces qui se lèvent. Car telle est la vertu
de
ce livre, qu’on l’éprouve d’abord trop vivement pour le juger. L’aute
995
e ça se vend mieux. Ce récit des premiers combats
de
taureaux du jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses m
996
jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome
de
ses mémoires lyriques. Une œuvre d’une seule coulée, presque sans int
997
nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre
d’
une seule coulée, presque sans intrigue, sans cette orchestration de t
998
, presque sans intrigue, sans cette orchestration
de
thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme,
999
de thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais
d’
une ligne plus ferme, d’une unité plus pure aussi. Le sujet était péri
1000
a richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme,
d’
une unité plus pure aussi. Le sujet était périlleux : si particulier,
1001
périlleux : si particulier, il prêtait à des abus
de
pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieu
1002
articulier, il prêtait à des abus de pittoresque,
de
couleur locale, de détails techniques ou de fastidieuses explications
1003
ait à des abus de pittoresque, de couleur locale,
de
détails techniques ou de fastidieuses explications nécessaires, défau
1004
sque, de couleur locale, de détails techniques ou
de
fastidieuses explications nécessaires, défauts auxquels Montherlant n
1005
e dans l’allure puissante à la fois et désinvolte
de
son récit. On a souvent parlé d’excès de lyrisme à propos des premier
1006
is et désinvolte de son récit. On a souvent parlé
d’
excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette
1007
sinvolte de son récit. On a souvent parlé d’excès
de
lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette fois-ci,
1008
d’excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages
de
Montherlant. Cette fois-ci, on le traite de naturaliste. Mais comment
1009
rages de Montherlant. Cette fois-ci, on le traite
de
naturaliste. Mais comment montrer des taureaux sans que cela sente un
1010
ue cela sente un peu l’étable ? L’étonnant, c’est
de
voir à quel point Montherlant reste poète jusque dans la description
1011
poète jusque dans la description la plus réaliste
de
la vie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’il
1012
t poète qu’il peut atteindre à pareille intensité
de
réalisme. Une perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui do
1013
ntensité de réalisme. Une perpétuelle palpitation
de
vie anime ce livre et lui donne un rythme tel qu’il s’accorde d’emblé
1014
ers « comme un chant mystérieux entendu au-dessus
de
la mer », il y a toujours dans un coin du tableau des ruades, des che
1015
ent et lèchent alternativement, « en vraies bêtes
de
désir ». Une intelligence si profonde de la vie animale suppose entre
1016
es bêtes de désir ». Une intelligence si profonde
de
la vie animale suppose entre l’homme et la bête une sympathie que Mon
1017
e à plusieurs reprises. C’est « par la divination
de
cet amour qu’Alban (le jeune héros du récit) sent ce que sent la bête
1018
raiment que ce qu’on aime, et les victorieux sont
d’
immenses amants »6. Mais envers les taureaux cet amour tourne en adora
1019
reflet bleu clair, soudain inquiètes à l’approche
de
l’inconnu. Nulle part mieux que dans la description des taureaux ne
1020
sage du réalisme le plus hardi à un lyrisme plein
de
simple grandeur. Voici la mort du taureau dit « le Mauvais Ange » :
1021
ureau dit « le Mauvais Ange » : La bête chancela
de
l’arrière-train, tenta de se raidir, enfin croula sur le flanc, accom
1022
e » : La bête chancela de l’arrière-train, tenta
de
se raidir, enfin croula sur le flanc, accomplissant sa destinée. Quel
1023
ement les articulations grinçaient, avec le bruit
d’
un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase
1024
rticulations grinçaient, avec le bruit d’un câble
de
navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime
1025
sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime
de
son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, ell
1026
à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime
de
son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son âme divine s
1027
t ses jeux, et les génisses, et la chère plaine.
De
tels passages qui abondent dans les Bestiaires font pardonner bien d’
1028
les Bestiaires font pardonner bien d’autres pages
de
vrais délires taurologiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle
1029
de vrais délires taurologiques. Quand le lyrisme
de
Montherlant décolle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’év
1030
logiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle
de
la réalité, c’est tout de suite une orgie d’évocations antiques, de r
1031
olle de la réalité, c’est tout de suite une orgie
d’
évocations antiques, de rapprochements superstitieux, de grands symbol
1032
st tout de suite une orgie d’évocations antiques,
de
rapprochements superstitieux, de grands symboles païens, et l’on se p
1033
ations antiques, de rapprochements superstitieux,
de
grands symboles païens, et l’on se perd dans un syncrétisme effarant,
1034
x et Alban confondent leurs génies dans une sorte
de
cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce pa
1035
nfondent leurs génies dans une sorte de cauchemar
de
soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalt
1036
s génies dans une sorte de cauchemar de soleil et
de
sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre
1037
e soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut
de
ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée des sacrifices sanglants.
1038
r ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre
de
la fumée des sacrifices sanglants. Pour ma part, je le trouve assez p
1039
uve assez peu humain et comme obsédé par une idée
de
violence tonique certes, mais décidément un peu pauvre pour fonder un
1040
une religion. Mais ce n’est peut-être qu’un rêve
de
poète. Il y a un autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là. Et c’e
1041
plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est un moraliste
de
grande race, qui peut nous mener à des hauteurs où devient naturel ce
1042
us mener à des hauteurs où devient naturel ce cri
de
sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin d’un autre amour que ce
1043
de sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin
d’
un autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de n
1044
ue celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible
de
ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie
1045
e de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation
de
l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu
1046
xion des phrases, ce qui s’élève en fin de compte
de
tous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un t
1047
qui s’élève en fin de compte de tous ces tableaux
de
violence et de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inver
1048
fin de compte de tous ces tableaux de violence et
de
passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d’au
1049
eaux de violence et de passion, c’est la présence
d’
un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin,
1050
, c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse
de
tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’être, Montherlant
1051
tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que
d’
être, Montherlant impose un tempérament lyrique d’une puissance contag
1052
d’être, Montherlant impose un tempérament lyrique
d’
une puissance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier des défauts
1053
nt lyrique d’une puissance contagieuse. Il y a là
de
quoi faire oublier des défauts qui tueraient tout autre que lui. Cert
1054
ne soulève directement aucun des grands problèmes
de
l’heure. La violence même qui sourd dans son être intime l’en empêche
1055
n être intime l’en empêche, le préserve des états
d’
incertitude douloureux, où ces problèmes viennent se poser à l’esprit,
1056
problèmes viennent se poser à l’esprit, profitant
de
son désaccord avec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’Al
1057
vec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il
d’
Alban — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou e
1058
Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’Alban — (
de
lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, qu
1059
ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée
de
la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la g
1060
es soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met
de
la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas dit les chos
1061
’ai pas dit les choses sentimentales. Le tragique
de
la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec pathétique.
1062
ttitude agace des gens qui se soucient avant tout
de
trouver des réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes p
1063
ui se soucient avant tout de trouver des réponses
de
l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes s
1064
tout de trouver des réponses de l’intelligence ou
de
la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Mont
1065
telligence ou de la foi aux inquiétudes profondes
de
leurs âmes séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là
1066
aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées
de
Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là « qui cherchent en gém
1067
s séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes
de
ceux-là « qui cherchent en gémissant ». Mais cette personnalité dont
1068
insolence les forces créatrices, ne vaut-elle pas
d’
être élevée en témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue des ath
1069
vie ardente qui peut entraîner l’âme dans un élan
de
grandeur. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier de
1070
r. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que
d’
oublier de vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il p
1071
e point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier
de
vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant
1072
ion aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force
d’
y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant s’abandonner parf
1073
s obscures qui nous replacent dans l’intelligence
de
l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemmen
1074
plus âpre et violemment contractée, par la grâce
de
l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages v
1075
la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux
de
noter que de tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’inst
1076
’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que
de
tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’instinct de Bergs
1077
de tels passages viennent à l’appui de la théorie
de
l’instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique
1078
es viennent à l’appui de la théorie de l’instinct
de
Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique une chenille
1079
du dedans, pour ainsi dire, sur la vulnérabilité
de
la chenille. » (Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place de
1080
Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place
de
citer ici plusieurs autres passages qui préciseraient ce parallélisme
1081
Il y a dans le monde intellectuel une « Question
d’
Orient » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des prophètes — h
1082
occidental », et, au-dessus des ruines prochaines
de
nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’un Orient paradisi
1083
nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage
d’
un Orient paradisiaque d’où nous viendraient une fois de plus la sages
1084
ils rallument le mirage d’un Orient paradisiaque
d’
où nous viendraient une fois de plus la sagesse et la lumière. De réce
1085
raient une fois de plus la sagesse et la lumière.
De
récentes enquêtes ont dénoncé certaines des confusions sur quoi se fo
1086
pourtant subsistent encore. Or, le nouveau livre
de
M. de Traz1, par les précisions importantes qu’il apporte sur les rap
1087
isions importantes qu’il apporte sur les rapports
de
l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus
1088
tes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et
de
l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces
1089
paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces
de
ces confusions. M. de Traz a visité l’Égypte, ses habitants, ses tomb
1090
secret dernier des choses, lucide, avec une sorte
d’
acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que cela nuise
1091
aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don
de
sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue
1092
don de sympathie qui est parfois la plus subtile
de
ses ruses de psychologue. C’est parce que son livre, aux petits chapi
1093
thie qui est parfois la plus subtile de ses ruses
de
psychologue. C’est parce que son livre, aux petits chapitres à la foi
1094
à la fois si concis et achevés, n’est ni un album
de
vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique auquel nous on
1095
habitués les voyageurs en Orient, mais une suite
de
coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l’avons lu
1096
ne suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale
de
l’islam, que nous l’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois —
1097
ante — si passionné. Nul n’est moins oriental que
de
Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne
1098
ne nous renseignent pas sur une partie orientale
de
lui-même, comme c’est si souvent le cas, mais bien sur l’Orient. Enco
1099
l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt
d’
un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que
1100
on des deux mondes que dans la peinture elle-même
de
l’Orient. Tandis que s’accumulent les traits qui composent le portrai
1101
mulent les traits qui composent le portrait moral
de
l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et
1102
composent le portrait moral de l’Oriental, celui
de
l’Européen se précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’
1103
précise dans la même mesure, — et aussi la figure
de
l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individ
1104
aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère
de
comparaison valable qu’entre individus, et comme type d’individu euro
1105
araison valable qu’entre individus, et comme type
d’
individu européen Robert de Traz ne pouvait trouver mieux que lui-même
1106
ce irréductible pour le vrai ». Ce qui lui permet
de
voir profond dans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’
1107
met de voir profond dans cet islam qu’il qualifie
de
« religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis
1108
ans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil
de
l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du c
1109
u’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou
de
« prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du christianisme es
1110
r âme en veilleuse, dit-il des rêveurs orientaux.
De
leur immense paresse, jusqu’à leur mysticisme, partout c’est une démi
1111
une démission qu’ils désirent. Du difficile oubli
de
soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en
1112
e la fidélité. » Ses remarques sur la psychologie
de
l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatati
1113
on fondamentale que « notre intelligence et celle
de
l’Oriental ne sont pas superposables ». Dès lors, comment collaborer,
1114
se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions
de
M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une matière si comple
1115
à attendre des musulmans, c’est que le spectacle
de
leur décadence nous enseigne comment éviter la nôtre. » La place me m
1116
voulu le faire des deux autres parties du volume,
d’
une importance moins actuelle, mais d’une qualité d’art peut-être supé
1117
du volume, d’une importance moins actuelle, mais
d’
une qualité d’art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines
1118
une importance moins actuelle, mais d’une qualité
d’
art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines de la Haute-É
1119
t-être supérieure. Les méditations sur les ruines
de
la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux v
1120
ons sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en
de
Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réaliste
1121
la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe
de
l’histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux hypothèses hard
1122
s et pourtant réalistes, aux hypothèses hardies —
de
la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun —
1123
alistes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse
de
ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mais qui reste t
1124
igné du sens commun — mais qui reste trop méfiant
de
tout romantisme pour édifier aucun système. Le livre se termine par u
1125
: le christianisme n’est-il pas le plus beau don
de
l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et c
1126
don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages
d’
un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certaine amertu
1127
’un accent très noble et courageux mêlé, parfois,
d’
une certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose
1128
rageux mêlé, parfois, d’une certaine amertume, où
de
Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue qu
1129
e, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose
d’
ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de
1130
’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence
de
la mort qu’il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit la religi
1131
aux lieux mêmes où naquit la religion du « Prince
de
la vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que l’attitude presque cons
1132
eurs, que l’attitude presque constamment critique
de
M. de Traz diminue l’intérêt vivant de son livre : cette impartialité
1133
t critique de M. de Traz diminue l’intérêt vivant
de
son livre : cette impartialité même, cette façon de se placer en face
1134
son livre : cette impartialité même, cette façon
de
se placer en face des choses, tout près, mais sans jamais s’y perdre
1135
lité peut-être mieux que ne le feraient une suite
de
pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le
1136
me le type du voyageur intelligent, qui n’accepte
d’
être séduit que pour « mieux comprendre », assez « fidèle » à ses orig
1137
arder dans ses dépaysements un point de vue fixe,
d’
où comparer et, parfois, juger ; préférant obstinément à la légende le
1138
t à la légende le vrai, même amer, non par défaut
d’
un sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicat
1139
on par défaut d’un sens artistique dont plusieurs
de
ses morceaux attestent la délicatesse, mais parce qu’il sait y trouve
1140
parce qu’il sait y trouver les seuls motifs réels
d’
exaltation. 1. Le Dépaysement oriental, chez Grasset, Paris. a. «
1141
, Paris. a. « Le Dépaysement oriental », Journal
de
Genève, Genève, n° 192, 16 juillet 1926, p. 1.
1142
ssages (juillet 1926)w Je ne crois pas exagéré
de
dire qu’en publiant ce recueil d’essais, M. Fernandez a donné la prem
1143
ois pas exagéré de dire qu’en publiant ce recueil
d’
essais, M. Fernandez a donné la première œuvre importante du mouvement
1144
a donné la première œuvre importante du mouvement
de
construction et de synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains
1145
œuvre importante du mouvement de construction et
de
synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains d’aujourd’hui. La «
1146
synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains
d’
aujourd’hui. La « critique philosophique » qu’il voudrait inaugurer «
1147
qu’il voudrait inaugurer « ne se contenterait pas
d’
étudier les œuvres pour elles-mêmes dans leur signification historique
1148
ification historique ou technique, mais tâcherait
d’
épouser le dynamisme spirituel qu’elle révèle, puis de les situer dans
1149
ouser le dynamisme spirituel qu’elle révèle, puis
de
les situer dans l’univers humain ». M. Fernandez a tout le talent qu’
1150
e talent qu’il faut pour lui faire acquérir droit
de
cité. Voici enfin un critique qui sait tirer une leçon constructive d
1151
ées dans leurs recherches, il ne les condamne pas
d’
un « Jugement » sans issue sinon vers le passé catholique ; mais tenan
1152
non vers le passé catholique ; mais tenant compte
de
leur effort, il puise dans l’échec même de leurs analyses les élément
1153
compte de leur effort, il puise dans l’échec même
de
leurs analyses les éléments de sa synthèse, qui se trouve ainsi conti
1154
dans l’échec même de leurs analyses les éléments
de
sa synthèse, qui se trouve ainsi continuer leur œuvre, comme une déco
1155
ur œuvre, comme une découverte couronne une série
d’
expériences négatives. La critique de ces expériences négatives est co
1156
ne une série d’expériences négatives. La critique
de
ces expériences négatives est contenue surtout dans ses essais sur Pr
1157
it temps que l’on dénonce la confusion romantique
de
l’art avec la vie, qui empoisonne et la morale et l’esthétique modern
1158
iter que M. Fernandez aborde par ce biais l’œuvre
de
Gide, qui plus qu’aucune autre me paraît liée à cette confusion. Mais
1159
confusion. Mais s’il est bien établi que les lois
de
la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il
1160
la vie sont essentiellement différentes des lois
de
l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit nier toute
1161
phie et le Roman, dont pour ma part je suis loin
d’
admettre plusieurs thèses beaucoup trop absolues. M. Fernandez tente d
1162
thèses beaucoup trop absolues. M. Fernandez tente
de
prouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connai
1163
r exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen
de
connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a, en fait, de
1164
quoi il écrit : « II y a, en fait, deux manières
de
se connaître, à savoir se concevoir et s’essayer. » Fort bien, mais l
1165
ais l’œuvre n’est-elle pas une façon particulière
de
s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion de ces thèses subti
1166
s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion
de
ces thèses subtiles, d’autant que la position de l’auteur dans cet es
1167
de ces thèses subtiles, d’autant que la position
de
l’auteur dans cet essai me paraît encore ambiguë : on peut se demande
1168
peut se demander s’il nie vraiment l’interaction
de
la vie et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusion
1169
nder s’il nie vraiment l’interaction de la vie et
de
l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y déc
1170
tement par opposition à la conception proustienne
de
la personnalité — « mosaïque de sensations juxtaposées » — qu’il défi
1171
ption proustienne de la personnalité — « mosaïque
de
sensations juxtaposées » — qu’il définit sa propre théorie de la « ga
1172
s juxtaposées » — qu’il définit sa propre théorie
de
la « garantie des sentiments », où l’on est en droit de voir le germe
1173
« garantie des sentiments », où l’on est en droit
de
voir le germe d’un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur
1174
ntiments », où l’on est en droit de voir le germe
d’
un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur les données moder
1175
se fonderait solidement sur les données modernes
de
la psychologie et de la philosophie. Pour nous prémunir contre le pou
1176
ent sur les données modernes de la psychologie et
de
la philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir d’analyse — une
1177
philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir
d’
analyse — une analyse qui retient les éléments de la personnalité moin
1178
d’analyse — une analyse qui retient les éléments
de
la personnalité moins le « principe unificateur » — que la psychologi
1179
point si dangereux, il nous propose l’expérience
d’
un Newman, les exemples d’un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « p
1180
us propose l’expérience d’un Newman, les exemples
d’
un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’a
1181
rience d’un Newman, les exemples d’un Meredith et
d’
un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire de l
1182
d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train
de
l’action, faire de la psychologie à la volée », et donc connaître l’h
1183
ont su « penser dans le train de l’action, faire
de
la psychologie à la volée », et donc connaître l’homme dans l’élan qu
1184
du cubisme littéraire, et qu’il serait bien utile
d’
adopter, si l’on veut éviter les confusions qui sont en train d’ôter s
1185
tient surtout à sa forme : il est parfois agaçant
de
pressentir sous l’expression trop technique ou obscure, une richesse
1186
xpression trop technique ou obscure, une richesse
d’
idées neuves et fortes, mais péniblement comprimées. Ce défaut de form
1187
et fortes, mais péniblement comprimées. Ce défaut
de
forme est peut-être inhérent, dans une certaine mesure, au genre de c
1188
être inhérent, dans une certaine mesure, au genre
de
critique pratiqué par Fernandez. Périlleuse situation que la sienne,
1189
sienne, en effet, où l’on court le double risque
de
paraître trop littéraire aux philosophes, et trop philosophe aux litt
1190
n’empêche que son livre manifeste une belle unité
de
pensée, et qu’il propose quelques directions très nettes de synthèse.
1191
et qu’il propose quelques directions très nettes
de
synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et
1192
synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports
de
Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle, les Mess
1193
Sports de Jean Prévost, et les essais politiques
de
Drieu la Rochelle, les Messages de Fernandez sont les premières contr
1194
ais politiques de Drieu la Rochelle, les Messages
de
Fernandez sont les premières contributions à l’établissement d’une ét
1195
ont les premières contributions à l’établissement
d’
une éthique adaptée aux besoins modernes. w. « Ramon Fernandez : Mes
1196
(NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juillet 1926, p. 124-125.
1197
ement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires
de
Montherlant : dans ce récit plus encore que dans les œuvres précédent
1198
ins l’œuvre d’art que l’auteur ; dans ce portrait
de
Montherlant toréador, à 16 ans, c’est surtout le Montherlant actuel q
1199
vre vaut par son allure plus que par des qualités
de
composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns de ces trait
1200
llure plus que par des qualités de composition ou
de
perfection formelle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou de
1201
tion ou de perfection formelle. Pour quelques-uns
de
ces traits d’énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jo
1202
fection formelle. Pour quelques-uns de ces traits
d’
énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jolies et les su
1203
lle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou
de
savante sensualité, pour ces insolences jolies et les subites violenc
1204
les subites violences, qui composent la séduction
de
cet « homme de la Renaissance », pour quelques descriptions des prair
1205
lences, qui composent la séduction de cet « homme
de
la Renaissance », pour quelques descriptions des prairies espagnoles
1206
ques descriptions des prairies espagnoles pleines
de
simple grandeur, j’ai supporté mille fastidieux détails techniques et
1207
t longue fidélité aux taureaux braves et simplets
d’
esprit ! Qu’ils paissent éternellement dans les prairies célestes, pou
1208
sir certaines pages magnifiques et sobres, jetées
de
haut avec la nonchalance des vrais puissants, je compte qu’il saura f
1209
sset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1926, p. 397-398.
1210
Soir
de
Florence (13 novembre 1926)h Des cris mouraient vers les berges du
1211
e la ville présente au couchant, dans ce corridor
de
lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle devient plus se
1212
crète. Vers l’est, des collines fluides et roses.
De
l’autre côté, c’est le vide, où s’en vont lentement les eaux et les l
1213
reposante. Cette imparfaite accoutumance au monde
de
sensations inconnues où nous étions baignés nous promettait pourtant
1214
promettait pourtant une connaissance plus intime
de
certaine tristesse. Seule une maison blanche est arrêtée tout près de
1215
est arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas
d’
elle que vient cette chanson jamais entendue qui nous accompagne depui
1216
ui nous accompagne depuis un moment sur le chemin
de
l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’un char tiré par des
1217
de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant
d’
un char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais d
1218
s bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais
de
chromos, de romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange
1219
cs. Comme une apparition. (Tu parlais de chromos,
de
romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange.) Une atmos
1220
ns une réalité bien plus étrange.) Une atmosphère
de
triste volupté emplit notre monde à ce chant. L’odeur du fleuve est s
1221
dans une beauté que saluent tant de souvenirs n’a
d’
autre nom que celui de l’instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi
1222
luent tant de souvenirs n’a d’autre nom que celui
de
l’instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi simplement. Sans pensé
1223
insi simplement. Sans pensée, perdus dans un soir
de
n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe
1224
sée, perdus dans un soir de n’importe où, un soir
de
la Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux phrases
1225
r de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe
de
pureté. Deux phrases rapides ondulent dans l’air lourd. Le chant desc
1226
ennent au ras du fleuve sombre. Nul désir en nous
de
comprendre ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos pens
1227
impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus
de
sens, comme le fleuve. Elle n’est qu’odeurs, formes mouvantes, remous
1228
rait sacrilège, comme une barre droite au travers
d’
un tableau. Nos yeux ont regardé longtemps — où va l’âme durant ces mi
1229
s sèches… Puis la brume est venue comme une envie
de
sommeil. Une lampe dans la maison blanche nous a révélé proche la nui
1230
Nous nous sommes retournés vers la ville. Fleurs
de
lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfa
1231
Fleurs de lumières sur les champs sombres du ciel
de
l’est, et une façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato
1232
ent des ombres informes et des harmonies troubles
de
parfums et de courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétra
1233
informes et des harmonies troubles de parfums et
de
courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétrant comme cette
1234
ds et faibles, caressant en nous la lâche volupté
de
sentir l’esprit se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’ode
1235
et couler sans fin vers un sommeil à l’odeur fade
de
fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’être pliée au vent
1236
s un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil
de
plante vaguement heureuse d’être pliée au vent qui ne parle jamais. N
1237
e fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse
d’
être pliée au vent qui ne parle jamais. Nous fûmes si près de choir da
1238
ui nous enivrait, promettant à nos sens, fatigués
de
l’esprit qui les exerce, des voluptés plus faciles — pour infuser dan
1239
lus faciles — pour infuser dans nos corps charmés
d’
un repos sans rêves une langueur dont on ne voudrait plus guérir… Mais
1240
rbes qu’épousent nos ferveurs, angles purs, repos
de
l’esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité de cette façade éle
1241
l’esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité
de
cette façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’un équilibre
1242
façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe
d’
un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait l’
1243
t le signe d’un équilibre retrouvé. Un grand pont
de
fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des forces humaine
1244
grand pont de fer, près de nous, érigeait l’image
de
la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui
1245
sous des coups un son qui nous évoqua les rumeurs
de
villes d’usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il étai
1246
oups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes
d’
usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il était beau d’y
1247
t la vie des hommes pour demain, et il était beau
d’
y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des rues. L
1248
es formes devinées dans l’espace nous environnent
d’
une obscure confiance. Livrons-nous aux jeux des hommes-qui-font-des-g
1249
tes. Les autos répètent sans fin les notes mêlées
d’
une symphonie qui va peut-être composer tous les bruits de la ville en
1250
mphonie qui va peut-être composer tous les bruits
de
la ville en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par
1251
lle en un chant immense. Il passe une possibilité
de
bonheur par personne et les devantures ne cherchent qu’à vous plaire.
1252
rabesque des sentiments et le mouvement perpétuel
de
l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de force
1253
nts et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir
de
se sentir engagé dans un système d’ondes de forces qui tisse la nuit
1254
mour. Plaisir de se sentir engagé dans un système
d’
ondes de forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, politesses, poli
1255
aisir de se sentir engagé dans un système d’ondes
de
forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, politesses, politiques,
1256
des musées ! — et si tu veux soudain le son grave
de
l’infini, pour être seul parmi la foule, lève les yeux, au plus beau
1257
les yeux, au plus beau ciel du monde. h. « Soir
de
Florence », La Semaine littéraire, Genève, n° 1715, 13 novembre 1926,
1258
lques idées graves en leur présentant les miroirs
de
personnages cocasses à souhait, qui manifestent, avec un certain manq
1259
souhait, qui manifestent, avec un certain manque
de
conviction et des poses de mannequins, les tendances contradictoires
1260
avec un certain manque de conviction et des poses
de
mannequins, les tendances contradictoires d’un individu. C’est pour t
1261
oses de mannequins, les tendances contradictoires
d’
un individu. C’est pour traiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque
1262
pirandellien qu’on s’embarque dans une croisière
de
vacances, qui finit par un naufrage dans la littérature, le navire su
1263
oit réellement amusant, et qu’il trouve une sorte
d’
unité vivante dans le rythme des désirs jamais simultanés de ses petit
1264
vante dans le rythme des désirs jamais simultanés
de
ses petits héros. M. Spitz cherche à faire sourire, on le sent ; pour
1265
(NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1926, p. 810.
1266
Iroquois (décembre 1926)z Ce roman a le charme
d’
un automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les
1267
ur fatigué se reprend à souffrir, il ne sait plus
de
quels souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’un amour réveil
1268
els souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette
d’
un amour réveillé l’envahit. Et Closain rencontre, dans l’inévitable b
1269
osain rencontre, dans l’inévitable bar, le couple
de
juifs espagnols qui va l’entraîner avec son mauvais cœur, dans une av
1270
uteur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet,
d’
un pathétique assez neuf. z. « Alfred Colling : L’Iroquois (Émile-Pa
1271
Paul, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1926, p. 810-811.
1272
André Malraux, La Tentation
de
l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à un França
1273
l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit
d’
Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton
1274
inois écrit d’Europe à un Français qui lui répond
de
Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres persanes : le Chinois s’ét
1275
e on devine une détresse. C’est encore une vision
de
l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiétant. Le Chi
1276
e. C’est encore une vision de l’Occident qui naît
de
ce petit livre si dense, si inquiétant. Le Chinois voit dans l’Europe
1277
« une barbarie attentivement ordonnée, où l’idée
de
la civilisation et celle de l’ordre sont chaque jour confondues ». No
1278
t ordonnée, où l’idée de la civilisation et celle
de
l’ordre sont chaque jour confondues ». Nous cherchons à conquérir non
1279
humilions sans trêve notre sensibilité au profit
de
ce « mythe cohérent » vers quoi tend notre esprit. La passion apparaî
1280
cadres — perpétuel conflit du réel avec nos rêves
de
puissance : notre ambition la plus haute échoue. La tristesse règne s
1281
tesse règne sur nos villes. (Neurasthénie, ce mal
de
l’Occident.) Et notre vertu suprême, aussi, est douloureuse : le sacr
1282
té essentielle » que le Chinois distingue au cœur
de
la vie occidentale apparaît mieux par la comparaison de l’idéal asiat
1283
vie occidentale apparaît mieux par la comparaison
de
l’idéal asiatique avec le nôtre. Mais je crois que toute intelligence
1284
ritiques du Chinois et sympathiser avec son idéal
de
culture. Il n’y a pas là deux points de vue irréductibles, du moins M
1285
es, du moins M. Malraux a fait parler son Chinois
de
telle façon qu’ils ne le paraissent point. Et alors le relativisme an
1286
lativisme angoissant qui semblait devoir résulter
de
cette confrontation, s’évanouit : c’est bien plutôt une unité supérie
1287
évanouit : c’est bien plutôt une unité supérieure
de
l’esprit humain que nous découvrons, et qui nous permettra de juger à
1288
humain que nous découvrons, et qui nous permettra
de
juger à notre tour certaines démences qui enfièvrent l’Europe. Tandi
1289
us prenons chaque jour une conscience plus claire
de
la vanité de nos buts, « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais ple
1290
aque jour une conscience plus claire de la vanité
de
nos buts, « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût
1291
plus claire de la vanité de nos buts, « capables
d’
agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté d’act
1292
« capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais pleins
de
dégoût devant la volonté d’action qui tord aujourd’hui notre race… ».
1293
acrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté
d’
action qui tord aujourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est-il pas d
1294
ourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est-il pas
de
position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laisser subsister
1295
s de position plus périlleuse, puisqu’elle risque
de
ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût de la destruction e
1296
ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût
de
la destruction et de l’anarchie, exempt de passion, divertissement su
1297
en nous qu’un « étrange goût de la destruction et
de
l’anarchie, exempt de passion, divertissement suprême de l’incertitud
1298
e goût de la destruction et de l’anarchie, exempt
de
passion, divertissement suprême de l’incertitude… » aa. « André Mal
1299
archie, exempt de passion, divertissement suprême
de
l’incertitude… » aa. « André Malraux : La Tentation de l’Occident (
1300
certitude… » aa. « André Malraux : La Tentation
de
l’Occident (Grasset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de G
1301
sset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1926, p. 811-812.
1302
Paradoxe
de
la sincérité (décembre 1926)b Nous voyons un mythe prendre corps p
1303
us voyons un mythe prendre corps parmi les ruines
de
ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’une anarchie dont on
1304
de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu
d’
une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’elle est plus nécessaire —
1305
us trompant nous-mêmes, sous le prétexte toujours
de
probité intellectuelle ou de courage moral, nous avons élevé à la hau
1306
le prétexte toujours de probité intellectuelle ou
de
courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’une vertu première — e
1307
u de courage moral, nous avons élevé à la hauteur
d’
une vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi n
1308
e vertu première — et qui légitime tous les dénis
de
morale à quoi nous obligeaient en réalité on sait quel dégoût, et cer
1309
n réalité on sait quel dégoût, et certains désirs
de
grabuge moins avouables, — la sincérité, masque fier et un peu doulou
1310
e originale : tant qu’à la fin la notion concrète
de
sincérité s’évanouit en mille définitions tendancieuses et contradict
1311
e ; envers votre idéal ou envers les fluctuations
de
votre moi ? Votre sincérité est-elle consentement immédiat à toute im
1312
me telle qu’elle est » (Rivière), ou encore refus
de
choisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en q
1313
» (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté
de
tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en quelque sorte scienti
1314
cientifique, à la fois curieuse et désintéressée,
de
naturaliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encor
1315
la fois curieuse et désintéressée, de naturaliste
de
l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’aff
1316
reusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé
de
l’affaire. Au reste, on n’a pas attendu les éclaircissements du subti
1317
us rien comprendre. ⁂ Qu’on imagine un personnage
de
tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui — et l’étonne
1318
ectateur. Pour parler avec un peu de clairvoyance
de
ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudra
1319
yance de ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour
de
notre jeunesse, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule, une mé
1320
it pouvoir sauter hors de soi. Seule, une méthode
d’
observation et de déduction passablement sèche pourrait nous donner l’
1321
hors de soi. Seule, une méthode d’observation et
de
déduction passablement sèche pourrait nous donner l’illusion et peut-
1322
donner l’illusion et peut-être certains bénéfices
de
cette opération idéale. En même temps, la froideur d’une telle méthod
1323
ette opération idéale. En même temps, la froideur
d’
une telle méthode atténuerait dans une certaine mesure — parce que néc
1324
aine mesure — parce que nécessaire — ce qu’il y a
de
déplaisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de confusions au
1325
ssaire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort
d’
un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondém
1326
laisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager
de
confusions aussi perfides et si profondément mêlées à ses plus chères
1327
ères sont aussi les moins calculés », écrit Gide.
D’
où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits
1328
», écrit Gide. D’où l’on peut tirer par une sorte
de
passage à la limite que les faits justifient : sincérité = spontanéit
1329
rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine
de
la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sincérité, on la nomm
1330
e de la littérature contemporaine. Cette sorte-là
de
sincérité, on la nomme gratuité. Lafcadio poussant Fleurissoire « pou
1331
ui aboutit naguère au surréalisme. Tous les héros
de
roman se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les critiques d’a
1332
iculer « gratuitement ». Et les critiques d’abord
de
s’indigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’affaire : «
1333
ndigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés
de
l’affaire : « Gratuit ! », déclarent-ils chaque fois qu’ils ne compre
1334
audrait s’entendre. Et, ici encore, prenons garde
de
confondre le plan littéraire avec le plan moral. Telle action peut pa
1335
e personnage. Mais quant à l’auteur, il n’y a pas
de
gratuité. Le geste le plus incongru du héros n’est jamais que le résu
1336
us incongru du héros n’est jamais que le résultat
d’
un mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actio
1337
t gratuit que relativement à un système restreint
de
références. Il résulte de semblables considérations, dans le domaine
1338
à un système restreint de références. Il résulte
de
semblables considérations, dans le domaine de la morale, que le meill
1339
lte de semblables considérations, dans le domaine
de
la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’e
1340
ns le domaine de la morale, que le meilleur moyen
de
se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que récl
1341
leur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est
de
mener la vie gratuite que réclament les surréalistes. Le contraire de
1342
uite que réclament les surréalistes. Le contraire
de
la liberté. D’autre part, on veut donner à l’acte gratuit une valeur
1343
s secret dans la personnalité. Ce serait un moyen
de
connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pittoresque
1344
Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale
de
soi. Mais pour être moins pittoresque et plus « entachée d’utilitaris
1345
is pour être moins pittoresque et plus « entachée
d’
utilitarisme », la décision réfléchie, aussi peu gratuite que possible
1346
ision réfléchie, aussi peu gratuite que possible,
d’
un Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ?
1347
e du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonne
de
me voir donner ici la préférence à l’acte volontaire, ou mieux : inté
1348
suffisamment son rôle en se bornant à nous donner
de
nous-mêmes une connaissance plus intense et plus émouvante ; mais la
1349
se et plus émouvante ; mais la morale, plutôt que
de
nous constater, doit nous construire — selon le mode le plus libre, l
1350
scurités, etc.). Supposons que j’éprouve un désir
d’
action vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’aurais juste
1351
tain but précis. Ou bien j’aurais juste le temps
de
le noter avant de partir. Ou bien je me mettrai à l’analyser plus lon
1352
ent. Mais alors je le fausse, puisque je le prive
de
la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. C
1353
je le fausse, puisque je le prive de la puissance
de
se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. Ce n’est plus l’é
1354
frein lui-même, bientôt — par un mouvement normal
de
l’attention — et fatalement c’est à la découverte d’une faiblesse que
1355
l’attention — et fatalement c’est à la découverte
d’
une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomp
1356
e que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu
d’
accomplir ce que l’élan appelait. Second exemple. — J’éprouve le be
1357
ppelait. Second exemple. — J’éprouve le besoin
de
faire le point : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois des actes
1358
ntiments que je crois avoir éprouvés à tel moment
de
mon passé. Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certain
1359
. Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir
de
certaines sensations profondes et indéfinies (telle sensation physiqu
1360
profondes et indéfinies (telle sensation physique
de
bonheur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles
1361
ur, dans une rue au coucher du soleil, des phares
d’
automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent dans des fo
1362
dans des fourrures, personne ne sait la richesse
de
ta vie…). J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, j
1363
. J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet
de
notes, je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments
1364
oposaient à mon souvenir ont été passés au crible
de
la minute où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’une image
1365
te où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user
d’
une image plus précise, cette minute est baignée d’une lueur de triste
1366
’une image plus précise, cette minute est baignée
d’
une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du p
1367
lus précise, cette minute est baignée d’une lueur
de
tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi
1368
te minute est baignée d’une lueur de tristesse ou
de
sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi de certains déco
1369
énité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi
de
certains décors modernes : vous changez l’éclairage, et la chaumière
1370
trospection : ce daltonisme du souvenir. Si l’un
de
ces deux procédés peut m’apprendre quelque chose, c’est bien le secon
1371
ait atteindre « la vérité sur soi » en se servant
de
la méthode indiquée dans le premier exemple. C’est un cas-limite, j’e
1372
, j’en conviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma
de
tout un genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée
1373
de tout un genre littéraire moderne, cette espèce
de
confession romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et
1374
tte espèce de confession romancée dont les livres
de
Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les e
1375
e de confession romancée dont les livres de Bopp,
d’
Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples l
1376
ssion romancée dont les livres de Bopp, d’Arland,
de
Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples les plus ré
1377
livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout
de
René Crevel ont donné les exemples les plus récents et significatifs
1378
us ces livres évoquent assez précisément la forme
d’
un entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. U
1379
se regarder vivre, le personnage à douter du sens
de
sa vie) et les forces centripètes l’emportent peu à peu, une aspirati
1380
t dans un râle, brusquement c’est le vide. Centre
de
soi, l’aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé
1381
aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film
de
mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes dé
1382
: ce qui était élan devient recul, et l’évocation
de
mes désirs anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai cru que je pourr
1383
e n’assiste pas à moi-même, mais à la destruction
de
moi-même. Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner des profon
1384
le chaos. Mon corps et moi, le livre si poignant
de
René Crevel, est la démonstration la plus cynique que je connaisse de
1385
la démonstration la plus cynique que je connaisse
de
ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’acharne à approfo
1386
ofondir — il était venu y chercher quelque raison
de
vivre, il voulait se voir le plus purement (« cette curiosité donnée
1387
s purement (« cette curiosité donnée comme raison
d’
une perpétuelle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merv
1388
uteur découvre c’est ce « merveilleux contraire »
de
l’élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tris
1389
l’élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur
de
l’incurable tristesse qui rôde dans certaine littérature d’aujourd’hu
1390
able tristesse qui rôde dans certaine littérature
d’
aujourd’hui. J’ai dit : ravages du sincérisme. C’est plus exactement f
1391
plus exactement faillite qu’il faudrait. Faillite
de
toute introspection, en littérature et en morale. Impossibilité de fa
1392
ction, en littérature et en morale. Impossibilité
de
faire mon autoportrait moral : je bouge tout le temps. Danger de fair
1393
toportrait moral : je bouge tout le temps. Danger
de
faire mon autoportrait moral : je me compose plus laid que nature. Fa
1394
e suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine
d’
éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée, elle ne nous
1395
est ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage
d’
un enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout u
1396
s cet effort sur soi le gage d’un enrichissement,
d’
une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaît
1397
le gage d’un enrichissement, d’une consolidation
de
l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est
1398
solidation de l’individu mais avant tout un moyen
de
se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait que l’hom
1399
ncère « en vient à ne plus pouvoir même souhaiter
d’
être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la
1400
haiter d’être différent », ce qui est la négation
de
tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaiss
1401
», ce qui est la négation de tout progrès moral.
De
la sincérité envisagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’
1402
grès moral. De la sincérité envisagée comme moyen
de
connaissance, le cas extrême d’un Crevel nous montre assez ce qu’il f
1403
sagée comme moyen de connaissance, le cas extrême
d’
un Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas
1404
assez étroites empiriquement fournies par le sens
de
son intérêt propre, une analyse sincère ne puisse faire découvrir que
1405
découvrir quelques richesses et ne serve parfois
de
contrôle efficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard des dang
1406
r, tant dans le domaine littéraire que dans celui
de
l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuiss
1407
ue dans celui de l’action. En littérature : refus
de
construire, de composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est
1408
e l’action. En littérature : refus de construire,
de
composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est se porter à l’
1409
Car inventer, c’est se porter à l’extrême pointe
de
soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquo
1410
r, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et,
d’
un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romanc
1411
créer des personnages ? C’est parce qu’une sorte
de
sincérité les retient d’imposer aux héros ce rythme volontaire par le
1412
C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient
d’
imposer aux héros ce rythme volontaire par lequel un Balzac les fait v
1413
lairement. En morale : défaitisme quand il s’agit
de
gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, « réalisme
1414
réalisme » décourageant, et, bientôt, incapacité
d’
agir efficacement. (Il faut, pour sauter, une confiance dans l’élan qu
1415
paraît impossible, absurde.) Enfin, désagrégation
de
la personnalité, car l’analyse la plus savante, comme l’a fort bien d
1416
ments du moi, moins le principe unificateur ».
De
quelques sophismes libérateurs La fonction de l’homme est aussi bi
1417
De quelques sophismes libérateurs La fonction
de
l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sin
1418
érateurs La fonction de l’homme est aussi bien
de
croire que de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Riviè
1419
fonction de l’homme est aussi bien de croire que
de
constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus ri
1420
e de constater. F. Raub. La sincérité obstinée
d’
un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sinc
1421
La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus rien
de
spontané. En quoi est-ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas s
1422
n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore
de
la sincérité ? Trop sincère, pas sincère. Ou bien si l’on prétend que
1423
la sincérité est la recherche, puis l’acceptation
de
toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est sincère aussi,
1424
mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin
de
mentir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sinc
1425
besoin de mentir. Il devient dès lors impossible
de
faire rien qui ne soit sincère. Peut-on véritablement se mentir à soi
1426
z pour qu’ils vous aident3 — mais jamais au point
d’
oublier la vérité qu’on désirait qu’ils cachent pour un moment. « L’ar
1427
ire à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que
de
s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente
1428
ssi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt
de
l’indétermination violente qu’est la sincérité selon Rivière. La sinc
1429
ans le vide qu’exige toute foi ; c’est la volonté
de
sincérité, c’est-à-dire une sincérité tournée au vice, invertie, qui
1430
sincérité tournée au vice, invertie, qui retient
de
l’oser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même
1431
ser. Petite anthologie ou que le « style » est
de
l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce
1432
l’homme même J’en étais à peu près à ce point
de
mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaien
1433
s à peu près à ce point de mes notes — à ce point
de
mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’appeler sincérité et q
1434
t de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient
d’
appeler sincérité et qui me devenait inintelligible en même temps qu’o
1435
inintelligible en même temps qu’odieux. Au hasard
de
quelques lectures, je pris note des passages suivants (les paraphrase
1436
ote des passages suivants (les paraphraser serait
d’
une ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons d
1437
igne — ils marquent au reste fort bien les jalons
de
cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins de sincérité et montre
1438
de cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins
de
sincérité et montrer plus de style. (Georges Duhamel.) … Nous ne somm
1439
ez-vous avouer moins de sincérité et montrer plus
de
style. (Georges Duhamel.) … Nous ne sommes pas, nous nous créons. Cer
1440
n qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que
d’
être leur propre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mêmes
1441
istant pas ? (François Mauriac.) La valeur morale
de
M. Godeau serait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait de garde
1442
erait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait
de
garder lui-même à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’un homm
1443
-même à son propre regard. Ainsi la valeur morale
d’
un homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir
1444
équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable
d’
entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appelle une œuv
1445
appelle une œuvre sincère est celle qui est douée
d’
assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un
1446
une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez
de
force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ?
1447
celle qui est douée d’assez de force pour donner
de
la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le perso
1448
me même. (André Maurois.) (Quel effroi, ce jour
de
l’adolescence où l’on soupçonne pour la première fois que certains, p
1449
paraît plus sinistre à la sincérité presque pure
de
cet âge. Mais il le faut dépasser.) Si j’en crois l’intensité d’un
1450
il le faut dépasser.) Si j’en crois l’intensité
d’
un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma
1451
time, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute
de
ma joie est plus réel que celui qu’une analyse désolée s’imaginait re
1452
rs, ce n’est pas lâcher la proie pour l’ombre que
de
tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’y aller par
1453
vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité
d’
y aller par les moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela de l’
1454
moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela
de
l’hypocrisie. Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’
1455
Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge
de
l’hypocrisie Non, non !… Debout dans l’ère successive ! Brisez, mo
1456
................. Le vent se lève, il faut tenter
de
vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste lucidité, je t’ava
1457
t tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein
de
ma triste lucidité, je t’avais déjà invoquée, hypocrisie consolante e
1458
Mais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe
d’
une ironie secrète et pour moi douloureuse encore. Pitoyable, trop vis
1459
ent, tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût
d’
un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuf
1460
rément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais un pli
de
ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’u
1461
sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve
d’
un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux a
1462
quand mon esprit partait dans le rêve d’un idéal
de
fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’au
1463
t dans le rêve d’un idéal de fortune, idole naïve
de
ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une
1464
ux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une symphonie
de
joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait une ferveur no
1465
es soirs, alors qu’une symphonie de joies émanait
de
toute la vie : chaque chose proposait une ferveur nouvelle, et chaque
1466
tat de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire
de
telle possession particulière, ne pouvait non plus s’imaginer qu’elle
1467
ement à l’invite que je soupçonnais la plus riche
d’
inconnu, je m’élançais sur la voie qu’elle m’ouvrait, avec tant de rir
1468
is, vers tout ce que momentanément je choisissais
de
laisser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’
1469
baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible
d’
attribuer comme objet à ma jubilation, non pas ce but peut-être dériso
1470
vers quoi je me portais, mais bien ces figurants
de
mon bonheur que je me conciliais pour des retours possibles. C’est ai
1471
C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond
de
l’être, on entretient comme une arrière-pensée sagace et obstinée l’a
1472
une arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance
d’
une continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne
1473
discrètement les décisions et les rend complices
d’
un dessein logique, peut-être lointain, en quoi consiste l’unité la pl
1474
lointain, en quoi consiste l’unité la plus réelle
de
l’individu — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’idées
1475
— en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux
d’
idées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’he
1476
d’idées et jongleries verbales. Regards au-dessus
de
l’amour ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’un adieu et
1477
ur ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte
d’
un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde
1478
une volonté — si profonde qu’elle n’a pas besoin
de
s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je
1479
s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit
de
nommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’u
1480
s souffrir. (Car il n’est peut-être qu’une espèce
de
souffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’on tire de soi
1481
ritablement insupportable, c’est celle qu’on tire
de
soi-même.) Hypocrisie, ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque amb
1482
ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu
d’
une liberté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, n
1483
é, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que
de
toute mon âme je veux être !… 1. La véritable description de l’éla
1484
me je veux être !… 1. La véritable description
de
l’élan supposé dans le premier exemple, ce serait le récit des gestes
1485
ychologie moderne souligne la quasi-impossibilité
de
traduire un dynamisme directement dans notre langage statique. 3. «
1486
langage statique. 3. « Et certes quand il s’agit
de
parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un
1487
que. 3. « Et certes quand il s’agit de parole ou
d’
écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un désir de cert
1488
ffirmation prouve moins une certitude qu’un désir
de
certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) b. « Paradoxe
1489
e moins une certitude qu’un désir de certitude né
de
quelque doute au fond. » (René Crevel) b. « Paradoxe de la sincérité
1490
que doute au fond. » (René Crevel) b. « Paradoxe
de
la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fr
1491
é Crevel) b. « Paradoxe de la sincérité », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 1, décembre 19
1492
ise humeur qui flotte dans l’air nous proposerait
de
débuter par l’inévitable discours sur les difficultés du temps, en gé
1493
celles en particulier qu’implique la publication
de
notre revue. Mais nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de m
1494
is nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait
de
mauvaise méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadons que tout ir
1495
jamais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison
d’
être. La vie d’aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou
1496
mble-t-il, notre revue a sa raison d’être. La vie
d’
aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser de n
1497
le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser
de
nous affirmer avec une netteté qui a pu paraître parfois quelque peu
1498
que nous éprouvons irrésistiblement l’obligation
d’
être nous-mêmes. Et, disons-le tout de suite, c’est en cela uniquement
1499
s n’est-ce pas la meilleure raison pour nos aînés
de
chercher plus patiemment encore à nous comprendre et de nous accorder
1500
rcher plus patiemment encore à nous comprendre et
de
nous accorder une confiance sans laquelle nous ne saurions aller, et
1501
s, ce sont les jeunes qui passent… » Pas question
de
les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place a
1502
unes qui passent… » Pas question de les saluer ni
d’
emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place au spectacle qu’il
1503
e les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement
de
retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et de les considérer ave
1504
e retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et
de
les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Apr
1505
les considérer avec sympathie. Il est bien facile
de
s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on
1506
cile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et
de
se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais
1507
: « Après moi, le déluge ! », et de se détourner
de
ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais on est toujours
1508
uge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume
d’
appeler notre « désordre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un…
1509
notre « désordre ». Mais on est toujours le fils
de
quelqu’un… Et, peut-être, la considération du « déluge » peut-elle fa
1510
eur bénévole, un exercice mensuel à votre faculté
d’
indulgence. Par contre, nous nous empressons de vous laisser le soin d
1511
té d’indulgence. Par contre, nous nous empressons
de
vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modeste
1512
tre, nous nous empressons de vous laisser le soin
de
juger si nous avons de quoi faire les modestes… Être nous-mêmes, av
1513
ns de vous laisser le soin de juger si nous avons
de
quoi faire les modestes… Être nous-mêmes, avons-nous dit, c’est à l
1514
plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression
de
la jeunesse romande ». Nous sommes autre chose. (Belles-Lettres est t
1515
indéfinissable, comme toute chose vivante… Gerbe
de
fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’un ruban rouge et v
1516
, mais qu’un ruban rouge et vert lie par la grâce
d’
une volonté sans doute divine… a. « Avant-propos », Revue de Belles-
1517
é sans doute divine… a. « Avant-propos », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 1, décembre 19
1518
Louis Aragon, Le Paysan
de
Paris (janvier 1927)ab « Je n’admets pas qu’on reprenne mes parole
1519
s, qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes
d’
un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour le
1520
les oppose. Ce ne sont pas les termes d’un traité
de
paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour les critiques,
1521
ur temps à recenser les incohérences pittoresques
de
ce petit livre. Quant à ceux que certaines envolées magnifiques et ha
1522
il leur réserve mieux encore : après une kyrielle
d’
injures qui ne font pas honneur à l’imagination d’autres fois si prest
1523
ent ce que je dis ». Il y a chez Aragon une folie
de
la persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une passion
1524
et une passion farouche pour la liberté, qui font
de
cet ombrageux personnage une manière de Rousseau surréaliste. Devant
1525
qui font de cet ombrageux personnage une manière
de
Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation de révolte, ce mélange
1526
de Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation
de
révolte, ce mélange de fanfaronnade et d’intense désespoir, on songe
1527
. Devant cette ostentation de révolte, ce mélange
de
fanfaronnade et d’intense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et
1528
ntation de révolte, ce mélange de fanfaronnade et
d’
intense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et les Lèvres, à qui
1529
ses compagnons criaient : « Te fais-tu le bouffon
de
ta propre détresse ? » Tant d’insistance dans le mauvais goût ne m’em
1530
fais-tu le bouffon de ta propre détresse ? » Tant
d’
insistance dans le mauvais goût ne m’empêchera pas de le dire, Aragon
1531
nsistance dans le mauvais goût ne m’empêchera pas
de
le dire, Aragon possède le tempérament le plus hardi et le plus origi
1532
le tempérament le plus hardi et le plus original
de
la jeune littérature française. Il le proclame « J’appartiens à la gr
1533
nts ». Génie inégal s’il en fut, voici parmi trop
de
talents intéressants, un écrivain qui s’impose avec des qualités et d
1534
tre littérature pour trouver semblable domination
de
la langue. Et parmi les modernes, il bat tous les records de l’image,
1535
e. Et parmi les modernes, il bat tous les records
de
l’image, ce qui nous vaut avec des bizarreries fatigantes et quelques
1536
fatigantes et quelques sombres délires, des pages
d’
un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier s
1537
isme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu
de
justifier ses visions par le moyen d’une métaphysique aussi prétentie
1538
ie pas tenu de justifier ses visions par le moyen
d’
une métaphysique aussi prétentieuse qu’incertaine. Son affaire, c’est
1539
l’hallucination du décor des capitales, créatrice
d’
un merveilleux de chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne
1540
u décor des capitales, créatrice d’un merveilleux
de
chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de
1541
es, créatrice d’un merveilleux de chaque instant,
d’
une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite
1542
d’une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan
de
Paris est une suite de promenades dont la composition n’est pas sans
1543
logie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite
de
promenades dont la composition n’est pas sans rappeler celle des Nuit
1544
mposition n’est pas sans rappeler celle des Nuits
d’
octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer de la phil
1545
d’octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur
de
divaguer de la philosophie au lyrisme le plus échevelé en passant par
1546
Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer
de
la philosophie au lyrisme le plus échevelé en passant par la descript
1547
n passant par la description réaliste ou imaginée
d’
une boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le
1548
r la description réaliste ou imaginée d’une boîte
de
nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur liv
1549
ription réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit,
d’
une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’a
1550
ou imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture,
d’
un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C
1551
d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre
de
l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romant
1552
ublic. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur
d’
Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romantisme nouveau
1553
e, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non plus
de
vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être
1554
erval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin
de
France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortell
1555
r, un Musset ivre non plus de vin de France, mais
d’
alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortelles. ab. « Loui
1556
non plus de vin de France, mais d’alcools pleins
de
démons, de drogues peut-être mortelles. ab. « Louis Aragon : Le Pay
1557
e vin de France, mais d’alcools pleins de démons,
de
drogues peut-être mortelles. ab. « Louis Aragon : Le Paysan de Pari
1558
-être mortelles. ab. « Louis Aragon : Le Paysan
de
Paris (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Ge
1559
(NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, janvier 1927, p. 123-124.
1560
dues Sur le mont gris pâlissants Des bouquets
de
vagues brumes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qui s’adresser
1561
s pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe
d’
un faux nom. c. « Billets aigres-doux », Revue de Belles-Lettres,
1562
n faux nom. c. « Billets aigres-doux », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 2, janvier 192
1563
Conte métaphysique : L’individu atteint
de
strabisme (janvier 1927)d Comme le démiurge venait de peser sur le
1564
ateur des étoiles… l’une, se décrochant sans plus
d’
hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du c
1565
’hésitation, se mit à pérégriner dans les régions
de
chasse gardée du ci-devant soleil. C’est là qu’Urbain, premier du nom
1566
famille, laquelle n’avait compté jusqu’alors que
d’
authentiques avocats et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu
1567
accordaient à dire qu’il ne péchait que par excès
de
bonne humeur printanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’une r
1568
printanière, Urbain donc, premier mauvais garçon
d’
une race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on n
1569
pudiquement dissimulé. Vers 1 heure, elle éclaira
d’
une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et son nez, le
1570
a d’une rose caresse lumineuse la chevelure rouge
d’
Urbain, et son nez, lequel, par ses dimensions remarquablement exagéré
1571
s remarquablement exagérées, lui valait le surnom
de
Bin-Bin. Urbain ouvrit les yeux et ne vit rien. On rappelle que les é
1572
On rappelle que les étoiles s’étaient décrochées
de
leur poste dans l’éternité. « Éternité désaffectée, c’est bien dommag
1573
s irons chercher dans le souvenir les vent-coulis
de
la mort. Garçon, un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de
1574
un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe
de
sa vie normale et s’approchait en faisant la roue — celle à qui souri
1575
oue — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort
d’
une hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la pert
1576
e et française, dédaigna des avances que la perte
de
son sens de l’éternel rendait pourtant considérables, au sens étymolo
1577
se, dédaigna des avances que la perte de son sens
de
l’éternel rendait pourtant considérables, au sens étymologique du ter
1578
pleurait, sentimentale. d. « L’individu atteint
de
strabisme. Conte métaphysique », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Ne
1579
atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 2, janvier 192
1580
Dans le Style (janvier 1927)e Nous recevons
d’
un bellettrien facétieux cet « Hommage à Paul Morand » : Billet circ
1581
: Billet circulaire pour Paul Morand, auteur
de
« Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte
1582
ul Morand, auteur de « Lewis et Irène » L’auteur
de
maint roman de caractère gras quitte Charing-Cross, songeant aux titr
1583
ur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman
de
caractère gras quitte Charing-Cross, songeant aux titres, aux tire-l’
1584
matique, fait balle au cerveau du poète qui meurt
de
sommeil naturel. Le tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose d
1585
tenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran
de
pluies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’éveillant en f
1586
: Mardi dernier a été célébré en l’église grecque
de
la rue Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand avec la princesse H
1587
église grecque de la rue Georges Bizet le mariage
de
M. Paul Morand avec la princesse Hélène-C. Soutzo. Les témoins étaien
1588
la mariée : Son Excellence M. Diamanty, ministre
de
Roumanie à Paris. C’est encore mieux dans le style. e. « Dans le st
1589
ieux dans le style. e. « Dans le style », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 2, janvier 192
1590
Conférence
d’
Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1
1591
Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation
de
l’édit de Nantes » (16 février 1927)i Le sujet que M. Esmonin, pro
1592
e M. Esmonin, professeur à la Faculté des lettres
de
Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle des Conférences, devant
1593
un des plus passionnants et des plus controversés
de
l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de reste
1594
ants et des plus controversés de l’histoire. L’un
de
ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester impartial. M. Lomb
1595
L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile
de
rester impartial. M. Lombard, recteur de l’Université, en introduisan
1596
ifficile de rester impartial. M. Lombard, recteur
de
l’Université, en introduisant le conférencier, a fait allusion aux di
1597
cation. M. Esmonin, lui, se place au point de vue
de
l’historien scrupuleux, qui juge d’après les textes, les causes et le
1598
(Cette attitude est plus rare qu’on ne le croit,
de
nos jours.) M. Esmonin montra avec beaucoup de clarté comment, entre
1599
avec beaucoup de clarté comment, entre 1578, date
de
la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France
1600
arté comment, entre 1578, date de la proclamation
de
l’édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus gr
1601
date de la proclamation de l’édit, et 1685, date
de
la révocation, la France passa de la plus grande liberté à la plus gr
1602
, et 1685, date de la révocation, la France passa
de
la plus grande liberté à la plus grande tyrannie. En proclamant la li
1603
religieuse, Henry IV mettait le royaume à la tête
de
la civilisation ; en interdisant aux réformés d’exercer leur religion
1604
de la civilisation ; en interdisant aux réformés
d’
exercer leur religion, mais en même temps de quitter le pays, Louis XI
1605
ormés d’exercer leur religion, mais en même temps
de
quitter le pays, Louis XIV commit un des actes les plus vexatoires qu
1606
oire ait enregistrés. Après avoir fait un tableau
de
la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orat
1607
gistrés. Après avoir fait un tableau de la France
de
l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur expose co
1608
e la France de l’édit, victorieuse dans la guerre
de
Trente Ans, l’orateur expose comment on en vint à la révocation. C’es
1609
tion. C’est d’abord l’influence du clergé, jaloux
de
ses droits considérables encore ; puis ce sont les conseillers intime
1610
t fort bien leurs intérêts immédiats à leur désir
de
gagner le ciel, persuadent Louis XIV que la révocation serait une œuv
1611
n serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable
de
lui faire pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, « un niais en
1612
eil et capable de lui faire pardonner les erreurs
de
sa jeunesse. Le roi, « un niais en matière religieuse » au dire de sa
1613
e roi, « un niais en matière religieuse » au dire
de
sa belle-sœur, la princesse palatine, se laisse facilement convaincre
1614
ants. Aussi ne s’effraye-t-on pas trop, au début,
de
l’émigration des fidèles qui suivent leurs pasteurs proscrits. On esp
1615
eurs pasteurs proscrits. On espère bien convertir
de
gré ou de force tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins
1616
urs proscrits. On espère bien convertir de gré ou
de
force tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins catholiqu
1617
ont presque anéanties ; les conséquences funestes
de
l’acte de révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la
1618
e anéanties ; les conséquences funestes de l’acte
de
révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la confessio
1619
cation commencent à se révéler politiques (guerre
de
la confession d’Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félici
1620
à se révéler politiques (guerre de la confession
d’
Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félicitations arrachées
1621
par Louis XIV au pape, les catholiques sont loin
d’
être unanimes à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une le
1622
loin d’être unanimes à louer la révocation. L’un
d’
eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont
1623
L’un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois,
de
ce que « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évan
1624
« les dragons ont été les meilleurs prédicateurs
de
notre Évangile ». Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis d’
1625
Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis
d’
autre crime que de « déplaire au roi » vont reprendre de plus belle :
1626
ns contre ceux qui n’ont commis d’autre crime que
de
« déplaire au roi » vont reprendre de plus belle : la guerre civile s
1627
le succède aux dragonnades. M. Esmonin s’abstient
d’
en faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs.
1628
faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit
de
ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’Albert Sorel, selon
1629
e ses auditeurs. Il termine en citant le jugement
d’
Albert Sorel, selon qui la date du 16 octobre 1685 marque une déviatio
1630
octobre 1685 marque une déviation dans l’histoire
de
la France. Déviation telle, en effet, que nous en sentons les conséqu
1631
e, en effet, que nous en sentons les conséquences
de
nos jours encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjo
1632
e M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjouir
de
retrouver bientôt dans l’ouvrage qu’il va consacrer à Louis XIV l’exp
1633
qu’il va consacrer à Louis XIV l’exposé si dénué
de
parti pris, si libre et d’une si élégante science du sympathique prof
1634
XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et
d’
une si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. i. «
1635
une si élégante science du sympathique professeur
de
Grenoble. i. « Troisième conférence des Amis de la pensée protestan
1636
de Grenoble. i. « Troisième conférence des Amis
de
la pensée protestante : La révocation de l’édit de Nantes », Feuille
1637
des Amis de la pensée protestante : La révocation
de
l’édit de Nantes », Feuille d’Avis de Neuchâtel, n° 39, 16 février 19
1638
te : La révocation de l’édit de Nantes », Feuille
d’
Avis de Neuchâtel, n° 39, 16 février 1927, p. 8.
1639
révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’Avis
de
Neuchâtel, n° 39, 16 février 1927, p. 8.
1640
vocation de l’édit de Nantes », Feuille d’Avis de
Neuchâtel
, n° 39, 16 février 1927, p. 8.
1641
ladère (février 1927)ac « Quel admirable sujet
de
roman, écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans de vie conjuga
1642
ujet de roman, écrit Gide, au bout de quinze ans,
de
vingt ans de vie conjugale, la décristallisation progressive et récip
1643
, écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans
de
vie conjugale, la décristallisation progressive et réciproque des con
1644
ait que Beyle appelait cristallisation une fièvre
d’
imagination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais le
1645
cristallisation une fièvre d’imagination qui orne
de
beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce tem
1646
magination qui orne de beautés illusoires l’objet
de
l’amour. Mais les jeunes gens de ce temps ne cultivent point cette fi
1647
lusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens
de
ce temps ne cultivent point cette fièvre. Et comme la morale ne sait
1648
vre. Et comme la morale ne sait plus leur imposer
de
feindre encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit de quelques
1649
encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit
de
quelques mois aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre de le
1650
plus, il suffit de quelques mois aux jeunes époux
de
la Maladère pour se déprendre de leurs rêves. Un malentendu grandit e
1651
aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre
de
leurs rêves. Un malentendu grandit entre eux dans leur isolement, ine
1652
e qu’un mot, un geste décisif, ou certaine amitié
de
la saison suffirait à dissiper le charme perfide qui les tourmente. M
1653
ais il faudrait d’abord qu’ils se soient délivrés
d’
eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est d’Armande
1654
our que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est
d’
Armande surtout qu’on les attendrait, plus franche d’allure. On ne sai
1655
rmande surtout qu’on les attendrait, plus franche
d’
allure. On ne sait ce qui la retient : son amour ? son manque d’amour
1656
e sait ce qui la retient : son amour ? son manque
d’
amour ? Pour Jacques, il souffre d’une incurable adolescence, d’un déf
1657
r ? son manque d’amour ? Pour Jacques, il souffre
d’
une incurable adolescence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre d
1658
Jacques, il souffre d’une incurable adolescence,
d’
un défaitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait joue
1659
scence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre
de
réticences, et le fait jouer bien maladroitement son rôle d’homme… «
1660
es, et le fait jouer bien maladroitement son rôle
d’
homme… « Captif de sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du r
1661
er bien maladroitement son rôle d’homme… « Captif
de
sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du roman, qui se mêle
1662
tte analyse trahit Barbey : son art est justement
de
voiler les intentions du récit et de les exprimer seulement par un ge
1663
st justement de voiler les intentions du récit et
de
les exprimer seulement par un geste, une nuance du paysage, une image
1664
es moyens qu’il parvient à une certaine puissance
de
l’effet, aux dernières pages. Il règne dans la Maladère une étrange h
1665
iolence, autour de ces êtres dont la détresse est
d’
autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des dehors trop polis. U
1666
us des dehors trop polis. Une fois fermé le livre
de
Barbey, on oublie la justesse de son analyse pour n’évoquer plus que
1667
s fermé le livre de Barbey, on oublie la justesse
de
son analyse pour n’évoquer plus que des visions où se condense le sen
1668
os, c’était un parc avant l’orage, le rose sombre
d’
une joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arb
1669
uvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage
d’
hiver et soudain sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus de p
1670
s sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur
d’
un incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable,
1671
sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus
de
passion. Cette fin est admirable, dont la brutalité si longtemps dési
1672
la brutalité si longtemps désirée délivre Jacques
d’
un passé obsédant, d’une jeunesse trop complaisante à son tourment.
1673
emps désirée délivre Jacques d’un passé obsédant,
d’
une jeunesse trop complaisante à son tourment. ac. « Bernard Barbey
1674
sset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, février 1927, p. 265.
1675
mmes, écrire ne soit que le recensement passionné
de
leur vie, ou l’aveu déguisé d’une insatisfaction qu’elle leur laisse.
1676
ensement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé
d’
une insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers
1677
action qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur
de
vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce
1678
u’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers
de
jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce journal
1679
joindra dans l’armoire aux souvenirs. Cette façon
de
ne pas y tenir, qu’il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-
1680
ne pas y tenir, qu’il manifeste en toute occasion
de
sa vie est peut-être ce qui nous le rend le plus sympathique. « Offic
1681
ux ? » pour lui, comme pour Barnabooth, il s’agit
de
« déjouer le complot de la commodité ». Mais plus voluptueux que phil
1682
our Barnabooth, il s’agit de « déjouer le complot
de
la commodité ». Mais plus voluptueux que philosophe, c’est à l’amour
1683
r la souffrance indispensable au perfectionnement
de
son âme. Et qu’importe si les Allemands qui, fréquente sontae, pour n
1684
isir, un peu plus viennois que naturel s’il parle
de
choses d’art comme on fait dans Proust, si les passions qu’il nous pe
1685
eu plus viennois que naturel s’il parle de choses
d’
art comme on fait dans Proust, si les passions qu’il nous peint sont i
1686
Il se connaît assez pour savoir ce qui est en lui
de
l’homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne peut pas nous trompe
1687
pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou
de
l’amateur distingué, — et ne peut pas nous tromper là-dessus. Il se c
1688
s tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte
de
froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’avait pour effet de
1689
n dirait désintéressée si elle n’avait pour effet
de
souligner, plus que ses succès, certaines faiblesses qu’il recherche
1690
faiblesses qu’il recherche secrètement, parce que
de
ces « ratages » naît le perpétuel besoin d’évasion qui est la conditi
1691
e que de ces « ratages » naît le perpétuel besoin
d’
évasion qui est la condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’il c
1692
e perpétuel besoin d’évasion qui est la condition
de
son progrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non sans une impercepti
1693
, non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu
d’
une fondamentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie volup
1694
etites blessures. Ce n’est pas le moins troublant
d’
une telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qu
1695
r est un lien sans durée. Seules la souffrance ou
de
secrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me s
1696
ouffrance ou de secrètes anomalies ont un pouvoir
d’
éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme da
1697
pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble,
d’
insister sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme une arrière
1698
semble, d’insister sur ce qui forme dans le récit
de
cette vie comme une arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que l
1699
e inquiète et un peu hautaine. Que la composition
de
cette réminiscence soit assez facile et « artiste » on hésite à en fa
1700
site à en faire reproche à l’auteur. Cette espèce
de
modestie de l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps q
1701
ire reproche à l’auteur. Cette espèce de modestie
de
l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps que sévit l’i
1702
ant, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre
d’
une résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et dési
1703
(NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, février 1927, p. 257. ae. Il manque sans doute un mo
1704
927, p. 257. ae. Il manque sans doute un morceau
de
phrase dans l’édition originale.
1705
’abord que je m’excuse : c’est un peu prétentieux
de
vous écrire au moment où je vais me suicider, d’autant plus que vous
1706
de vous écrire au moment où je vais me suicider,
d’
autant plus que vous n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que
1707
ez ne pas voir dans cette phrase quelque allusion
de
mauvais goût.) Je vous ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lie
1708
ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lieux
de
plaisir, comme on dit, sans doute parce que c’est là que se nouent le
1709
existiez en moi, à certain désagrément que j’eus
de
vous voir si entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage de les
1710
entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage
de
les dire. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes a
1711
nfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un
de
mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la
1712
vais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4,
de
me présenter. Il m’en avait donné la promesse. Vos regards rencontrèr
1713
romesse. Vos regards rencontrèrent les miens plus
d’
une fois pendant une danse qu’il fit avec vous, mais vous les détourni
1714
ecrètement attirante ; et je pensais que la force
de
mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la menace. Je d
1715
sais quel démon du malheur me paralysa. Je venais
d’
entrevoir l’image d’un couple heureux et banal, votre sourire répondan
1716
alheur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image
d’
un couple heureux et banal, votre sourire répondant au mien, comme on
1717
vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un cortège
de
rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une invincible
1718
dait, en passant, si j’étais malade. Je désignais
d’
un geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on par
1719
ésignais d’un geste incertain quelques bouteilles
de
champagne vides ; car on pardonne l’ivresse, mais non certaines doule
1720
mais non certaines douleurs. Même, je fus obligé
de
confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes
1721
es œillères géantes aux pensées, le ciel trop bas
d’
un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’un sommeil sans fin… J’avai
1722
op bas d’un rêve sans issue, pesant comme l’envie
d’
un sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liquide me s
1723
sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue
d’
un liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les
1724
a table en désordre où je venais de jeter mon col
de
smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme dont le se
1725
n col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse
d’
une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux,
1726
illesse d’une autre femme dont le seul défaut fut
de
m’aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au so
1727
l défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, odeur
de
vieille fumée, et ce refus au sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Co
1728
sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Convulsions
d’
oriflammes sur l’orchestre pensif. Ton regard est plus grand que le ch
1729
une chambre étroite… J’ai dormi quelques heures,
d’
un sommeil triste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je sui
1730
disais-je elle y entrera, et, me glissant auprès
d’
elle, je pourrai lui dire très vite quelques mots si bouleversants qu’
1731
evais paraître si perdu. Chaque fois qu’un paquet
de
dix personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’élevait, j’
1732
r descendant… Il aurait fallu monter, mais l’idée
de
vous trouver peut-être assise en face de votre bel ami laqué, sourian
1733
oule qui se précipitait, mais je n’avais pas pris
de
numéro, je ne pouvais pas monter. Je finissais par vous voir partout.
1734
Je finissais par vous voir partout. Chaque visage
de
femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu cour
1735
Chaque visage de femme révélait soudain un trait
de
votre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui venait de tou
1736
ir après celle-là qui venait de tourner à l’angle
de
cette rue et qui avait votre démarche. Mais, pendant ce temps, vous p
1737
éticents, maladroits, contradictoires… Un autobus
de
luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur
1738
Mais je n’osais presque pas la regarder, à cause
d’
une incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être
1739
tre était-ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt
de
la Place Saint-Michel, elle sortit, en me frôlant, sans me regarder.
1740
s parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche
de
métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement particulièr
1741
utes les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit
d’
un long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à me
1742
ue j’ai fait souffrir cette nuit d’un long regard
de
damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fra
1743
épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments
de
rêves et les personnages des affiches, tout en marchant sans fin dans
1744
nts, je me pris à parler à haute voix, par bribes
de
phrases incohérentes. Je voyais avec une sombre joie les employés et
1745
les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna
de
force sur un trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheu
1746
roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur
de
la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux
1747
tre maintenant 5 heures du matin. Premiers appels
d’
autos dans la ville, mais il me semble que toutes choses s’éloignent d
1748
, mais il me semble que toutes choses s’éloignent
de
moi vertigineusement, par cette aube incolore. Il y a vingt-quatre he
1749
du la notion du temps. Je ne me souviens plus que
de
cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vous
1750
ue de cette déception insupportable et définitive
de
mon désir. Je ne vous en accuse pas. À peine si je puis encore évoque
1751
-je pas vraiment aimée, mais bien ce goût profond
de
ma destruction, ce rongement, cette sournoise recherche de tout ce qu
1752
truction, ce rongement, cette sournoise recherche
de
tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est char
1753
recherche de tout ce qui me navre au plus intime
de
mon être… Le revolver est chargé, sur cette table. (Je le caresse, en
1754
sse, entre deux phrases.) Mais voici que ce geste
de
ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne comprends pl
1755
i pas son nom. f. « Lettre du survivant », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 3, février 192
1756
ur », écrivait Cocteau dans la préface des Mariés
de
la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’i
1757
préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note
d’
Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dan
1758
Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile
de
dire qu’il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne
1759
e dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est
d’
y découvrir possibles deux interprétations symboliques au moins ; de n
1760
ibles deux interprétations symboliques au moins ;
de
ne pouvoir m’empêcher d’y songer sans cesse en lisant cette « tragédi
1761
s symboliques au moins ; de ne pouvoir m’empêcher
d’
y songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ; de ne pouvoir m’emp
1762
songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ;
de
ne pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’en avoir plus
1763
« tragédie » ; de ne pouvoir m’empêcher non plus
de
soupçonner Cocteau d’en avoir plus ou moins consciemment concerté la
1764
pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau
d’
en avoir plus ou moins consciemment concerté la possibilité. Orphée, p
1765
, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un
de
ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inconnu
1766
prétend « traquer l’inconnu ». Sa femme l’accuse
de
« vouloir faire admettre que la poésie consiste à écrire une phrase »
1767
est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond
de
la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagram
1768
ur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin
de
la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves pu
1769
s, donnés à la fois comme poèmes et comme dictées
de
l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait de distinguer les q
1770
l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait
de
distinguer les quelques préoccupations assez simples dont l’étude cha
1771
ursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi des sortes
de
calembours… Art chrétien, a-t-on dit5. Certes, cette pièce n’est pas
1772
-on dit5. Certes, cette pièce n’est pas dépourvue
de
certaines des qualités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de
1773
alités qui, selon Max Jacob, permettraient seules
de
taxer de chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivo
1774
i, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer
de
chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque des s
1775
ettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre
d’
art. Mais, d’autre part, cette équivoque des symboles, cette simplicit
1776
dmire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités scéniques
de
cette pièce sont grandes. Je ne saurais même indiquer aucun endroit p
1777
cipes chers à l’auteur du Secret professionnel et
de
la préface des Mariés — principes dont l’énoncé brillant et définitif
1778
tif restera l’un des titres les plus authentiques
de
Cocteau. Précision et relief du dialogue, ingénieuse utilisation des
1779
se utilisation des expressions courantes, maximum
de
« situation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; e
1780
ituation » des personnages obtenu avec un minimum
de
répliques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le détail, un vr
1781
parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style
de
théâtre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiari
1782
pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre,
d’
une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiarité dramatiqu
1783
tre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre,
d’
une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il sem
1784
d’une familiarité dramatique qui cerne le mystère
d’
un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il
1785
es. « Puisque ces mystères me dépassent, feignons
d’
en être l’organisateur », disait le photographe des Mariés. Dans Orphé
1786
n somme, ce qu’il faut reprocher à Cocteau, c’est
d’
avoir réussi complètement une pièce, prouvant une fois de plus que l’a
1787
pièce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère
de
l’« art pur » n’est pas respirable. Il ne manque rien à Orphée, sinon
1788
rphée, sinon peut-être cette indispensable « part
de
Dieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imp
1789
ieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part
de
l’humain, l’imperfection secrète qui fait naître l’amour. Parce que l
1790
’une fois de plus, Cocteau a comprimé des pétales
de
roses dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l’art, mais
1791
s dans du cristal taillé, selon toutes les règles
de
l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parf
1792
de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est
de
rose, est sans parfum. (Tout de même, Cocteau est un poète : j’en v
1793
ur mon compte, dans le fait que je ne sais parler
de
lui autrement que par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette d
1794
par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette
de
Lausanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’amour conju
1795
sanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie
de
l’amour conjugal ». Vraiment, nous n’en demandions pas tant… g. « Or
1796
dions pas tant… g. « Orphée sans charme », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 3, février 192
1797
que s’ouvre où l’on attend un miracle pour la fin
de
la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pas à tortiller, il faut
1798
s ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas
de
ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jérôme et
1799
out ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée
de
la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de
1800
s soirs où une idée de la responsabilité s’empare
de
nous. Et nous calculons qu’il s’agit de déranger 5000 personnes en hu
1801
s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit
de
déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper quatre heu
1802
it de déranger 5000 personnes en huit soirées, et
de
les occuper quatre heures durant… Mais la vision, rapidement entrevue
1803
trevue par chacun dans son for le plus intérieur,
d’
une fuite en auto, nous rassure provisoirement… Prosopopée, à propo
1804
e, édentée et tâchant à prendre un accent anglais
d’
un comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’un doig
1805
assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant
d’
un doigt impitoyable son flanc déjà meurtri, la suivaient en hurlant :
1806
oi là ! »… Est-il plus atroce spectacle que celui
d’
une maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en prononça
1807
le et diserte qui tombe au ruisseau en prononçant
de
séniles calembours… Pénétrés d’horreur, les bellettriens avaient fui.
1808
eau en prononçant de séniles calembours… Pénétrés
d’
horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’une ivresse, ils re
1809
’horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour
d’
une ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui
1810
ne ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée
d’
anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an déjà. Ils ne tardère
1811
dèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance
de
Cinématoma Cinq bellettriens furent commis au soin d’engendrer cet
1812
matoma Cinq bellettriens furent commis au soin
d’
engendrer cet adorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’un
1813
dorable monstre. Ils se réunissent parfois autour
d’
un feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit
1814
rojet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et
de
la Tchaux, n’a pas la foi. Topin, Mahomet désabusé, constate que jama
1815
de ce paludesque et stérile consistoire, une idée
de
génie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin
1816
s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche
de
Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un
1817
par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue
de
Lugin : « Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur
1818
se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur
de
la scène. Titre : Socrate et Narcisse, un acte à grande figuration. »
1819
uration. » Enfin l’on joua aux petits dés le sort
de
notre parade — et l’on gagna. Enthousiasmé, « Mimosa » partit pour la
1820
partit pour la Riviera afin de négocier la vente
de
cette martingale avec des surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à
1821
revint juste à temps pour assister à la cérémonie
de
la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeun
1822
assister à la cérémonie de la pose du point final
de
« Cinématoma ou les épanchements de la jeune Synovie », parade « née
1823
u point final de « Cinématoma ou les épanchements
de
la jeune Synovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos
1824
ts de la jeune Synovie », parade « née du mariage
de
nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le
1825
ovie », parade « née du mariage de nos veilles et
de
nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le programme. Un peu
1826
ue le disait si poétiquement le programme. Un peu
d’
histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’I
1827
iquement le programme. Un peu d’histoire (erratum
de
la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à
1828
ramme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique
de
Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’époque où le
1829
que de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur
de
Gogol à l’époque où le Cuirassé Potemkine était interdit à l’écran. P
1830
ise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul
de
se perdre dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-
1831
cent doigts dans deux lits. Combien cela fait-il
de
pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’ét
1832
dans deux lits. Combien cela fait-il de pieds et
d’
oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans
1833
-il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite
de
Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s’aperçut
1834
6. Revue ou prologue. h. « L’autre œil », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 3, février 192
1835
1927)af M. Edmond Jaloux offre l’exemple rare
d’
un homme que son évolution naturelle a rapproché, dans sa maturité, de
1836
té, des jeunes générations, en sorte que l’espèce
de
romantisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec un mouvement d
1837
ses jeunes contemporains, et qu’il vient appuyer
de
son autorité de critique et surtout de son expérience déjà riche de r
1838
emporains, et qu’il vient appuyer de son autorité
de
critique et surtout de son expérience déjà riche de romancier. Son re
1839
nt appuyer de son autorité de critique et surtout
de
son expérience déjà riche de romancier. Son regard se promène sur le
1840
critique et surtout de son expérience déjà riche
de
romancier. Son regard se promène sur le même monde où se plaisent nos
1841
s, mais il garde une certaine discrétion, cet air
de
rêverie d’un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu
1842
garde une certaine discrétion, cet air de rêverie
d’
un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour p
1843
es avec cette mélancolique grâce. Si quelques-uns
de
ses bijoux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe ch
1844
uelques-uns de ses bijoux sont taillés comme ceux
de
Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeun
1845
mme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe charmant
d’
amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages
1846
de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié
de
l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages pour reme
1847
mitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un
de
ses personnages pour remercier ; (pouvait-il mieux trouver qu’un René
1848
va pas s’attabler au café en face des personnages
de
Jaloux. Et peut-être que la comtesse Rezzovitch a rencontré M. Paul M
1849
dû le trouver un peu froid, n’aura pas été tentée
de
lui faire ces confidences qu’elle livre si facilement au héros plus c
1850
t au héros plus confiant et secrètement incertain
de
ce roman. À la veille de se marier, Jérôme Parseval, journaliste pari
1851
et secrètement incertain de ce roman. À la veille
de
se marier, Jérôme Parseval, journaliste parisien, rencontre une femme
1852
incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’il attend
de
l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il ai
1853
sa femme, « mais comme on aime une petite maison
de
province quand on a failli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’imag
1854
tite maison de province quand on a failli hériter
de
Chenonceaux ». Peu à peu l’image d’Irène Rezzovitch s’idéalise et gag
1855
ailli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’image
d’
Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’une merveilleuse o
1856
Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance
d’
une merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les
1857
ssance d’une merveilleuse obsession. Il lui écrit
de
longues lettres, sans les envoyer. Il apprend sa mort, et qu’elle l’a
1858
rd’hui un réalisme discret mais précis et le sens
de
ce qu’il y a en nous d’essentiel, de ce qui détermine nos actes avant
1859
et mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous
d’
essentiel, de ce qui détermine nos actes avant que la raison n’intervi
1860
s et le sens de ce qu’il y a en nous d’essentiel,
de
ce qui détermine nos actes avant que la raison n’intervienne, mouveme
1861
tes avant que la raison n’intervienne, mouvements
de
nos passions à nous-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système d
1862
s-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système
de
valeurs lyriques et sentimentales que la raison ignore ou tyrannise a
1863
ère à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril
d’
un réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’il
1864
itent des personnages spirituellement dessinés un
de
ces drames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger du
1865
, pas même eux ». Dans ce roman, comme dans l’Âge
d’
or, un désenchantement profond prend le masque d’une aimable mélancoli
1866
d’or, un désenchantement profond prend le masque
d’
une aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse des choses qui vous
1867
dues, aveux incompris, et peut-être, un quiproquo
de
destinées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une des dernières
1868
ut-être ; (comme dans l’une des dernières phrases
de
Sylvie : « Là était le bonheur, peut-être… »). Mais le ton reste si l
1869
onde et délicieuse, gagnera à son auteur beaucoup
d’
amis inconnus. af. « Edmond Jaloux : Ô toi que j’eusse aimée… (Plon,
1870
Plon, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mars 1927, p. 387-388.
1871
Entr’acte
de
René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)i Surprendre est peu
1872
b. Ce soir-là, le programme comprenait : un film
d’
avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, d
1873
ilm japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire,
de
René Clair. La Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’un
1874
et le Voyage imaginaire, de René Clair. La Mort
de
Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe de province s’a
1875
Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs
d’
une troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor tr
1876
re (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe
de
province s’agitent incompréhensiblement dans un décor très pauvre, lé
1877
rine ; et une crise intérieure par un court accès
de
danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en c
1878
une crise intérieure par un court accès de danse
de
Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en coulisse.
1879
ès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort
d’
Hyppolite se passe en coulisse. Mais Phèdre avoue tout « devant le cad
1880
te bande est antérieure à l’époque du long baiser
de
conclusion. Le film japonais : une historiette un peu plus banale que
1881
bien photographiée. C’est le film du type « Jeux
de
soleil dans les jardins, complets variés, ça fait toujours plaisir de
1882
ardins, complets variés, ça fait toujours plaisir
de
voir des gens bien habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). « Une
1883
25). « Une étude sur le Monde des Rêves ». Rondes
de
cheminées dans le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des p
1884
inées dans le ciel où des pressentiments clignent
de
l’œil. Des poupées en baudruche gonflent leur tête jusqu’à éclater, t
1885
sent au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse
d’
une colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gr
1886
Rigueur voluptueuse d’une colonnade, puis un jeu
d’
échec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met à desc
1887
, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche
d’
un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur
1888
hec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel,
d’
où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevard
1889
tte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau
de
papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flottants, c’est as
1890
t à descendre un petit bateau de papier, sur fond
de
boulevards et parmi les toits flottants, c’est assez tragique. Mitrai
1891
its flottants, c’est assez tragique. Mitrailleuse
de
phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides.
1892
nts, c’est assez tragique. Mitrailleuse de phares
d’
auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasse
1893
. Mitrailleuse de phares d’auto, les 100 000 yeux
de
la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit
1894
asseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’œuf
d’
où naît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de
1895
be. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait
de
l’aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l
1896
apillon éclatant qui battait de l’aile un dixième
de
seconde, par intermittences, se pose enfin sur l’écran : une danseuse
1897
e enfin sur l’écran : une danseuse sur une plaque
de
verre, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont embrumés d
1898
ont embrumés dans mon souvenir par le rayonnement
de
la robe, fleur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux
1899
ur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant
de
deux jambes, l’harmonie de leurs arabesques à trois dimensions mêlées
1900
le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie
de
leurs arabesques à trois dimensions mêlées avec une lenteur et une pe
1901
. Ils revoient la danseuse, font une ronde autour
d’
une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, pu
1902
danseuse, font une ronde autour d’une tour Eiffel
de
bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Ch
1903
, font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois
de
la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Ély
1904
nde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille
de
l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une al
1905
e tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque
de
la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une allure grandissan
1906
il roule dans les marguerites, il en sort un chef
d’
orchestre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-même. ⁂
1907
e pas 20 minutes. Et c’est heureux. Nous manquons
d’
entraînement dans le domaine du merveilleux moderne. Un peu plus et no
1908
eux moderne. Un peu plus et nous demandions grâce
de
trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût
1909
rne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop
de
plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même
1910
’enterrement au ralenti, à l’éclatement des têtes
de
poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand l
1911
oupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire
de
cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où il
1912
là par exemple, où nous ne pouvons nous empêcher
d’
admirer l’utilisation artistique ingénieuse et précise de certaines th
1913
er l’utilisation artistique ingénieuse et précise
de
certaines théories sur le rêve, le peuple, qui n’a pas vu ces dessous
1914
n ça, c’est comme quand on rêve. » Un des défauts
d’
Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scènes (l’enterr
1915
éfauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée
de
certaines scènes (l’enterrement). Cela fait bizarre. Or, dans le mond
1916
oit nous « transplanter », un certain naturel est
de
rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritable miracle auquel nous
1917
du véritable miracle auquel nous assistons. Mais
de
pareils défauts sont presque inévitables dans une production de début
1918
auts sont presque inévitables dans une production
de
début, et Entr’acte mérite d’être ainsi qualifié : c’est peut-être le
1919
dans une production de début, et Entr’acte mérite
d’
être ainsi qualifié : c’est peut-être le premier film où l’on a fait d
1920
aphiques. Ici le geste pictural remplace le geste
de
l’acteur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mai
1921
is comme pour le film 1905, on a sans cesse envie
de
crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyen
1922
ilm 1905, on a sans cesse envie de crier : « Trop
de
gestes ! » C’est une question d’épuration des moyens. Rendre le plus
1923
e crier : « Trop de gestes ! » C’est une question
d’
épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un
1924
oyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait
d’
un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et dé
1925
d’un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques
de
style. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films de René Clair u
1926
e. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films
de
René Clair un sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas
1927
ersant. Et je ne parle pas du miracle genre conte
de
fée, comme le Voyage imaginaire en montre (beaucoup trop à mon gré).
1928
cière transforme un homme en chien, cela n’a rien
d’
étonnant au cinéma. C’est la photographie d’une chose qui ne serait ét
1929
rien d’étonnant au cinéma. C’est la photographie
d’
une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas enco
1930
que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle
de
ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec leur baguette, pour moi q
1931
miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosion
d’
une rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mou
1932
omme qui court au ralenti, certaines coïncidences
de
mouvements… C’est une réalité quotidienne dans une lumière qui la mét
1933
des nées des nécessités sociales — nous empêchent
de
découvrir la richesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme d’inc
1934
ichesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme
d’
incompréhensible, non Madame, car alors quoi de plus surréaliste que l
1935
le film 1905. Ce n’est peut-être qu’une question
d’
imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une aide puissan
1936
faisons nos premiers pas, étourdis, dans un pays
d’
illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous frotter l
1937
and nos regards plus assurés sauront enfin gagner
de
vitesse les prodiges que déclenche René Clair, verrons-nous, pris par
1938
s-nous, pris par surprise dans l’exploration ivre
d’
un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. i. « Entr
1939
d’un projecteur, des signes fatidiques, le visage
d’
un ange. i. « Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revu
1940
fatidiques, le visage d’un ange. i. « Entr’acte
de
René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles-Lettres, Lausann
1941
cte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 4, mars 1927,
1942
rise moderne. M. Daniel-Rops unit en lui à l’état
de
velléités contradictoires que son intelligence très nuancée maintient
1943
intelligence très nuancée maintient en une sorte
d’
instable équilibre, les tendances que ses contemporains ont poussées à
1944
contemporains ont poussées à l’extrême avec moins
de
prudence mais aussi de lucidité. Séduit par Gide ; admirant Maurras s
1945
ées à l’extrême avec moins de prudence mais aussi
de
lucidité. Séduit par Gide ; admirant Maurras sans l’aimer ; saluant e
1946
ré par les thèses extrémistes mais non dépourvues
d’
une sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solu
1947
ette inquiétude qui fait la grandeur et la misère
de
l’époque — et qu’il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte
1948
irections générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu
d’
analyse qui conduit à la dispersion autant qu’à l’approfondissement du
1949
sion autant qu’à l’approfondissement du moi, soif
de
tout et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de l’absolu à la
1950
dissement du moi, soif de tout et pourtant mépris
de
tout, procédant d’un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchiqu
1951
oif de tout et pourtant mépris de tout, procédant
d’
un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien le
1952
t et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût
de
l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les grands t
1953
ue et anarchique : ce sont bien les grands traits
de
notre inquiétude. (Mais peut-être M. Rops a-t-il trop négligé le rôle
1954
e extérieur, que je crois décisif, des conditions
de
la vie moderne.) Après avoir défini quelques « positions en face de l
1955
les plus parfaites qui s’offrent aux jeunes gens
d’
aujourd’hui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différe
1956
gens d’aujourd’hui. Il constate que l’une (celle
de
Gide) ne fait que différer notre inquiétude, tandis que l’autre « ne
1957
angoisse qu’en y substituant ce qui ne vient que
de
Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’un choix presque impossible,
1958
ient que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur
d’
un choix presque impossible, notre incertitude paraît sans remède. Mai
1959
, M. Daniel-Rops n’a-t-il pas cédé à la tentation
de
créer des dilemmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’un i
1960
emmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse
d’
un inquiet qui veut le rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer
1961
foi. Dès lors sont-elles vraiment les deux termes
d’
un dilemme, l’une n’étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la fo
1962
ue le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi naît
de
l’inquiétude autant que de la grâce, et régénère sans cesse l’inquiét
1963
utre ? Car la foi naît de l’inquiétude autant que
de
la grâce, et régénère sans cesse l’inquiétude autant que la sérénité…
1964
autant que la sérénité… Au reste, n’est-elle pas
de
M. Rops lui-même, cette phrase qui formule admirablement les exigence
1965
ui formule admirablement les exigences conjointes
de
l’inquiétude et de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le
1966
ement les exigences conjointes de l’inquiétude et
de
la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le chercher encore… »
1967
rrin, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, avril 1927, p. 563-564.
1968
je sens qu’une puissance étrangère s’est emparée
de
mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle
1969
mon être et a saisi les cordes les plus secrètes
de
mon âme, qu’elle peut faire désormais vibrer à sa fantaisie, même si
1970
I (Notes écrites en décembre 1925, au sortir
d’
une conférence sur le Salut de l’humanité.) Ce soir en moi trépigne
1971
bre 1925, au sortir d’une conférence sur le Salut
de
l’humanité.) Ce soir en moi trépigne une rage. Sur quelles épaules
1972
ne une rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau
de
flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique
1973
ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui
de
ma révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé
1974
our le pittoresque. — Attrape ! Il n’existe pas
de
théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour faire taire en no
1975
des Dieux, mais c’est pour détourner nos regards
de
cela qu’il faut bien nommer le Vide. Tant de séductions nous ont en v
1976
s nous ont en vain tentés, ô tortures fascinantes
de
la sainteté, seules vous nous appelez encore hors de cette voix de l’
1977
eules vous nous appelez encore hors de cette voix
de
l’infini où chancellent parmi les éclairs nos premiers pas. Aragon, d
1978
lairs nos premiers pas. Aragon, dans ces tempêtes
de
nuits filantes où s’enfuient, souffles à peine parfumés, les vices en
1979
st un ricanement splendide comme un éclat de rire
de
condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris des avocats don
1980
s palinodies, font encore rêver les anges écœurés
d’
azur. Alors un juron mélodramatique, d’une voix torturée, hurle au pap
1981
es écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique,
d’
une voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Lo
1982
diable un anathème sanglant. Louis Aragon, avocat
de
l’infini, annonce l’entrée de l’éternelle anarchiste, la Poésie. On
1983
ouis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée
de
l’éternelle anarchiste, la Poésie. On dit : « Des mots ! » au lieu
1984
!, trois mots dont l’un savant. Je ne connais pas
de
meilleur remède contre Dieu. Monsieur, vous avez dit : « C’est incomp
1985
! » — avec une indignation où j’admire une pointe
d’
ironie vraiment supérieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe d
1986
érieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe
d’
aise extrême, vos glandes salivaires, pourtant si éprouvées par le rep
1987
la porte ferme bien sur l’infini. Rien à craindre
de
ce côté. Retournez à vos amours. ....................................
1988
ou la poésie — et d’autres, à travers les déserts
de
la sainteté que hantent les fantômes adorables du désir, — quelques h
1989
désir, — quelques hommes y pénètrent, et le goût
de
s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffrir. Le derni
1990
e s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui
de
souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque
1991
n eux. Ni même celui de souffrir. Le dernier rire
d’
Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur un faux somme
1992
souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’éclat
de
sa joie brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles
1993
r rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque
d’
être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais
1994
es nargue. Il connaît enfin une solitude défendue
de
tous côtés par ses rires scandaleux, quelques « goujateries » affecté
1995
ux, quelques « goujateries » affectées par mépris
de
l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant
1996
eries » affectées par mépris de l’honneur, le mot
de
Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant éclat : « Ô grand Rê
1997
neur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases
d’
un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édifices, ne qu
1998
ne quitte plus, attiré par les premiers sophismes
de
l’aurore, ces corniches de craie où t’accoudant tu mêles tes traits p
1999
les premiers sophismes de l’aurore, ces corniches
de
craie où t’accoudant tu mêles tes traits purs et labiles à l’immobili
2000
bilité miraculeuse des statues7. » Il s’agit bien
de
critique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une des tentative
2001
Nous sommes ici en présence d’une des tentatives
de
libération les plus violentes et belles — malgré tant de maladresses
2002
belles — malgré tant de maladresses dédaigneuses,
de
bravades et de faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. S
2003
tant de maladresses dédaigneuses, de bravades et
de
faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu
2004
tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens
de
l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutis
2005
it connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu, sens
de
la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il
2006
Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme
de
l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit de rendre impratic
2007
’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit
de
rendre impraticables quelques portes de sortie » ou compromis : « N
2008
Il s’agit de rendre impraticables quelques portes
de
sortie » ou compromis : « Nous étions dominés par le sens d’une réa
2009
u compromis : « Nous étions dominés par le sens
d’
une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au
2010
que certains d’entre nous eussent acheté au prix
d’
un martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’inf
2011
Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle
de
l’infini, et cet infini nous écrasait. Comment aurions-nous accepté l
2012
aurions-nous accepté le sort communément heureux
de
nos contemporains qui ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité
2013
i ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité
de
rejeter définitivement les problèmes métaphysiques ? » Nous naisson
2014
à quelque chose qui imite la vie dans une époque
d’
inconcevables compromissions où triomphe sous tous les déguisements, d
2015
omissions où triomphe sous tous les déguisements,
de
Ford à Clément Vautel, le matérialisme le plus pauvre auquel se soit
2016
pour nous n’est nulle part9 ». Ultime affirmation
d’
une foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la C
2017
s paroles sur la Croix, il n’y a peut-être pas eu
d’
expression plus haute de l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire,
2018
il n’y a peut-être pas eu d’expression plus haute
de
l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’e
2019
pharisiens, et dire qu’elle est née dans un café
de
Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Rie
2020
. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien
de
rien. » Riez-en donc, pantins officiels, et vous repus, et vous, dubi
2021
vous repus, et vous, dubitatives barbes. Je viens
d’
entendre la voix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dog
2022
, dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix
d’
un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingén
2023
ix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer
de
dogmes bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à l
2024
es bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant
de
m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle pu
2025
« Si j’essaie un instant de m’élever à la notion
de
Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir
2026
je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir
d’
argument à un homme. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d
2027
. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales
d’
extrême moyenne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites
2028
fait oublier certaines morales d’extrême moyenne
d’
où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’on veut
2029
enne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit
de
fuites lâches qu’on veut nommer renoncements ! Jouant tout sur une ré
2030
tout sur une révélation possible, ou la naissance
d’
un prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux
2031
: pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr
de
n’avoir pas la tête en bas par rapport au soleil. Quelques gestes enc
2032
s gestes encore, interceptant les messages égarés
de
l’infini… Un tel homme, — est-ce encore Aragon, sinon qui ? — sa gra
2033
ver quelques pages écrites il y a un an, tel soir
de
colère où le thermomètre eût indiqué 39° selon toute vraisemblance. E
2034
selon toute vraisemblance. Et voici Aragon revêtu
d’
une dignité tragique qu’il trouverait sans doute un peu ridicule. C’es
2035
tagieuses. Comment, en effet, ne pas voir la part
de
littérature que renferme cette œuvre, et qui fait, en dépit des préte
2036
qui fait, en dépit des prétentions désobligeantes
de
l’auteur, son incontestable « séduction ». Pour un peu, je découvrais
2037
duction ». Pour un peu, je découvrais une manière
de
prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais
2038
orie du scandale pour le scandale qui a le mérite
de
n’être pas qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset,
2039
osé dans notre siècle et chez qui tout est devenu
de
quelques degrés plus violent, plus acerbe, plus profond. En somme, et
2040
. Et qui sait tirer un admirable parti littéraire
de
son tempérament vif, insolent et ombrageux. « J’appartiens à la grand
2041
on prophétique, ne serait-ce pas plutôt une sorte
de
donquichottisme assez fréquent dans les cafés littéraires et dont il
2042
emier à s’amuser ? Février 1927. Relu Une vague
de
rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — ma
2043
vrier 1927. Relu Une vague de rêves et la préface
de
Libertinage. Sous une certaine rhétorique — mais la plus belle, — ce
2044
me un désespoir en quoi je ne vais pas m’empêcher
de
reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphys
2045
ais pas m’empêcher de reconnaître la voix secrète
de
notre mal de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phra
2046
êcher de reconnaître la voix secrète de notre mal
de
vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase de Vinet —
2047
de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens
d’
une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteur
2048
sespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase
de
Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels
2049
laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs
de
manuels de littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le con
2050
esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels
de
littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le contrecoup du
2051
le savons… Mais pour Aragon, ce n’est point façon
de
parler. Son « nulle part » est sans dérobade possible par sous-entend
2052
entendu. Pas plus « ailleurs » que sur ce « globe
d’
attente » comme dit Crevel. Pourtant, le plus irrévocable désespoir n’
2053
ma plume, comme une mouche qu’on n’a jamais fini
de
chasser parce qu’elle n’a pas mérité du premier coup qu’on se donne l
2054
as mérité du premier coup qu’on se donne la peine
de
l’écraser, — c’est qu’il symbolise tout cet état d’esprit « bien Pari
2055
ise tout cet état d’esprit « bien Parisien » dont
de
récentes statistiques de librairie montrèrent les ravages bien plus é
2056
t « bien Parisien » dont de récentes statistiques
de
librairie montrèrent les ravages bien plus étendus qu’on n’osait le c
2057
enu qu’une introspection immobile ne retient rien
de
la réalité vivante ; si je dénie à des incrédules le droit à parler d
2058
nie à des incrédules le droit à parler des choses
de
la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ic
2059
e droit à parler des choses de la foi comme étant
d’
un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens critiqu
2060
nt on voudrait que soient justiciables les œuvres
d’
un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un
2061
ticiables les œuvres d’un écrivain, les démarches
de
sa pensée, ses délires, ses visions. Un critique qui n’épouse pas le
2062
s visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme
d’
une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifi
2063
me d’une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé
de
l’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises
2064
e à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier
de
sa raison, est destiné à dire des bêtises. Cf. certaines remarques —
2065
s bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes —
de
novembre 1926. 2 mai 1927. « Nous avons dressé notre orgueilleuse r
2066
gueilleuse raison à nous tromper sur ce qu’il y a
de
profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré. » (Edmond
2067
loux.) Entre un monsieur en noir : Permettez-moi
de
me présenter… d’ailleurs une ancienne connaissance… le Sens Critique.
2068
dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être
de
quelque utilité… Moi. — Ah ! oui, oui… c’est cela, utilité,… en effe
2069
es jours-ci, beaucoup trop à faire, beaucoup trop
d’
êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Compren
2070
, beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’êtres et
de
choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-moi : su
2071
ntion… Moi. — Que voilà un singulier impertinent
de
votre part. (Le reconduisant :) Croyez, Monsieur, à mon estime la plu
2072
nous sommes débordés, voyez vous-même, pas moyen
de
causer aujourd’hui… Quoi ?… Bon, bon, c’est entendu, on ne peut rien
2073
Mais plus tard, plus tard. Tenez, voici un traité
de
métaphysique, vous lirez ça en attendant. Très bien fait. Excellente
2074
ez, ma vie ? La Muse (mais oui, la Muse, sortant
de
derrière un rideau). — J’attends votre plaisir… III Il y a des
2075
t avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine
de
telle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou des troubles organ
2076
opposent à ces « délires » les thèses rassurantes
de
la « saine raison », sans se demander jamais si cela ne condamne pas
2077
Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers
de
la grande tradition gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin
2078
gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin
de
la Méditerranée comme promenoir, avec défense sous peine de mort de s
2079
comme promenoir, avec défense sous peine de mort
de
s’en écarter. Voilà bien leur désinvolture, car enfin, elle est déess
2080
tisane assagie, parfois dévote, phraseuse, sèche,
d’
humeur acariâtre et réactionnaire. Vous tracez des frontières géograph
2081
« À bas le clair génie français. » Alors la voix
de
Rimbardk à la cantonade : Qu’il vienne, qu’il vienne Le temps dont o
2082
s’éprenne ! Les œuvres les plus significatives
de
ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurit
2083
significatives de ce siècle sont écrites en haine
de
l’époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait à la littérature mo
2084
sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche
d’
obscurité que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’une manifest
2085
la littérature moderne n’est qu’une manifestation
de
ce divorce radical entre l’époque et les quelques centaines (?) d’ind
2086
ical entre l’époque et les quelques centaines (?)
d’
individus pour qui l’esprit est la seule réalité. C’est pourquoi nous
2087
pourquoi nous ne pourrons plus séparer du concept
de
l’esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le pl
2088
ourrons plus séparer du concept de l’esprit celui
de
Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le plus vaste. Il y a e
2089
e-vingt-treize, la Réforme, Karl Marx, la préface
de
Cromwell. Mais il ne s’agit pas de refaire notre petite révolution à
2090
rx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas
de
refaire notre petite révolution à nous, dans tel domaine. Et c’est mê
2091
tes : qu’ils aient voulu s’allier aux dogmatiques
d’
extrême gauche. Je ne dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli
2092
e dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli
de
crier merde pour Horace, Montaigne, Descartes, Schiller, Voltaire, et
2093
, pourquoi se faire marchand des œuvres complètes
de
Karl Marx ? Si vous ne dites pas aussi merde pour Marx ou Lénine, je
2094
. Est-ce que vraiment vous ne pouvez vous libérer
de
cette manie française, la politique, et ne voyez-vous pas que c’est f
2095
ique, et ne voyez-vous pas que c’est faire le jeu
de
vos ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge p
2096
ez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis
de
discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge pour la simple r
2097
ennemis de discuter avec eux dans leur langue et
de
crier rouge pour la simple raison qu’ils ont dit blanc ? Pensez-vous
2098
cet esprit « bien français » qui s’associe à tant
d’
objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il ins
2099
t « bien français » qui s’associe à tant d’objets
de
votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il inspire ? Al
2100
objets de votre mépris, en prenant le contre-pied
de
tout ce qu’il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y
2101
tent Aragon, Breton et leurs amis alternativement
de
dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heur
2102
Breton et leurs amis alternativement de dévoyés,
de
farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue
2103
urs amis alternativement de dévoyés, de farceurs,
de
chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des
2104
ernativement de dévoyés, de farceurs, de chacals,
de
déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des discussions
2105
qu’ils ont la passion et l’incommunicable secret
de
l’invention. Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand
2106
de l’invention. Il nous faut des entrepreneurs
de
tempêtes. Un grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et
2107
des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe
de
violence commandait à nos mœurs. … et nous portant dans nos actions à
2108
s. … et nous portant dans nos actions à la limite
de
nos forces, notre joie parmi vous fut une très grande joie. Saint-Joh
2109
ction contre tout ce qui prétendait nous empêcher
de
vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garan
2110
re tout ce qui prétendait nous empêcher de vivre,
de
rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chap
2111
ui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et
de
souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chapelets d’opti
2112
lte du moi avec ses recettes garanties, chapelets
d’
optimisme, tyranniques évidences, ordre et désordre, principes de Desc
2113
ranniques évidences, ordre et désordre, principes
de
Descartes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience t
2114
principes de Descartes, mathématiques aux pinces
de
crabe, examens de conscience toujours ratés — on ne m’y prendra plus
2115
artes, mathématiques aux pinces de crabe, examens
de
conscience toujours ratés — on ne m’y prendra plus ! — morales améric
2116
eurs abstractions que nous haïssions. Notre haine
de
certaine morale ne venait-elle pas de ce qu’en son nom l’on mesurait
2117
Notre haine de certaine morale ne venait-elle pas
de
ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement une sympathie humaine pour
2118
ine pour nous sans prix ? Mais nous avions besoin
de
révolution pour vivre, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme
2119
re, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme
de
magnifique perdition dans des choses plus grandes que nous. Nous nous
2120
nous connaissions dans les coins et nous mourions
d’
ennui avec les aspects irrévocablement prévus de nous-mêmes que faisai
2121
s d’ennui avec les aspects irrévocablement prévus
de
nous-mêmes que faisaient paraître les petits faits de nos longues jou
2122
ous-mêmes que faisaient paraître les petits faits
de
nos longues journées. Nous aimions la révolution comme on aime l’amou
2123
esse amoureuse ; nous cherchions cette Révolution
de
toutes nos forces et séductions, comme on cherche cette femme à trave
2124
révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que
de
vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense qu
2125
les brancards, c’est très bellettrien. Un disque
de
gramo comme par hasard nasille : Nous avons tous fait ça Plus ou moi
2126
es bonnes farces, et aussi pourtant des histoires
de
copains qui ont mal tourné, on pensait bien, ah ! cette jeunesse, mai
2127
u six ans et mort des suites. Quand cesserez-vous
de
nous faire la jambe, pardon escuses, avec ce thème à condamnations pa
2128
mace. Il y a encore des gens pour qui les limites
de
l’anarchie sont : chanter l’Internationale dans les rues, faire la no
2129
ale dans les rues, faire la noce, écrire un livre
de
tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand nous écriv
2130
finalement nous écraser par l’évidence définitive
de
notre absurdité. Car l’homme « s’est fait une vérité changeante et to
2131
fait une vérité changeante et toujours évidente,
de
laquelle il se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se conten
2132
contenter13 ». Acculés à ce choix : inconscience
de
ruminants ou neurasthénie, est-ce que vraiment vous vous êtes telleme
2133
st plus combattre, c’est l’épanouissement violent
d’
une immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphè
2134
violent d’une immense fleur palpitante au parfum
de
passions, c’est une atmosphère toute chargée d’éclairs qui nous attei
2135
m de passions, c’est une atmosphère toute chargée
d’
éclairs qui nous atteignent sans cesse au cœur et nous revêtent miracu
2136
ns cesse au cœur et nous revêtent miraculeusement
d’
aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous somme
2137
cœur et nous revêtent miraculeusement d’aigrettes
de
folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux.
2138
revêtent miraculeusement d’aigrettes de folies et
de
joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de
2139
pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage
de
tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amours, oiseaux doux et cr
2140
orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles
d’
amours, oiseaux doux et cruels, nous parlerons vos langues aériennes.
2141
es aériennes. On n’acceptera plus que des valeurs
de
passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le grand Libre-Éc
2142
s que des valeurs de passion. Balayez ces douanes
de
l’esprit, proclamez le grand Libre-Échange, voici déjà s’avancer des
2143
us sommes prêts à les accueillir. 7. Une vague
de
rêves (dans Commerce). 8. Et malgré certaines théories bien superfic
2144
surtout pour un homme qui élit Freud « président
de
la République du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’abs
2145
République du Rêve » – c’est presque un non-sens
de
chercher l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie d
2146
ie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que
de
brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset d
2147
s sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset
de
La coupe et les lèvres. Mais oui, c’est paradoxal. 11. Les livres le
2148
s plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre
de
Ford et Mon curé chez les riches. Très loin derrière viennent des Fra
2149
, quelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan
de
Paris. j. « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue de Belles-Lettre
2150
is. j. « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 5, avril 1927,
2151
il 1927, p. 131-144. k. On a conservé la graphie
de
l’original, sans doute voulue par l’auteur.
2152
e femme dans les rues tant soit peu métaphysiques
d’
une capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels
2153
s rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale
de
mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ail
2154
ysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait
d’
une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’
2155
capitale de mes songes. On exigeait d’une saison
de
marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs refle
2156
de mes songes. On exigeait d’une saison de marque
de
tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs reflets se fuss
2157
eurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel
de
névroses dans tous les poèmes où détresse rimait avec maîtresse. Écol
2158
e du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu
d’
un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qu
2159
la suivait entre les devantures qui se passaient
de
l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de fa
2160
s qui se passaient de l’une à l’autre deux séries
de
profils jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule
2161
e deux séries de profils jusqu’au soleil toujours
de
face. Il ne vit plus que la foule des yeux bleus, son éblouissement.
2162
ci, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs
d’
un luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passan
2163
. Elle découvre en passant près de lui le sourire
d’
amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’es
2164
en passant près de lui le sourire d’amitié mortel
de
tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il p
2165
ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange,
de
ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux d
2166
la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon
de
la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de revolver. Pu
2167
on de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit
d’
un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très r
2168
uchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup
de
revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. L
2169
Mais tu es si laid que cela me donne encore plus
de
plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que ce n’était pas lui.
2170
Il neigeait dans les rues sourdes comme un songe
de
son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos. Le jour t
2171
des halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide
de
la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques ro
2172
issait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs
de
son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui perce le c
2173
esses des flocons, plus perfides que des murmures
d’
adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive des jardins.
2174
rt. » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur
de
l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’o
2175
s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia
de
tendre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et de
2176
t bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est une question
d’
amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront un
2177
que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme
de
l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes d
2178
de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à
de
certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi — me rendre se
2179
s le retenir, Je ne pouvais pas le suivre. On dit
de
ces phrases. Même, on en pleure. l. « Quatre incidents », Revue de
2180
, on en pleure. l. « Quatre incidents », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 5, avril 1927,
2181
Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)j
Neuchâtel
va-t-elle redevenir le centre artistique qu’elle fut au siècle passé
2182
le passé ? Allons-nous assister à un regroupement
de
ses forces créatrices ? La question est peut-être prématurée. Mais le
2183
nts nécessaires à ce regroupement existe : il y a
de
jeunes peintres neuchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà d
2184
uchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà
de
discerner parmi eux certaines tendances générales, nous y reviendrons
2185
que le meilleur ; mais l’émulation, l’atmosphère
de
combat nécessaire au développement de certains jeunes tempéraments le
2186
’atmosphère de combat nécessaire au développement
de
certains jeunes tempéraments leur fait défaut dans la même mesure. Ai
2187
r fait défaut dans la même mesure. Ainsi risquent
de
s’établir autour d’eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais p
2188
a même mesure. Ainsi risquent de s’établir autour
d’
eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès,
2189
dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde
d’
amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiq
2190
des efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs
de
découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant
2191
stiques. Tout ce monde d’amateurs de découvertes,
de
snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde
2192
out ce monde d’amateurs de découvertes, de snobs,
de
marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous l
2193
d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands
de
tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous les extrémisme
2194
découvertes, de snobs, de marchands de tableaux,
de
critiques d’avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés
2195
de snobs, de marchands de tableaux, de critiques
d’
avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés comme vertus
2196
e à nous revenir munis du passeport indispensable
d’
une consécration étrangère. Un jour en effet l’on apprend que tel tabl
2197
re. Un jour en effet l’on apprend que tel tableau
de
jeune est « coté » chez un gros marchand. Aussitôt, les feuilles loca
2198
hand. Aussitôt, les feuilles locales retentissent
de
touchants échos : « C’est avec un légitime orgueil que notre petit pa
2199
eillera cette consécration bien méritée du talent
d’
un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans u
2200
ra cette consécration bien méritée du talent d’un
de
ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans une Ro
2201
ccorde à dire qu’on n’attendait pas moins du fils
d’
un tel père. « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’il en fai
2202
force se développe. N’était certain petit plaisir
d’
impertinence, je me fusse dispensé de redire ces lieux communs, auxque
2203
etit plaisir d’impertinence, je me fusse dispensé
de
redire ces lieux communs, auxquels pourtant nos circonstances confère
2204
D’ailleurs, sachons le reconnaître, il y a moins
de
malice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incomp
2205
achons le reconnaître, il y a moins de malice que
de
paresse dans les jugements du public, et moins d’incompréhension que
2206
de paresse dans les jugements du public, et moins
d’
incompréhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer n
2207
gements du public, et moins d’incompréhension que
de
timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates de naissance,
2208
éhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas
de
ne citer ni dates de naissance, ni traits d’enfance géniaux et prophé
2209
ité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates
de
naissance, ni traits d’enfance géniaux et prophétiques, ni opinions d
2210
pas de ne citer ni dates de naissance, ni traits
d’
enfance géniaux et prophétiques, ni opinions de critiques autorisés. D
2211
ts d’enfance géniaux et prophétiques, ni opinions
de
critiques autorisés. Du benjamin, Eugène Bouvier, qui a 25 ans, jusqu
2212
si les peintres dont nous allons parler méritent
d’
être appelés jeunes, c’est par leurs œuvres avant tout. D’autre part j
2213
graphie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer
de
contagion contre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucu
2214
tre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen
d’
aucun de ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’a
2215
el je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucun
de
ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’art diplô
2216
plômé. Premier péché contre l’histoire : au seuil
d’
un article consacré aux jeunes artistes neuchâtelois, je vous présente
2217
ésente Conrad Meili, un Zurichois qui nous arriva
de
Genève il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures
2218
li, un Zurichois qui nous arriva de Genève il y a
de
cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures mortes, de petits
2219
ou six ans. Il peignait alors des natures mortes,
de
petits paysages, il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était un
2220
petits paysages, il dessinait des nus aux crayons
de
fard. C’était un peu plus Blanchet que Barraud, plus Picasso que Mati
2221
devenu plus net, plus cruel aussi. À Marin, près
Neuchâtel
, dans cette petite maison qu’on reconnaissait entre trente pareilles,
2222
res, dans une chambre peinte en bleu vif et ornée
de
surprenants batiks, il s’est livré pendant quelques années à des rech
2223
à des recherches un peu théoriques et abstraites.
De
cette époque datent des toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors
2224
cette époque datent des toiles comme le Souvenir
de
l’Évêché. Décors et personnages semblent d’une matière idéale. Tout e
2225
venir de l’Évêché. Décors et personnages semblent
d’
une matière idéale. Tout est lisse et parfait. Trop parfait seulement.
2226
parfait seulement. Il manque à ces recompositions
de
la nature, à ces natures remises à neuf, l’imperfection humaine qui t
2227
ection humaine qui touche. Mais l’atmosphère pure
de
ces espaces définis par quelques plans ne tue pas un certain mystère.
2228
dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille
de
constater combien l’épuration rigoriste de sa technique sert une visi
2229
veille de constater combien l’épuration rigoriste
de
sa technique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures su
2230
n rigoriste de sa technique sert une vision aigüe
de
la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité
2231
chnique sert une vision aigüe de la vie. La série
de
gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité est un petit chef-d
2232
qu’il intitule la cité est un petit chef-d’œuvre
de
réalisme stylisé. C’est d’un art très volontaire, qui connaît ses res
2233
un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est
d’
un art très volontaire, qui connaît ses ressources et sait en user ave
2234
t en user avec la sobriété qui produit le maximum
d’
expression. Cette « simplicité précieuse », il sait la conférer à tout
2235
affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra
de
reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu biz
2236
ïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une
de
ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il glisse s
2237
e reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin
de
comique un peu bizarre qu’il glisse si souvent là où on l’attend le m
2238
ad Meili apporte chez nous une inspiration neuve,
d’
origine germanique, mais qui a choisi de s’astreindre à la voluptueuse
2239
on neuve, d’origine germanique, mais qui a choisi
de
s’astreindre à la voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épuran
2240
les renouveler. Il nous apporte aussi cet élément
de
vitalité combative qui manque trop souvent au Neuchâtelois. S’il cass
2241
pour le plaisir, mais plutôt par amour du courant
d’
air. Cela dérange toujours quelques frileux, mais les autres sont soul
2242
e fût-ce qu’en prenant une initiative comme celle
de
Neuchâtel 1927 7 il aura bien mérité sa place parmi les artistes neuc
2243
ût-ce qu’en prenant une initiative comme celle de
Neuchâtel
1927 7 il aura bien mérité sa place parmi les artistes neuchâtelois.
2244
âtelois. Actuellement, Meili achève la décoration
d’
une salle d’hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce
2245
uellement, Meili achève la décoration d’une salle
d’
hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce paysagiste
2246
pressionniste s’astreindrait jamais aux exigences
de
la technique décorative ! Voilà qui laisse espérer parmi nos artistes
2247
rapprochements moins paradoxaux. Donzé n’est pas
de
ceux pour qui la peinture consiste à habiller une idée. Voyez son por
2248
consiste à habiller une idée. Voyez son portrait
de
Meili : il ne prend pas le sujet par l’intérieur, mais il taille ce v
2249
a presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a
de
la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une sensualité qui s
2250
l voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement
de
ses couleurs, une sensualité qui sait se faire délicate quand du haut
2251
nsualité qui sait se faire délicate quand du haut
de
San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des ja
2252
se faire délicate quand du haut de San Miniato ou
de
Fiesole, il peint Florence avec des roses et des jaunes jamais mièvre
2253
grâce décorative, il n’en reste qu’un, du moins à
Neuchâtel
même : Eugène Bouvier. Ce garçon aux allures discrètes promène sur le
2254
x allures discrètes promène sur le monde des yeux
de
Japonais d’une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne c
2255
scrètes promène sur le monde des yeux de Japonais
d’
une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne croit, mais i
2256
lus loin qu’on ne croit, mais il a toujours l’air
de
songer à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa premièr
2257
seconde patrie si la peinture est sa première et
Neuchâtel
la troisième… Il y a par Eugène Bouvier quelque chose de nouveau dans
2258
peinture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer,
d’
une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’insinue dans toute sa palet
2259
qu’on cherche en vain chez beaucoup des meilleurs
de
nos artistes. Mais n’allez pas croire à des grâces faciles ou sentime
2260
grâces faciles ou sentimentales. Il y a une sorte
d’
aristocratique dissimulation dans l’œuvre de Bouvier. Sa technique qui
2261
sorte d’aristocratique dissimulation dans l’œuvre
de
Bouvier. Sa technique qui paraît au premier abord masquer ses intenti
2262
; mais il faut pour comprendre cet art emprunter
de
singuliers chemins d’accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient
2263
omprendre cet art emprunter de singuliers chemins
d’
accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient dans un tableau de Bo
2264
’abord vous prend et vous retient dans un tableau
de
Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un défaut par où l’o
2265
s un tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte
de
dissonance, un défaut par où l’on va peut-être se glisser dans l’atmo
2266
où l’on va peut-être se glisser dans l’atmosphère
de
l’œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformation, et tout dev
2267
e mystique exige pour être compris une complicité
de
sentiments ou d’état d’âme. Je ne verrais guère que Louis de Meuron,
2268
pour être compris une complicité de sentiments ou
d’
état d’âme. Je ne verrais guère que Louis de Meuron, parmi ses aînés,
2269
rapprocher, parce qu’il est un des rares peintres
de
ce pays pour qui la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie de B
2270
i la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie
de
Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’épano
2271
de Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins
de
sourires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il semble toujo
2272
ins de sourires qui s’épanouissent sur les toiles
de
Meuron. Il semble toujours qu’il peigne entre deux pluies. Il aime ce
2273
t, et sait rendre mieux que personne la liquidité
d’
un lac, certaines atmosphères délavées et sourdes. « Temps couvert, ca
2274
urtant l’impression, à voir ses dernières toiles,
d’
une plus grande certitude intérieure. Les visages sont plus calmes, le
2275
Charles Humbert ou comment on passe en cinq ans
de
Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles
2276
ut craindre que Charles Humbert ne devînt le chef
d’
une école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures mortes
2277
t, à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes
d’
une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déj
2278
en des scènes d’une bizarre fantaisie, un mélange
de
Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine
2279
es d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et
d’
Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine Woog, G. H.
2280
l avait fondée avec J. P. Zimmermann) des dessins
d’
un dynamisme impétueux révélant un tempérament très rassurant. C’était
2281
intermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets
d’
une opulence assez désordonnée, des rouges trop violents éclataient av
2282
tureuse que les formes, il y a une belle richesse
de
lueurs sur une matière traitée largement et d’une abondance très sûre
2283
se de lueurs sur une matière traitée largement et
d’
une abondance très sûrement ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup att
2284
t ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup attendre
de
ce tempérament qui fait jaillir en lui sans cesse des possibilités im
2285
es possibilités imprévues. Il y a un côté « homme
de
la Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa fougue originale.
2286
n a plus encore chez un Aurèle Barraud. Il suffit
de
le voir peint par lui-même pour s’en assurer. La tête large, aux yeux
2287
yeux clairs et assurés, le cou robuste, les mains
d’
un si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout cela commu
2288
lle lourdeur, tout cela communique une impression
de
puissance domptée et qui semble se faire une volupté de la discipline
2289
ssance domptée et qui semble se faire une volupté
de
la discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fait encore plus « Renai
2290
ampe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi,
d’
un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis
2291
e (elle peint aussi, d’un œil regardant le sujet,
de
l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis voici François Barraud, le p
2292
ssins qui ressemblent beaucoup aux petites huiles
de
Charles, moins intensément réalistes, plus fins, mais tout aussi habi
2293
is retrouver, allons errer un peu dans le royaume
d’
Utopie. André Evard va nous y introduire, et nous ne saurions trouver
2294
rcevoir, peut-être. Il suivait son petit bonhomme
de
chemin sans se douter qu’il avait pris quelques années d’avance sur s
2295
n sans se douter qu’il avait pris quelques années
d’
avance sur ses contemporains. Un jour les jeunes le rattrapent. Saluta
2296
s choses bien curieuses sur son compte. Il a fait
de
la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges
2297
la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit
de
noix et d’oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à
2298
rie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et
d’
oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des
2299
r… Retournez-en une autre, ce doit être un dessin
d’
horlogerie, ou quelque plan d’une machine à mouvement perpétuel. Une a
2300
doit être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan
d’
une machine à mouvement perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’
2301
eux où se coupent des plans transparents, cellule
de
quelque palais de glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où s
2302
des plans transparents, cellule de quelque palais
de
glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où sous un éclairage t
2303
e de quelque palais de glaces en miniature, sorte
de
boîte à miracles où sous un éclairage très net, mais inusité, l’objet
2304
et, mais inusité, l’objet le plus banal se charge
de
mystère. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe
2305
se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe
de
quel occulte prodige ? Intrigué, vous reprenez ce que vous pensiez n’
2306
intitulé « nature morte ». Pourquoi pas naissance
d’
un songe ? C’est en effet un rêve de précision qui s’incarne dans ces
2307
pas naissance d’un songe ? C’est en effet un rêve
de
précision qui s’incarne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir
2308
rne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir
de
la perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouvelles songe
2309
a perfection exercée par jeu. Mais quel support à
de
nouvelles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges à c
2310
rte. Attention qu’André Evard n’aille trouver une
de
ces machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier ou
2311
r en instruments métaphysiques ces bonnes montres
de
précision de La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappel
2312
nts métaphysiques ces bonnes montres de précision
de
La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappelons le souven
2313
nt de quitter les peintres, rappelons le souvenir
de
Charles Harder, qui est mort jeune, sans avoir pu donner toute sa mes
2314
toute sa mesure. Il a laissé surtout des dessins,
d’
une sûreté un peu traditionnelle, d’un style pourtant assez large et q
2315
des dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle,
d’
un style pourtant assez large et que n’entravait pas son scrupule réal
2316
scrupule réaliste. ⁂ Mais voici dans son costume
d’
aviateur, retour de Vienne, un sculpteur qui saura s’imposer. Léon Per
2317
⁂ Mais voici dans son costume d’aviateur, retour
de
Vienne, un sculpteur qui saura s’imposer. Léon Perrin a compris tout
2318
uelque lourdeur dans des morceaux comme le Joueur
de
rugby. C’était le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’at
2319
rceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids
de
la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’atteignai
2320
it le poids de la pierre, plus que celui du corps
de
l’athlète ; l’œuvre n’atteignait pas encore pleinement sa vie propre.
2321
semble avoir évolué vers une plus grande harmonie
de
lignes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste un
2322
par les sujets et un style qui sait rester ample,
d’
une simplicité non dépourvue de puissance. Une fois de plus l’on peut
2323
sait rester ample, d’une simplicité non dépourvue
de
puissance. Une fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon de s
2324
fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon
de
style donnée par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager de son
2325
par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager
de
son outrance théorique. C’est dans la manière cubiste encore que Perr
2326
errin décora naguère fort plaisamment une pendule
de
Ditisheim ; que Vincent Vincent, peintre, romancier et critique d’art
2327
ique d’art, compose des coussins, des couvertures
de
livres, des étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perreno
2328
coussins, des couvertures de livres, des étoffes,
d’
une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine de petits tab
2329
ptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine
de
petits tableaux en papiers découpés, avec une ingéniosité délicieusem
2330
tes pas complète. Mais elle a du moins l’avantage
de
grouper des artistes qui, par le fait des circonstances peut-être plu
2331
le fait des circonstances peut-être plus que par
de
naturelles affinités, se trouvent former un mouvement actif déjà, et
2332
trouvent former un mouvement actif déjà, et dont
Neuchâtel
1927 sera la première manifestation collective. Est-il possible, au
2333
ctive. Est-il possible, au sein de ce mouvement,
d’
en distinguer d’autres plus organiques ? D’une part il y a des préoccu
2334
s qui pourraient aboutir peut-être à la formation
d’
un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des
2335
et et le domaine où elles se réalisent que celles
de
Le Corbusier8, Meili, Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche
2336
, Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche
de
la simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la
2337
toutes une recherche de la simplicité savante et
de
la perfection du métier, un goût pour la construction rigoureuse qui
2338
t de même une orientation générale vers une sorte
de
classicisme moderne dont les frères Barraud ne seraient pas très éloi
2339
n avenir peut-être proche dira dans quelle mesure
de
tels groupements correspondent à une réalité artistique. Pour aujourd
2340
vions fait qu’affirmer l’existence et la vitalité
d’
une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est trop souvent plu
2341
est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et
d’
une maigre végétation artistique. Pays où l’on préfère la netteté util
2342
lecteurs. 8. Voir sur cet artiste neuchâtelois,
de
son vrai nom Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro de févr
2343
Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro
de
février de cette revue. j. « Jeunes artistes neuchâtelois », Das Wer
2344
nneret, un article paru dans le numéro de février
de
cette revue. j. « Jeunes artistes neuchâtelois », Das Werk, Zurich,
2345
ci un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas
d’
une beauté assez brutale, pour nous choquer et s’imposer pourtant. M.
2346
un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a
d’
ambition que pour ses enfants. Jacob, l’aîné se révolte. Sensualité, i
2347
ité : les caractères se résument dans son avidité
de
puissance. C’est par l’argent qu’on domine notre âge : il devient gra
2348
ssure sa fortune au prix du peu cynique reniement
de
ses origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On v
2349
niement de ses origines. Le vieux père s’effondre
de
honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Ma
2350
es origines. Le vieux père s’effondre de honte et
de
douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a r
2351
père s’effondre de honte et de douleur. « On vend
de
l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a renié ses parents, non
2352
eu juif, prend une âpre rapidité avec l’ascension
de
Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulga
2353
on de Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre
de
platitudes et de vulgarités pour les derniers chapitres, denses, viol
2354
s luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et
de
vulgarités pour les derniers chapitres, denses, violents, et dont le
2355
, on connaît mon orgueil : osez donc me condamner
d’
être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin
2356
être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et
de
suivre le destin que vous m’avez assigné à force de m’humilier et de
2357
que vous m’avez assigné à force de m’humilier et
de
me craindre. » ah. « Bernard Lecache : Jacob (NRF, Paris) », Biblio
2358
(NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1927, p. 689-690.
2359
Crevel, La Mort difficile (mai 1927)ai Le jeu
de
tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actue
2360
e tout dire est une des plus tragiques inventions
de
l’inquiétude actuelle. Sous couleur de démasquer l’humain, et par l’a
2361
é qu’on y apporte, l’on en vient à une conception
de
la sincérité qui me paraît proprement inhumaine. Tout dire, vraiment
2362
inhumaine. Tout dire, vraiment ? C’est l’exigence
d’
une détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute joie comme il
2363
sincérité ne serait-elle à son tour que le masque
d’
un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit commen
2364
le masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond
de
ce roman, où l’on voit comment Pierre en vient à sacrifier Diane, son
2365
écrivait Mon Corps et Moi. Quand l’analyse féroce
de
Crevel fouille les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur
2366
nd l’analyse féroce de Crevel fouille les pensées
de
Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche
2367
féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre ou
de
Diane, les gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche par la force
2368
lle les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes
d’
Arthur, le roman vit et nous touche par la force de ce tourment ou de
2369
’Arthur, le roman vit et nous touche par la force
de
ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le
2370
vit et nous touche par la force de ce tourment ou
de
ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le détail dégoûtant e
2371
elle s’acharne sur le détail dégoûtant et mesquin
de
certain milieu bourgeois, et l’on voit bien que l’auteur n’est pas en
2372
n voit bien que l’auteur n’est pas encore détaché
de
la matière pour en tirer une œuvre d’art. La sincérité audacieuse mai
2373
ore détaché de la matière pour en tirer une œuvre
d’
art. La sincérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce livre sa
2374
mais sans bravade qui donne à ce livre sa valeur
de
document humain, nuit à sa valeur littéraire. Je n’aime guère ce styl
2375
ttéraire. Je n’aime guère ce style abstrait, semé
de
redites et d’expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâ
2376
’aime guère ce style abstrait, semé de redites et
d’
expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâtive. Mais il
2377
ent une écriture hâtive. Mais il y a dans l’œuvre
de
René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la
2378
. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens
de
la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. ai. « Ren
2379
Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1927, p. 690.
2380
Paul Éluard, Capitale
de
la douleur (mai 1927)aj Nocturnes aux caresses coupantes comme cer
2381
resses coupantes comme certaines herbes. Capitale
de
la douleurak, ce sont de belles syllabes sereines, et dans cette vill
2382
rtaines herbes. Capitale de la douleurak, ce sont
de
belles syllabes sereines, et dans cette ville, Éluard est le plus séd
2383
s noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées
d’
un élixir dont il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’
2384
faire croire que le diable est l’auteur. Beaucoup
d’
oiseaux volètent, se balancent au bord des verres, se posent sur les c
2385
cent au bord des verres, se posent sur les cordes
d’
une lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquèt
2386
l’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur
d’
une femme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèc
2387
mme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont
de
jolies flèches empoisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué, d
2388
lèches empoisonnées. Quelque chose, tout de même,
de
laqué, d’élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici
2389
oisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué,
d’
élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tac
2390
Quelque chose, tout de même, de laqué, d’élégant,
de
« bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tache de coule
2391
çais » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tache
de
couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai la beauté facile et c’est
2392
sque pas sa blessure. Mais c’est ici qu’il s’agit
de
ne pas confondre inexplicable avec incompréhensible. aj. « Paul Élu
2393
incompréhensible. aj. « Paul Éluard : Capitale
de
la douleur (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genè
2394
ouleur (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1927, p. 693-694. ak. En romain dans l’édition o
2395
chelle, La Suite dans les idées (mai 1927)al «
De
quoi s’agit-il ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tent
2396
s les idées (mai 1927)al « De quoi s’agit-il ?
de
détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant à l’u
2397
i 1927)al « De quoi s’agit-il ? de détruire ou
de
rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant à l’une autant qu’à
2398
un ? Non, enfin un. Tous les autres y ont apporté
de
secrètes complaisances, ou une arrière-pensée d’apologie, ou même sim
2399
de secrètes complaisances, ou une arrière-pensée
d’
apologie, ou même simplement un besoin d’être aimés qui faussaient leu
2400
e-pensée d’apologie, ou même simplement un besoin
d’
être aimés qui faussaient leurs voix pour les rendre plus touchantes.
2401
une saine rudesse. « Il s’examine jusqu’au ventre
de
sa mère et cognoit que dès lors il a esté corrompu et infect et adonn
2402
te » qui révèle encore dans le fond quelque chose
de
solide, d’authentique. J’aime cette violence de redressement où je di
2403
vèle encore dans le fond quelque chose de solide,
d’
authentique. J’aime cette violence de redressement où je distingue bie
2404
e de solide, d’authentique. J’aime cette violence
de
redressement où je distingue bien autre chose que les « éclats de l’i
2405
où je distingue bien autre chose que les « éclats
de
l’impuissance ». Un plus délicat eut compris que certains des morceau
2406
hique. Et puis, tout de même, on est bien heureux
de
rencontrer chez les jeunes écrivains français un homme qui ait à ce p
2407
ains français un homme qui ait à ce point le sens
de
l’époque, une vision si claire et si tragique de la civilisation d’Oc
2408
de l’époque, une vision si claire et si tragique
de
la civilisation d’Occident. Les questions capitales posées ailleurs d
2409
ision si claire et si tragique de la civilisation
d’
Occident. Les questions capitales posées ailleurs depuis longtemps par
2410
nce par quelques jeunes gens. Il faut louer Drieu
d’
avoir échappé au surréalisme en tant qu’il n’est que le triomphe de la
2411
u surréalisme en tant qu’il n’est que le triomphe
de
la littérature sur la vie, mais d’avoir su en garder une passion pour
2412
ue le triomphe de la littérature sur la vie, mais
d’
avoir su en garder une passion pour la pureté, un « jusqu’au boutisine
2413
ion, — et je sais bien que c’est là un des signes
de
sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat devenu « scribe » e
2414
utal : mais faisons-lui confiance, voici un homme
d’
aujourd’hui, presque sans pose, et décidé à mépriser le bluff. al. «
2415
Sans Pareil) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1927, p. 694.
2416
, Monsieur, normalement bon. L’idée, par exemple,
d’
étrangler un chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner
2417
n chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais
de
peiner quelque être, même ennemi, — car celui-là je le méprisais trop
2418
Mes parents me savaient vierge et c’était la joie
de
leur vie, car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leu
2419
. Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des yeux
de
cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’e
2420
e détournai pas mes yeux des yeux de cette femme,
de
peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je
2421
te femme, qui m’aimait, et nous étions très jolis
de
bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon
2422
m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et
d’
insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savait t
2423
jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur
de
la saison. — Au soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de
2424
soir, mon père savait tout. Il effleura mon front
de
ses lèvres sans une parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le
2425
lui, sans doute, j’étais perdu. Mais il souffrait
d’
autre chose encore : il se savait vieux, maintenant. » Je songeais jus
2426
maintenant. » Je songeais justement à un sourire
de
mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un silence vertig
2427
it mon sourire et pleura. Alors une rage s’empara
de
mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la porte et courus
2428
e plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot
d’
adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une direction quelc
2429
la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse
d’
une nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce
2430
direction quelconque. Il advint que ce fut celle
de
l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’articles sur la m
2431
l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus
d’
articles sur la mode et la politique, que j’envoyais à divers journaux
2432
divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien
de
mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon nom en grosse
2433
m en grosses lettres : c’était l’annonce du décès
de
mon père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une b
2434
n père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée
d’
un café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me re
2435
augmenter ma volupté. Bientôt je ne pus me tenir
de
chantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’où sortaient à c
2436
hantonner. J’entrai dans un établissement luxueux
d’
où sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La fe
2437
ù sortaient à chaque tour du tambour des bouffées
de
musique. » La femme en bleu dansait en regardant au plafond. Après de
2438
x tangos, nous montions ensemble dans une chambre
d’
hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’un bouquet transfiguré par la lumiè
2439
uet transfiguré par la lumière et que reflétaient
de
nombreuses glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner des solei
2440
une avenue et ses autos rouges, tout un couchant
de
grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore
2441
ses autos rouges, tout un couchant de grand port
de
la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore par instants
2442
s aimâmes en sifflotant encore par instants l’air
de
la dernière danse, mais nous avions aussi envie de pleurer, à cause d
2443
e la dernière danse, mais nous avions aussi envie
de
pleurer, à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir
2444
soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir
de
bonheur fiévreux — celui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se
2445
son sac à main : c’était assez pour me permettre
d’
entreprendre quelques beaux vols… » Dès lors, je vécus, comme vous me
2446
s, comme vous me voyez vivre encore, dans un état
de
sincérité perpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec un enth
2447
moral et malicieux. » Je ne sais dans quel rapide
de
l’Europe centrale — région où l’on est forcé de prendre conscience de
2448
e de l’Europe centrale — région où l’on est forcé
de
prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au moment de
2449
— région où l’on est forcé de prendre conscience
de
soi-même — je découvris une nuit, au moment de m’endormir, que ma pas
2450
ue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années
de
joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je se
2451
’avait-on pas dérobé des années de joie au profit
d’
une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le
2452
bscurément. Je sentais bien que le ressort secret
de
la vertu dans laquelle on m’avait emprisonné c’était un bas opportuni
2453
unisme social, résultante des paresses accumulées
de
tous les cerveaux bourgeois incapables de concevoir un monde sans vie
2454
umulées de tous les cerveaux bourgeois incapables
de
concevoir un monde sans vieilles filles, sans capitalistes et sans ge
2455
escroquerie morale dont je fus la victime, ce vol
de
quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsi
2456
us la victime, ce vol de quelques joies parfaites
de
ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsieur, pour critiquer les moda
2457
trop tard, Monsieur, pour critiquer les modalités
de
ma vengeance. Veuillez ne voir dans la confusion où je parais être en
2458
omique, qu’une expression nouvelle, et non dénuée
d’
ironie, de mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fond
2459
’une expression nouvelle, et non dénuée d’ironie,
de
mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fondements mêm
2460
ils appellent, ridiculement, les fondements mêmes
de
la société. » C’est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que
2461
mes de la société. » C’est avec le produit du vol
d’
un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel
2462
ociété. » C’est avec le produit du vol d’un tronc
de
chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis gra
2463
uel je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire
de
l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais g
2464
t un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il,
de
la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… B
2465
e vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique
de
ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quel
2466
s grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie
de
rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois,
2467
, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat
d’
hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’a
2468
t-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et
de
sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’amuse à joue
2469
jouer le pickpocket. Cela permet, avec un minimum
d’
adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour assez parti
2470
ckpocket. Cela permet, avec un minimum d’adresse,
de
découvrir certaines personnalités sous un jour assez particulier, trè
2471
us un jour assez particulier, très souvent ignoré
d’
elles-mêmes auparavant, et pas toujours défavorable, croyez-le bien… L
2472
pas toujours défavorable, croyez-le bien… Le goût
de
la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus gén
2473
et des plus généralement répandus, j’ai vite fait
de
classer mon monde d’après les quelques réactions élémentaires qui ne
2474
ues réactions élémentaires qui ne manquent jamais
de
succéder au moindre vol. » J’ajouterai, cher Monsieur, que l’analyse
2475
psychologique n’est pas mon fort. Je me contente
de
quelques observations théoriques que je tiens pour vraies, et j’en vé
2476
les manifestations vivantes avec une prodigalité
d’
épreuves, contre-épreuves, variantes et enjolivures où je vois le véri
2477
es et enjolivures où je vois le véritable intérêt
de
ma vie. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement
2478
e. C’est vous dire que seule une certaine caresse
de
l’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaq
2479
naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir
de
chaque minute auquel succède immédiatement le sommeil. Je rêve beauco
2480
j’ai pour la poésie imprimée. » J’allais oublier
de
vous dire qu’on me nomme Saint-Julien. Vous n’ignorez point que l’on
2481
ron des voyageurs… » Saint-Julien parut satisfait
de
cette dernière plaisanterie. Il but avec beaucoup de délicatesse quel
2482
but avec beaucoup de délicatesse quelques gorgées
d’
eau minérale. Isidore sentit alors que la bienséance l’obligeait à éme
2483
ur cette vie dont le récit n’avait pas laissé que
de
l’agacer en maint endroit. « Une chose avant tout me frappe — dit-il,
2484
lâchant tout de suite ses compliments, ce qui est
de
mauvaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. El
2485
vaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté
de
votre vie. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’apparaît c
2486
paraît comme un divertissement perpétuel et dénué
d’
inquiétude. Et cela n’est pas sans me charmer, croyez-moi. Car, enfin,
2487
couter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu
d’
appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Ma
2488
’on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur
de
l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me
2489
pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle
de
vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre co
2490
vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient
de
tirer de votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliq
2491
s, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer
de
votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliquer, c’es
2492
ales qu’elle paraît impliquer, c’est ce caractère
de
, comment dirai-je…, de juvénile insouciance, pour ne pas dire inconsc
2493
liquer, c’est ce caractère de, comment dirai-je…,
de
juvénile insouciance, pour ne pas dire inconscience ! qui s’attache à
2494
ts et gestes. L’on croirait ouïr parfois le récit
de
quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en
2495
L’on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’une
de
ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux
2496
ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces
d’
étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus
2497
’étudiants qui ne sont que la traduction en actes
de
jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit S
2498
ts qui ne sont que la traduction en actes de jeux
de
mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit Saint-Jul
2499
t la sincérité tournait vite à l’agressif — effet
d’
une timidité naturelle dont il paraissait lui-même gêné. En deux mots,
2500
t raison. Mais justement je n’éprouve aucun désir
d’
avoir raison. Je sens aussi bien que vous ce que mes principes peuvent
2501
bien que vous ce que mes principes peuvent avoir
de
« bien jeune », de banal presque, et, pis, d’agréablement paradoxal.
2502
ue mes principes peuvent avoir de « bien jeune »,
de
banal presque, et, pis, d’agréablement paradoxal. Seulement, pour qui
2503
oir de « bien jeune », de banal presque, et, pis,
d’
agréablement paradoxal. Seulement, pour quiconque est aussi profondéme
2504
quiconque est aussi profondément persuadé que moi
de
l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre geste
2505
ondément persuadé que moi de l’absurdité radicale
de
notre vie, la moindre farce, le moindre geste convenu dans le genre «
2506
onvenu dans le genre « révolté » prend une saveur
de
raillerie assez amère. Et peut-être apprendrez-vous à découvrir derri
2507
re apprendrez-vous à découvrir derrière certaines
de
mes plaisanteries la dérision secrète qu’elles masquent par caprice.
2508
⁂ m. « Récit du pickpocket (fragment) », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 6, mai 1927, p
2509
ve-Fribourg, n° 6, mai 1927, p. 180-185. Une note
de
bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées émises da
2510
ction rappelle que les idées émises dans la Revue
de
Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’elles n’engagent pas
2511
aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude
de
boire et de fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris d
2512
ques : le goût du suicide, l’habitude de boire et
de
fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité
2513
excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris
de
la réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibili
2514
e, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive
de
l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous
2515
éalité, l’exaltation maladive de l’imagination et
de
la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous toutes ses formes :
2516
ens, et l’ignorance systématique, le mépris enfin
de
tous les principes qui sont à la base de la société même. » Ceci es
2517
is enfin de tous les principes qui sont à la base
de
la société même. » Ceci est tiré d’un livre récent sur Aloysius Ber
2518
t à la base de la société même. » Ceci est tiré
d’
un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques
2519
loysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques
de
1830 que ces reproches s’adressent, ou bien plutôt — vous alliez le d
2520
M. Y. Z., qui, dans un petit article du Journal
de
Genève sur « La maladie du siècle », écrit : « Plante des pommes de
2521
ne homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne
de
200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plantation, le siè
2522
e 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres
de
plantation, le siècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de
2523
ècle ne sera plus malade, les temps seront guéris
de
leur crise, les valeurs auront retrouvé leur stabilité, et comme M. A
2524
bilité, et comme M. Albert Muret dont le Journal
de
Genève parlait naguère, tu mangeras avec appétit une poule au riz ar
2525
tu mangeras avec appétit une poule au riz arrosée
d’
un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou
2526
it une poule au riz arrosée d’un savoureux “demi”
de
Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou deux petits phénomènes
2527
tout de même un ou deux petits phénomènes sociaux
de
notre temps que cette méthode ne suffirait pas à supprimer. Or, ils n
2528
lement chez des jeunes « et qui pensent » ce goût
de
l’évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ». — Citez-
2529
ui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique
de
tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en de ces phénomènes ! — Mo
2530
e de tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en
de
ces phénomènes ! — Mon Dieu, que dire… Il y aurait, par exemple, ce f
2531
re… Il y aurait, par exemple, ce fait du triomphe
de
la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la gue
2532
mple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait
de
la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce
2533
; ce fait de la révolution russe… cet autre fait
de
la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison
2534
it de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout
de
la sacro-sainte Raison utilitaire au service des sacro-saints Princip
2535
s n’est-ce pas, merci du conseil, Monsieur Y. Z.,
de
ce conseil que vous avouez modestement n’être pas inédit. Mais point
2536
tement n’être pas inédit. Mais point n’est besoin
de
rappeler Candide : nous pensons que bien avant Voltaire il y avait de
2537
rtificiel. n. « Conseils à la jeunesse », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 6, mai 1927, p
2538
sympathique Paterne. Sous le fallacieux prétexte
d’
une flânerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Pe
2539
terne. Sous le fallacieux prétexte d’une flânerie
de
saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Peut-être va-t-el
2540
voici Pierre Girard : lui seul connaît l’adresse
de
Patsy, mais il ne veut pas vous la donner. Alors pour vous venger, vo
2541
aphiques vous fatigue ; que c’est une vraie manie
de
nommer à tout propos d’Annunzio, Pola Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfo
2542
que c’est une vraie manie de nommer à tout propos
d’
Annunzio, Pola Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfour. Vous parlez de « pro
2543
la Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfour. Vous parlez
de
« procédés lassants ». Pierre Girard n’écoute plus : il pense à des V
2544
e globe dans son voyage « est arrivé à un endroit
de
l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard e
2545
nnaissez que Pierre Girard est un peu responsable
de
cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa drôlerie, son aisan
2546
re Girard est un peu responsable de cette douceur
de
vivre. Déjà vous ne niez plus sa drôlerie, son aisance. Vous accordez
2547
ance. Vous accordez que s’il force un peu la dose
de
fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par recherche. Vous
2548
peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès
de
facilité que par recherche. Vous voilà même tenté de l’en féliciter.
2549
facilité que par recherche. Vous voilà même tenté
de
l’en féliciter. Bien plus, vous découvrez dans ses fantoches une mali
2550
proche M. Piquedon de Buibuis, qui parle toujours
de
Weber… Mais au fait, si vous n’aviez pas lu ce livre ? Ah ! sans hési
2551
vre ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais un devoir
de
ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunément concito
2552
… Car hélas, l’on n’est pas impunément concitoyen
de
cet oncle Abraham qui interdit à Paterne son neveu de fumer le matin,
2553
et oncle Abraham qui interdit à Paterne son neveu
de
fumer le matin, de sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible
2554
i interdit à Paterne son neveu de fumer le matin,
de
sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible de ne pas entrer d
2555
ortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible
de
ne pas entrer dans les cafés. Et puis, c’est égal, ce soir, tout cela
2556
es désertes glisse un grand souffle oblique plein
de
fraîcheur et de pardon. » am. « Pierre Girard : Connaissez mieux le
2557
se un grand souffle oblique plein de fraîcheur et
de
pardon. » am. « Pierre Girard : Connaissez mieux le cœur des femmes
2558
Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juillet 1927, p. 114-115.
2559
La part du feu. Lettres sur le mépris
de
la littérature (juillet 1927)o I Parler littérature Si je pro
2560
I Parler littérature Si je prononce le nom
de
tel de vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge
2561
arler littérature Si je prononce le nom de tel
de
vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge ; et s
2562
lu… », vous voilà rouge ; et sur moi les foudres
de
votre paradis poétique. Si je cite tel auteur dont nous fîmes notre n
2563
uteur dont nous fîmes notre nourriture une saison
de
naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous
2564
nourriture une saison de naguère, voilà le rictus
de
votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est tr
2565
uère, voilà le rictus de votre bouche, une injure
de
pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce r
2566
de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites
de
ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce roman : c’est trop agré
2567
dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites
de
ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’un goût qu’on aurait pou
2568
tes de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites
d’
un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alo
2569
d’un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est
de
la littérature. Alors, quelque paysan du Danube survenant : — Je vous
2570
in que leurs sincérités gardent au moins l’excuse
d’
une audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous
2571
voici un bar où je vous suis. Vous y entrez plein
de
mépris pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme de ces lieux. V
2572
is pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme
de
ces lieux. Vous composez un cocktail en guise de métaphore, avec une
2573
d Écart… », dit quelqu’un. À ce coup, l’évocation
de
Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de Cambronne : hommage à L
2574
ion de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot
de
Cambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Va
2575
mmage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation
de
Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrase
2576
une citation de Valéry, cette œillade se souvient
d’
un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l
2577
on de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers
d’
Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse n
2578
14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut
de
l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aimiez à la folie votr
2579
ie votre douleur. Narcisse se contemple au miroir
de
son monocle. Au petit matin, il se noie dans un verre à liqueur. Pois
2580
rop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir
d’
être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pude
2581
qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute enfin
de
l’impossibilité des miracles ! Quelles voluptés plus subtiles et plus
2582
les et plus aiguës ? On vaincra jusqu’à sa gueule
de
bois pour en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre
2583
en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons
de
votre indignation, quand il m’échappe une citation. Seraient-ce les g
2584
», « hallucinant » ou « purement gratuit ». C’est
de
la littérature. À force d’avoir mérité ces épithètes, pour nous laud
2585
ment gratuit ». C’est de la littérature. À force
d’
avoir mérité ces épithètes, pour nous laudatives, vous vous étonnez au
2586
ur nous laudatives, vous vous étonnez aujourd’hui
de
la simplicité. Littérateur, va ! qui ne pouvez pas même admettre que
2587
implicité est simple simplement. La bouche brûlée
d’
alcools, vous découvrez à l’eau un goût étrange. L’eau est incolore, i
2588
votre mépris pour le pittoresque, vous témoignez
d’
un goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas fair
2589
pas faire que nous n’ayons rien lu. Vous refusez
de
compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangere
2590
en lu. Vous refusez de compter avec cette réalité
de
la littérature qui est en nous (dangereuse tant que vous voudrez). Ma
2591
s ce refus n’est pas seulement comme vous pensez,
d’
une ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois
2592
pensez, d’une ingratitude salutaire, c’est refus
de
limiter le mal. Je vous vois envahi par des démons que vous prétendez
2593
ahi par des démons que vous prétendez m’interdire
de
nommer. Mais moi je partage avec certains Orientaux cette croyance :
2594
ez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté
de
ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes. Vous n’allez pas me sur
2595
du feu. Je dis ces noms, ces opinions, ces titres
de
livres : tout cela jaillit, s’entrechoque, s’annule. Poussière. Ma vi
2596
lleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps
de
sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vr
2597
addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir
de
ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce
2598
vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et
de
ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt
2599
s de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres
de
vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur
2600
le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance
de
la littérature On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il n
2601
arle littérature. Mais il y a des mépris qui sont
de
sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’Église et les curés
2602
a des mépris qui sont de sournoises déclarations
d’
amour. Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait une t
2603
es curés, c’est qu’il se fait une très haute idée
de
la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépris pour ses réalisa
2604
e fait une très haute idée de la religion. Ainsi,
de
la littérature : votre mépris pour ses réalisations actuelles donne l
2605
s pour ses réalisations actuelles donne la mesure
de
ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois
2606
actuelles donne la mesure de ce que vous attendez
d’
elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette atte
2607
de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond
de
ma pensée, je crois ce mépris et cette attente également exagérés. Vo
2608
e. Que la littérature nous est un moyen seulement
d’
atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des éta
2609
rature nous est un moyen seulement d’atteindre et
de
préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des états intérieurs q
2610
oses dures, amères comme un destin, comme le goût
d’
une pierre rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des soupless
2611
que tout se fond catastrophiquement dans l’infini
de
la seconde. Des peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces
2612
ue nulle poésie même ne peut dire, parce que rien
de
ce qui nous importe véritablement n’est dicible. (Depuis le temps qu’
2613
la poésie, l’état poétique, est notre seul moyen
de
connaissance concrète du monde. Mais c’est à condition qu’on ne l’écr
2614
ble : cela consisterait dans l’expression directe
de
la réalité individuelle. Elle serait tellement incommunicable qu’il d
2615
ellement incommunicable qu’il deviendrait inutile
de
la publier. Et même, en passant à la limite, on peut imaginer que si
2616
s obscurs des allusions furtives à certains états
de
la réalité. Mais plus les mots se plient à des exigences sémantiques
2617
e, — mariant l’utile à l’agréable selon les rites
d’
une esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signif
2618
à l’agréable selon les rites d’une esthétique ou
d’
une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui n
2619
que ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir
de
signifier les choses qui nous importent. Vous le savez. Alors vous le
2620
avez. Alors vous les lâchez en liberté, par haine
de
cette esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même
2621
chez en liberté, par haine de cette esthétique ou
de
ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même la problématique utili
2622
oilà qu’ils perdent même la problématique utilité
de
liaison qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on
2623
qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien
de
ce qu’on peut exprimer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de
2624
. Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a
d’
importance véritable. Alors, cessons de nous battre contre des moulins
2625
primer n’a d’importance véritable. Alors, cessons
de
nous battre contre des moulins à vent. La littérature, considérée du
2626
vent. La littérature, considérée du point de vue
de
la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal
2627
ure, considérée du point de vue de la psychologie
de
l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfa
2628
u anormal, que l’on satisfait dans certains états
de
crise afin de retrouver son équilibre — et dont on tire parfois quelq
2629
t on tire parfois quelque plaisir, plus rarement,
de
quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète.
2630
t, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu
d’
une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un
2631
eu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réaction
de
défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la
2632
qui est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas
de
la connaissance abstraite et rationnelle dont le monde moderne se con
2633
ude que vous la guérirez. Au contraire, il s’agit
de
l’envisager sans fièvre, pour en circonscrire les effets. J’avoue pre
2634
êt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet
de
conversation, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’un ridicule
2635
sation, au café. Dans un salon, par contre, c’est
d’
un ridicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’y échapper.
2636
dicule écrasant : mais rien n’est plus facile que
d’
y échapper. III Sur l’utilité de la littérature Montherlant me p
2637
lus facile que d’y échapper. III Sur l’utilité
de
la littérature Montherlant me paraît être le moins « littératuré »
2638
araît être le moins « littératuré » des écrivains
d’
aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre
2639
. Quand il parle littérature, il a toujours l’air
de
mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre
2640
rs l’air de mettre un peu les pieds dans le plat,
de
dire de ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer s
2641
de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire
de
ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer sous sile
2642
ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu
de
passer sous silence. C’est assez drôle de voir le malaise des chers c
2643
convenu de passer sous silence. C’est assez drôle
de
voir le malaise des chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréa
2644
miliarités avec une Muse qu’ils n’ont pas coutume
d’
aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séduct
2645
se qu’ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot
de
passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’
2646
n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe
de
la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs,
2647
order sans le mot de passe de la dernière mode ou
de
savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient
2648
t bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient. Bande
de
gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas
2649
illeurs, qu’elle les entretient. Bande de gigolos
de
la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore aval
2650
de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre
de
ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’affirme que je n’y échapperai p
2651
ble ; mais, pour sûr, jamais vivre pour écrire16.
De
tous les prétextes que l’on a pu avancer pour légitimer l’activité li
2652
plus satisfaisant, celui qui rend le mieux compte
de
la réalité, c’est André Breton qui l’a exprimé : « On publie pour che
2653
es pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre une quête
de
l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, les haines
2654
les mépris, les haines douloureuses ou grossières
de
tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent y voir que révoltes contre leu
2655
s instables certitudes, et qui nous font un péché
de
notre acceptation des réalités spirituelles parce qu’elles troublent
2656
e reconnaître. Quand bien même elle n’aurait plus
d’
autre excuse que celle-là, la littérature mériterait d’exister : qu’el
2657
re excuse que celle-là, la littérature mériterait
d’
exister : qu’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de no
2658
erait d’exister : qu’elle soit le langage chiffré
de
notre inquiétude et de nos naissantes certitudes, le seul langage peu
2659
le soit le langage chiffré de notre inquiétude et
de
nos naissantes certitudes, le seul langage peut-être qui nous permett
2660
udes, le seul langage peut-être qui nous permette
d’
échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps,
2661
eut-être qui nous permette d’échanger les signaux
de
l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps, nos amitiés miraculeuse
2662
Voici donc les seules révélations que j’attende
de
la littérature : que celle des autres m’aide à prendre conscience de
2663
que celle des autres m’aide à prendre conscience
de
moi-même ; que la mienne m’aide à découvrir quelques êtres par le mon
2664
ir quelques êtres par le monde… Il ne s’agit plus
de
mépris ni d’adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à
2665
tres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni
d’
adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à tirer quelqu
2666
ue les bienfaits que j’en escompte, il sera temps
de
songer sérieusement à m’en guérir. Vous me demanderez « alors » ce qu
2667
ir. Vous me demanderez « alors » ce que j’attends
de
ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philip
2668
ors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté
de
vous répondre, comme ce sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’
2669
) Mais non, cher ami, voici qu’une envie me prend
de
vous conter un peu cette histoire. Seulement, allons ailleurs ; il y
2670
istoire. Seulement, allons ailleurs ; il y a trop
de
monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et de Fermé la nuit, t
2671
y a trop de monde ici. 14. Paul Morand, auteur
d’
Ouvert et de Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écar
2672
monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et
de
Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écart, roman de
2673
itres également scandaleux. Le Grand Écart, roman
de
M. Cocteau, a donné son nom à un établissement de nuit très en vogue
2674
de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement
de
nuit très en vogue à Paris. Cambronne (général), 1770-1842. Louis Ara
2675
), 1770-1842. Louis Aragon et Paul Éluard, hommes
de
lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry, de l’Académie française.
2676
s de lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry,
de
l’Académie française. Narcisse, personnage mythologique. — Là ! [NdE]
2677
! [NdE] Le texte publié place également un appel
de
note plus bas dans le paragraphe, après « Narcisse », sans qu’on sach
2678
après « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’agit
d’
une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissance
2679
e », sans qu’on sache s’il s’agit d’une erreur ou
d’
une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16.
2680
n sache s’il s’agit d’une erreur ou d’une volonté
de
l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’en vois cer
2681
lonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances
d’
action. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie de telle sorte
2682
n. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie
de
telle sorte que leurs mémoires seront des romans « bien modernes ». L
2683
bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches
de
Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à les écrire »
2684
re ». o. « La part du feu. Lettres sur le mépris
de
la littérature », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-
2685
Lettres sur le mépris de la littérature », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 8, juillet 192
2686
Rochelle et Emmanuel Berl, sont — avec la Revue
de
Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’on dise la
2687
vec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue
de
langue française où l’on dise la vérité librement et pour elle-même.
2688
rité librement et pour elle-même. Nous regrettons
de
n’en pouvoir citer, faute de place, que ces quelques phrases de Drieu
2689
r citer, faute de place, que ces quelques phrases
de
Drieu : « On voit déjà éclater dans les singuliers mouvements de sym
2690
voit déjà éclater dans les singuliers mouvements
de
sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’Action française la fratern
2691
ouvements de sympathie qu’a provoqués l’infortune
de
l’Action française la fraternité qui existe, en dépit des protestatio
2692
fraternité qui existe, en dépit des protestations
de
haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capita
2693
épit des protestations de haine, entre les athées
de
l’antidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscien
2694
les athées du Capitalisme quand il est conscient
de
soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme. Tous ceux-là
2695
mmunisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement
d’
un certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de t
2696
moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée
de
tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révol
2697
lleuse mécanique sévère et dénuée de tout secours
de
l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le
2698
Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, dieux
de
l’Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’a
2699
ez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et
de
l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas d’au
2700
Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas
d’
autre sens. 17. 20, rue Chalgrin, Paris 16e. p. « Les derniers jour
2701
rin, Paris 16e. p. « Les derniers jours », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 8, juillet 192
2702
juillet 1927)q Nous passons la main au central
de
Genève, fidèles à la tradition — en ceci au moins. Nous nous retirons
2703
gnation provoquée sur tous les bancs par certains
de
nos articles nous épouvante. Notre retraite est toute « statutaire »
2704
taire » — si l’on ose dire. Elle nous permet donc
de
considérer la situation sans fièvre, sans lamentations d’adieu. On
2705
dérer la situation sans fièvre, sans lamentations
d’
adieu. On nous a parfois traités de fous (avec ou sans sourire). Nou
2706
lamentations d’adieu. On nous a parfois traités
de
fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir.
2707
fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge
de
nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « si différent
2708
’âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné
de
nous voir « si différents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur
2709
st beaucoup étonné de nous voir « si différents »
de
nos aînés. Nous avons l’énorme candeur de trouver ça naturel. On nous
2710
rents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur
de
trouver ça naturel. On nous a fait des reproches contradictoires. Nou
2711
x mots sur la paradoxale situation intellectuelle
d’
une revue d’étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accord
2712
a paradoxale situation intellectuelle d’une revue
d’
étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accorde pour trouv
2713
lectuelle d’une revue d’étudiants comme la nôtre.
D’
un côté, en effet, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un je
2714
i recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas
de
votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui p
2715
nt la Sagesse (« Ça n’est pas de votre âge ! ») ;
de
l’autre, on se scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un
2716
s vous souciez vraiment trop peu des conséquences
de
ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble que certains n’att
2717
En définitive, il semble que certains n’attendent
de
nous que d’innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vé
2718
e, il semble que certains n’attendent de nous que
d’
innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’on n’
2719
tendent de nous que d’innocentes farces — ou bien
de
ces affirmations dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévo
2720
tions dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper
de
prévoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connu
2721
ces, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connue
d’
avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habitude. Nous n’avons
2722
s mœurs et l’habitude. Nous n’avons aucun remords
d’
avoir déçu cette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir
2723
’avons aucun remords d’avoir déçu cette catégorie
de
lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir troublé quelques bonnes petit
2724
ette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus
d’
avoir troublé quelques bonnes petites somnolences par des cris intempe
2725
ir et pour en accepter les conséquences. Et puis,
de
temps à autre, voici que nous parvient un signe d’amitié qui ne tromp
2726
e temps à autre, voici que nous parvient un signe
d’
amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compris. Que po
2727
mots, on s’est compris. Que pouvions-nous espérer
d’
autre ? Il y eut quelques découvertes qui nous consolèrent de tout le
2728
l y eut quelques découvertes qui nous consolèrent
de
tout le reste. Et maintenant voici Genève et son mystère. Car chaqu
2729
écombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune
de
ses derniers rédacteurs, notre Revue-phénix s’élance avec une ardeur
2730
re Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie
d’
un an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera l
2731
ument imprévisible. Que nous apportera le Central
de
Genève ? Tout est possible : la guerre et la paix, la tradition, l’an
2732
s plus blasés. Lecteur, fais confiance au Central
de
Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas aj
2733
fais confiance au Central de Genève. Souviens-toi
de
la grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde cha
2734
au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur
de
ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de
2735
ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids
de
nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et nous y tenons, ah ! comme nous y
2736
nous y tenons ! q. « Adieu au lecteur », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 8, juillet 192
2737
(août 1927)an Ces trois nouvelles n’ont guère
de
commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, de
2738
uère de commun entre elles que la forme : ce sont
de
lentes réminiscences, des évocations intérieures, — et dans l’abandon
2739
, des évocations intérieures, — et dans l’abandon
de
leurs méandres, peu à peu, se précisent les circonstances d’une avent
2740
andres, peu à peu, se précisent les circonstances
d’
une aventure ancienne. Entre hier et demain : Une femme « encore jeun
2741
t demain : Une femme « encore jeune » se souvient
d’
un danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme
2742
e femme « encore jeune » se souvient d’un danseur
de
ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté
2743
e jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans,
d’
une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de so
2744
i aurait pu être… Un homme médite à côté du corps
de
son ami suicidé pour une femme qu’ils ont aimé tous deux (L’Amie du M
2745
ous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit
d’
un été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent
2746
(L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’un été
de
vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent troubler
2747
premières inquiétudes du désir viennent troubler
de
ravissantes amours d’adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvel
2748
du désir viennent troubler de ravissantes amours
d’
adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvelle, très supérieure au
2749
eux autres, est une réussite rare par la justesse
de
l’observation autant que par la sympathie de l’auteur pour ses héros.
2750
esse de l’observation autant que par la sympathie
de
l’auteur pour ses héros. Indulgence et regrets, un ton qui permet le
2751
i permet le tact dans la hardiesse. On reste ravi
de
tant d’adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonch
2752
le tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant
d’
adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance.
2753
esse. On reste ravi de tant d’adresse sous un air
de
facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite
2754
dresse sous un air de facilité qui serait presque
de
la nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite ces adolescences avec une tend
2755
lescences avec une tendre minutie, avec une sorte
d’
amoureuse application du souvenir, d’une séduction certaine. C’est un
2756
ec une sorte d’amoureuse application du souvenir,
d’
une séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d
2757
souvenir, d’une séduction certaine. C’est un art
de
détails ; mais si délicat et d’une si subtile convenance avec son obj
2758
ine. C’est un art de détails ; mais si délicat et
d’
une si subtile convenance avec son objet qu’il en saisit sans mièvreri
2759
; l’évocation toute nervalienne en sa nostalgie,
de
la jeune étrangère dont on rêve à 15 ans ; et voici ce je ne sais quo
2760
réalité ressuscitée… » Sachons gré à M. Vaudoyer
d’
avoir su donner à ces œuvrettes une si exquise humanité : par lui le «
2761
Plon, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, août 1927, p. 244-245.
2762
anique, il faudra opposer l’excellent petit livre
d’
Edmond Jaloux. C’est un recueil de divers articles et essais, dont cer
2763
ent petit livre d’Edmond Jaloux. C’est un recueil
de
divers articles et essais, dont certains — le Message de Rilke — sont
2764
rs articles et essais, dont certains — le Message
de
Rilke — sont du meilleur Jaloux, de ce Jaloux qui sait parler mieux q
2765
— le Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux,
de
ce Jaloux qui sait parler mieux que personne des poètes scandinaves e
2766
loux, qui a rencontré plusieurs fois Rilke, trace
de
lui un portrait qu’on dirait, en peinture, très « interprété ». Non p
2767
. Non pas une photographie morale, mais une sorte
de
synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être p
2768
e photographie morale, mais une sorte de synthèse
de
l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie qu
2769
morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et
de
l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie que le vrai, je
2770
enne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme une
de
ces âmes mystiques et raffinées telles qu’on en découvre chez certain
2771
e cet univers dont je rêvais n’était pas un objet
de
songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, n
2772
dont je rêvais n’était pas un objet de songe mais
d’
expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, ne peut être se
2773
religion qu’aux convertis — qui n’ont plus besoin
de
preuves. Il reste qu’un livre comme celui-ci tend un merveilleux pièg
2774
in que la sempiternelle « stratégie littéraire »,
de
gazetiers ; au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actual
2775
« stratégie littéraire », de gazetiers ; au cœur
de
ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actualité : la solitude, la m
2776
au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas
d’
actualité : la solitude, la maladie, la peur. ao. « Edmond Jaloux :
2777
Paul, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1927, p. 787-788.
2778
tion littéraire. Bien sûr, c’est cela, le malaise
d’
écrire. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pas embarrass
2779
ise d’écrire. Bopp est très intelligent. Et plein
de
verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher un beau pavé mathém
2780
ue au milieu d’une effusion « lyrique », histoire
de
n’avoir pas l’air dupe. Mais il a des façons parfois bien désobligean
2781
Mais il a des façons parfois bien désobligeantes
de
voir juste. Et quand son bonhomme se plaint de ce que son œuvre lui a
2782
es de voir juste. Et quand son bonhomme se plaint
de
ce que son œuvre lui apparaît en même temps que « fatale », « si arbi
2783
u phénomène littéraire. La « Promenade » du héros
de
Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes
2784
. La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte
de
pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de ses rema
2785
Cela rend peut-être moins convaincantes certaines
de
ses remarques sur l’inspiration. D’autre part la simplicité de l’obje
2786
ues sur l’inspiration. D’autre part la simplicité
de
l’objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’analyse, — en
2787
plicité de l’objet était nécessaire à la sécurité
de
cette sorte d’analyse, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu
2788
jet était nécessaire à la sécurité de cette sorte
d’
analyse, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était de ta
2789
re que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était
de
taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de cho
2790
onter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus
de
choses qu’il n’y paraît d’abord dans ces 50 pages. Beaucoup sont exce
2791
même est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat
d’
un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolen
2792
p, c’est le combat d’un tempérament avec l’esprit
de
géométrie. Un scientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de s
2793
cientisme assez insolent et les joyeuses révoltes
de
sa verve « interfèrent » en lui. Et aussi (presque imperceptible, mai
2794
ète complaisance à se regarder vivre qui est bien
d’
aujourd’hui — entre autres. ap. « Léon Bopp : Interférences (La Rena
2795
ivre, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1927, p. 791.
2796
clef des champs (1927)k « On sent l’absurdité
d’
un semblable système. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur l
2797
rose et un journal oubliés sur le marbre vulgaire
d’
une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consomma
2798
ournal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table
de
café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommation. Comme
2799
re d’une table de café. Je venais de m’asseoir et
de
commander une consommation. Comme d’habitude, un peu après six heures
2800
m’asseoir et de commander une consommation. Comme
d’
habitude, un peu après six heures. J’étais seul. Le café est un lieu a
2801
du bureau, les gages insupportablement familiers
d’
une vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apé
2802
ges insupportablement familiers d’une vie honnête
de
type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apéro, on entre ici d
2803
ête de type courant. Pour dix sous et le prétexte
d’
un apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les plus étranges
2804
étranges qu’appelle la musique. Je me gardai donc
d’
ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont un pouvoir tyrannique sur
2805
cela m’intéresse au fond : les faits-divers, rien
de
moins divers. Mais je suis pris dans l’absurde réseau des lignes, et
2806
tte mécanique me restitue chaque fois un peu plus
de
lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette r
2807
chaque fois un peu plus de lassitude, un peu plus
d’
ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : pe
2808
de lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc
de
rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : perdre une rose pour le pl
2809
. Il déplia le journal et se mit à lire les pages
d’
annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes
2810
es. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini
de
boire, mes pensées plus rapides s’en allèrent un peu vers l’avenir et
2811
oulait dans la banlieue printanière ; des soupers
d’
amis dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de couleur pour
2812
dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes
de
couleur pour ma femme… Mais l’homme avait posé son journal. Soudain,
2813
. Il en parcourait rapidement les pages, la proie
d’
une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fi
2814
roie d’une agitation visible. Bientôt il m’offrit
de
jouer un moment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommations. Je gagna
2815
r vaguement. Les couleurs du bar me remplissaient
d’
une joie inconnue. Et je me refusais sans cesse aux questions qu’en mo
2816
uel. C’était un jeu très simple où l’esprit libre
de
calculs se tend ardemment vers la conclusion d’un hasard qui opère au
2817
e de calculs se tend ardemment vers la conclusion
d’
un hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confia
2818
conclusion d’un hasard qui opère au commandement
de
la main. Ce soir-là, une confiance me possédait, telle que je savais
2819
mouvants où je me voyais figurer comme une sorte
de
« personnage aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues de sa
2820
aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues
de
sa vie, brillantes ou misérables, passionnées. Mais bientôt : — « Des
2821
-il, tu pourrais me remercier. Vois quels chemins
de
perdition j’ouvre sans cesse à ta course aveugle ; tu n’aurais pas tr
2822
tout seul, avec tes airs pessimistes. De nouveau,
d’
un coup de dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le v
2823
avec tes airs pessimistes. De nouveau, d’un coup
de
dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le voilà riche
2824
tu te réjouissais, parce que tu n’as pas beaucoup
d’
imagination, et que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à
2825
pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers
de
situations complètement démodées et d’intrigues usées jusqu’à la cord
2826
à travers de situations complètement démodées et
d’
intrigues usées jusqu’à la corde, jusqu’à la corde pour les pendre, ha
2827
pensais que j’allais me cramponner à cette espèce
de
bonheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aus
2828
leur vie à la gagner9, et leur façon inexplicable
de
lier des valeurs morales aux cours de bourse. « Heureux quoique pauvr
2829
nexplicable de lier des valeurs morales aux cours
de
bourse. « Heureux quoique pauvre » comme ils disent dans leurs manuel
2830
s voler, pour leur apprendre. Et leur manie aussi
de
situer le paradis dans la classe d’impôts immédiatement supérieure à
2831
r manie aussi de situer le paradis dans la classe
d’
impôts immédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient que leur vie
2832
voudraient que leur vie garantît un 5 % régulier
de
plaisirs, avec assurance contre faillites morales et douleurs d’amour
2833
ec assurance contre faillites morales et douleurs
d’
amour — ô vertige sans prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caiss
2834
prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caisses
d’
épargne, monuments d’une bassesse morale inconcevable, temples de leur
2835
Ils ont inventé les caisses d’épargne, monuments
d’
une bassesse morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leur
2836
ments d’une bassesse morale inconcevable, temples
de
leurs paresses et de leurs lâchetés, glorification de leur impuissanc
2837
morale inconcevable, temples de leurs paresses et
de
leurs lâchetés, glorification de leur impuissance à concevoir un autr
2838
eurs paresses et de leurs lâchetés, glorification
de
leur impuissance à concevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont re
2839
cevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont reçu
de
papa-maman et l’Habitude, leur marraine aux dents jaunes. Ah ! perdre
2840
’est toujours à qui perd gagne ! Sauter follement
d’
une destinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec la même joie,
2841
e ! Sauter follement d’une destinée dans l’autre,
de
douleurs en ivresses avec la même joie, mon cheval fou, mon beau Dési
2842
i est en train de me soutirer les quelque billets
de
mille dont je venais de régler le sort, puisque demain dès l’aube, j’
2843
aube, j’irai tenter la misère aux yeux las pleins
de
rêves, la misère qui fait des soirs si doux aux amants quand ils n’on
2844
ants quand ils n’ont plus que des baisers au goût
d’
adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et
2845
r des visions. Les lustres doraient un brouillard
de
fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’une femme était as
2846
cette rose qui s’effeuilla sur les dés, et partit
d’
un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regard
2847
mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé
de
joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musi
2848
garder bizarrement et j’étais possédé de joies et
de
peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musique et la ru
2849
loguaient follement au-dessus des rues parcourues
de
longs cris en voyage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et de
2850
yage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et
de
cette nuit peut-être, je ne saurai jamais rien… (sinon qu’au lendemai
2851
es paroles — ou peut-être n’étaient-ce que celles
de
mes folies ? Je me répète : paradoxes, mais cela ne suffit plus à m’e
2852
ue je devrais tenter quelque chose. Je suis plein
de
rêves, certains soirs. Il faut pourtant rentrer chez moi, et ma femme
2853
le lait va monter. Alors, dans ma chambre, avant
d’
aller souper, je m’abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et j
2854
sur ma lâcheté. Et je t’apostrophe, soudain plein
de
mépris et de désespoir, ô vie sans faute, vie sans joie… Ah ! plus am
2855
é. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et
de
désespoir, ô vie sans faute, vie sans joie… Ah ! plus amère, plus amè
2856
te haïr… 9. Calembour sur une idée juste. (Note
de
l’éd.) k. « Dés ou la clef des champs », Neuchâtel 1928 : beaux-arts
2857
Note de l’éd.) k. « Dés ou la clef des champs »,
Neuchâtel
1928 : beaux-arts, arts appliqués, architecture, littérature, Neuchât
2858
-arts, arts appliqués, architecture, littérature,
Neuchâtel
, 1927, p. 97-104.
2859
C’est un livre sympathique ; et il vaut la peine
de
le dire car la chose n’est pas si fréquente dans la production actuel
2860
tion actuelle. On retrouve aux premiers chapitres
de
Catherine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance
2861
ine-Paris cette magie des sensations et des rêves
de
l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui
2862
l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour
de
pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuv
2863
ient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuvre
de
poésie proprement romanesque, naissant des situations mêmes et non de
2864
romanesque, naissant des situations mêmes et non
de
dissertations lyriques à leur propos. Mais dans ce roman, il n’y a pl
2865
lus seulement la femme, avec le miracle perpétuel
de
sa sensibilité. Il y a encore la princesse, le témoin intelligent et
2866
e témoin intelligent et un peu ironique des cours
d’
Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résu
2867
et un peu ironique des cours d’Europe à la veille
de
la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le dé
2868
ique des cours d’Europe à la veille de la guerre.
De
cette espèce de collaboration résultent à la fois le défaut de compos
2869
’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce
de
collaboration résultent à la fois le défaut de composition du livre e
2870
ce de collaboration résultent à la fois le défaut
de
composition du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris e
2871
de composition du livre et sa richesse. L’enfance
de
Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe
2872
e à Paris est du roman pur ; la tournée des cours
de
l’Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un comte polona
2873
Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse
d’
un comte polonais, grand seigneur médiatisé, vaguement prétendant au t
2874
seigneur médiatisé, vaguement prétendant au trône
de
Pologne, est plutôt d’un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beauco
2875
uement prétendant au trône de Pologne, est plutôt
d’
un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit,
2876
iste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté
d’
esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui éton
2877
tre beaucoup de liberté d’esprit, une pénétration
de
jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la part d’une femm
2878
e roman repart dans une troisième action (l’amour
de
Catherine pour un aviateur français) assez peu intéressante à vrai di
2879
à vrai dire, parce qu’elle n’est pas à l’échelle
de
ce qui la précède. Ces défaillances de la technique du roman sont sau
2880
l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances
de
la technique du roman sont sauvées par un style brillant, plein de tr
2881
u roman sont sauvées par un style brillant, plein
de
trouvailles spirituelles, malicieuses ou poétiques ; et ce n’est pas
2882
« pointes » faciles mais cela même ne manque pas
de
naturel… On peut regretter que ce livre ne réalise pas une synthèse p
2883
u roman et des mémoires. Mais si son début permet
de
croire que le Perroquet Vert ne restera pas une réussite isolée dans
2884
réussite isolée dans l’œuvre purement romanesque
de
la princesse Bibesco, Catherine-Paris annonce par ailleurs un mémoria
2885
eurs un mémorialiste captivant, dans la tradition
d’
un Ligne par exemple. aq. « Princesse Bibesco : Catherine-Paris (Gra
2886
sset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, janvier 1928, p. 121-122.
2887
bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu
de
période où les directions d’une civilisation apparaissent plus nettem
2888
stoire n’a pas connu de période où les directions
d’
une civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabo
2889
e, ou, pour mieux dire, une organisation générale
de
la vie mondiale. Toutes les forces du temps y concourent obscurément
2890
ste à jouer l’autruche aux yeux clos, l’avènement
de
cette organisation toute-puissante n’est plus qu’une question de quel
2891
sation toute-puissante n’est plus qu’une question
de
quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici et là, quelq
2892
Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert
d’
une époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher
2893
e déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure
de
toucher aux buts que sa civilisation poursuit depuis près de deux siè
2894
puis près de deux siècles, l’Occidental est saisi
d’
un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être
2895
aurait-il fait fausse route ? Est-il temps encore
de
le détourner du désastre spirituel vers lequel il entraîne l’Occident
2896
prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien
d’
autre ici. Il y a une lâcheté, croyons-nous, dans cette complaisance
2897
érale à proclamer le désordre du temps. On a peur
de
certaines évidences, on préfère affirmer que tout est incompréhensibl
2898
ensible. L’homme moderne recule devant l’évidence
de
la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu
2899
ule devant l’évidence de la banqueroute prochaine
de
sa civilisation. Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu s
2900
r, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant
de
regarder autour de nous et d’en croire nos yeux. I. L’homme qui a r
2901
Il suffit pourtant de regarder autour de nous et
d’
en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry Ford
2902
onne ne s’est approché plus que lui du type idéal
de
l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa
2903
l’industriel et du capitaliste. Le succès immense
de
ses livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a sen
2904
tion la plus parfaite. Qu’on ne m’accuse donc pas
de
caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : je p
2905
Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet
de
ma critique pour faciliter l’accusation : je prends pour la juger ce
2906
: je prends pour la juger ce que l’époque m’offre
de
mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vi
2907
ue l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie
de
Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils d
2908
la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils
de
paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec
2909
à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement
de
ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu
2910
dit‑il. Le plus mémorable événement de ces années
de
jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au j
2911
événement de ces années de jeunesse, son « chemin
de
Damas » (comme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’« humou
2912
omme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose
d’
« humour » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’une locomot
2913
r » il met dans l’expression), c’est la rencontre
d’
une locomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’ap
2914
ocomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant
de
12 ans, j’aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma g
2915
ant où, enfant de 12 ans, j’aperçus cette machine
de
route, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a été d
2916
ur présent, ma grande et constante ambition a été
de
construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse so
2917
nstruire une bonne machine routière. » Les étapes
de
sa jeunesse sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un mo
2918
Les étapes de sa jeunesse sont : la construction
d’
un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première
2919
sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis
d’
un moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à te
2920
eur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin
d’
une première automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’il est simp
2921
« et commence à réaliser son rêve, le type unique
d’
automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiqu
2922
tomobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite
de
chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en année. On
2923
c’est une suite de chiffres indiquant le progrès
de
sa production, d’année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres c
2924
e chiffres indiquant le progrès de sa production,
d’
année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui des milliards
2925
mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire
de
son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rê
2926
qu’un résultat secondaire de son activité. Le but
de
sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a
2927
de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été
de
s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est don
2928
it autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu
d’
hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augme
2929
il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes
de
le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augmenter enco
2930
faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité
d’
augmenter encore cette production. Ford est le plus puissant industrie
2931
monde ; le plus riche, au point qu’il peut parler
d’
égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aussi. Son succès
2932
int qu’il peut parler d’égal à égal avec beaucoup
d’
États ; le plus parfait aussi. Son succès sans précédent le met à l’ab
2933
aussi. Son succès sans précédent le met à l’abri
de
toutes les attaques, du point de vue technique. L’organisation de ses
2934
taques, du point de vue technique. L’organisation
de
ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il
2935
ation de ses usines, des salaires, des conditions
de
travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter
2936
sines, des salaires, des conditions de travail et
de
repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution
2937
st un résultat qu’on n’a pas le droit humainement
de
sous-estimer. Les griefs que les socialistes font aux capitalistes eu
2938
re. Au contraire, il a résolu la question sociale
d’
une façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesq
2939
açon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires
de
gauche, lesquels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organ
2940
aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume
de
promettre à leurs électeurs une organisation complète du monde, seule
2941
nisation complète du monde, seule méthode capable
d’
empêcher les abus des capitalistes. Du même coup, en supprimant l’escl
2942
Du même coup, en supprimant l’esclavage financier
de
l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des cla
2943
l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée
de
la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuv
2944
ause avouée de la lutte des classes. Il se dégage
de
la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solid
2945
la lutte des classes. Il se dégage de la lecture
de
Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propre
2946
la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression
de
netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir q
2947
de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté,
de
solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve
2948
mon œuvre une impression de netteté, de solidité,
de
propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au
2949
à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au récit
de
succès mirobolants, et le charme un peu facile mais fort goûté du gra
2950
me un peu facile mais fort goûté du grand public,
de
l’humour américain, l’on comprendra sans peine la popularité mondiale
2951
a sans peine la popularité mondiale des « idées »
d’
Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applau
2952
leur montre le chemin qu’ils seront bien obligés
de
prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujour
2953
ment, pendant qu’il reste quelques chances encore
de
régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordis
2954
crivait récemment un économiste. Ford, perfection
de
l’industriel, offre au monde moderne le premier exemple de son achève
2955
striel, offre au monde moderne le premier exemple
de
son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civili
2956
son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif
de
la moderne civilisation occidentale. Voici donc venue l’heure de la j
2957
ivilisation occidentale. Voici donc venue l’heure
de
la juger. Le héros de l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à qu
2958
e. Voici donc venue l’heure de la juger. Le héros
de
l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à quoi ? C’est la plus gra
2959
ps. II. M. Ford a ses idées, ou la philosophie
de
ceux qui n’en veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut l
2960
Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but
de
la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que to
2961
vons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie
de
Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa car
2962
érons-la sous cet angle. Il y a d’abord la vision
de
l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’effo
2963
d’abord la vision de l’auto routière : naissance
de
sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par s
2964
ance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce
d’
en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il
2965
ition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur
de
l’humanité par la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est trè
2966
vagant du bonheur de l’humanité par la possession
d’
automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de
2967
Et, comme il est très intelligent, il a vite fait
de
démêler les conditions les plus rationnelles de la production, avec c
2968
t de démêler les conditions les plus rationnelles
de
la production, avec cette netteté et cette décision qu’une passion co
2969
ion qu’une passion contenue peut donner à l’homme
d’
action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’
2970
ner à l’homme d’action. Enfin, le voici en mesure
de
produire des quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir conti
2971
voici en mesure de produire des quantités énormes
d’
autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’inté
2972
ouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’intérêt
de
la production, il faut créer la consommation. La réclame s’en charge.
2973
a réclame s’en charge. Par le procédé très simple
de
la répétition, on fait croire aux gens qu’ils ne peuvent plus vivre h
2974
eux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La passion
de
Ford se donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui do
2975
nne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que
de
lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses liv
2976
t plus maintenant que de lui donner une apparence
d’
utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les
2977
r une apparence d’utilité publique. À chaque page
de
ses livres, on pourrait relever les sophismes plus ou moins conscient
2978
ients par lesquels il prétend ramener le bénéfice
de
la production à celui du consommateur. Prenons cette petite phrase qu
2979
mateur. Prenons cette petite phrase qui n’a l’air
de
rien : « Nul ne contestera que, si l’on abaisse suffisamment les prix
2980
client. Mais cherchons un peu les causes réelles
de
cet abaissement de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une
2981
hons un peu les causes réelles de cet abaissement
de
prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une cause accessoire. D
2982
t trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a
de
tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industrie
2983
er bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout
de
l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non
2984
. Elle peut amener, en se généralisant, une sorte
de
suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d
2985
, une sorte de suicide du genre humain, par perte
de
son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel
2986
uicide du genre humain, par perte de son instinct
de
préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme,
2987
umain, par perte de son instinct de préservation,
d’
autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du b
2988
son instinct de préservation, d’autorégulation et
d’
alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de
2989
est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui
de
la réclame a même but, mêmes effets. Mais le plus grave est peut-être
2990
grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y a
de
profondément antihumain dans la conception fordienne de l’oisiveté. F
2991
fondément antihumain dans la conception fordienne
de
l’oisiveté. Ford a créé un second dimanche dans la semaine, « retouch
2992
cond dimanche dans la semaine, « retouché l’œuvre
de
la Création », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie. Il ne peut
2993
e. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et
de
la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparence
2994
relâche les ouvriers et leur donne une apparence
de
liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi de
2995
ur mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi
de
leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produit
2996
ord qu’il faut user, etc. Il a pour but véritable
d’
augmenter la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvri
2997
la consommation. Il rend plus complet l’esclavage
de
l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la pr
2998
puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle
de
la production. Cercle vicieux : plus la production s’intensifie, plus
2999
us la production s’intensifie, plus il faut créer
de
besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progre
3000
on s’intensifie, plus il faut créer de besoins et
de
loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progressant. Mais la
3001
jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et
de
l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de
3002
point Ford est conscient des buts et de l’avenir
de
son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peu
3003
effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe
de
produire peut très bien envahir un cerveau moderne au point d’en excl
3004
eut très bien envahir un cerveau moderne au point
d’
en exclure toute considération de finalité. Mais cet aveuglement fonda
3005
moderne au point d’en exclure toute considération
de
finalité. Mais cet aveuglement fondamental n’empêche pas notre indust
3006
lement fondamental n’empêche pas notre industriel
de
philosopher sur les sujets les plus divers. Les aphorismes sont assez
3007
lus divers. Les aphorismes sont assez révélateurs
de
la mentalité capitaliste américaine. Voici, par exemple, une définiti
3008
te américaine. Voici, par exemple, une définition
de
la liberté : La liberté consiste à travailler pendant le temps conve
3009
nt le temps convenable et à gagner, par ce moyen,
de
quoi vivre convenablement tout en restant maître de régler à sa guise
3010
quoi vivre convenablement tout en restant maître
de
régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particuli
3011
en restant maître de régler à sa guise le détail
de
sa vie privée. Cette liberté particulière, et cent autres pareilles,
3012
nt, au total, la grande Liberté idéale et mettent
de
l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Liberté idéale
3013
rté idéale et mettent de l’huile dans les rouages
de
la vie quotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle d’huile dan
3014
uotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle
d’
huile dans les rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que d
3015
n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire
de
cette admirable simplification : « Sur quoi repose la société ? Sur l
3016
e prix que nous payons à la terre la satisfaction
de
nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher
3017
la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque
de
la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom
3018
me des machines. J’y vois la réalisation concrète
d’
une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les h
3019
alisation concrète d’une théorie qui tend à faire
de
ce monde un séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le s
3020
réclame. « Ce que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est
de
démontrer que les idées mises en pratique chez nous ne concernent pas
3021
s-nous… Mais, comment expliquer que des centaines
de
milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent s
3022
, comment expliquer que des centaines de milliers
de
lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent sans réserve
3023
rétienne », applaudissent sans réserve aux thèses
de
cet orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ? Un seul doute effl
3024
ialiste ? Un seul doute effleure Ford vers la fin
de
son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… M
3025
eure Ford vers la fin de son livre : Le problème
de
la production a été brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop
3026
t ne pensons pas assez aux raisons que nous avons
de
le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de cré
3027
ns que nous avons de le faire. Tout notre système
de
concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facult
3028
t notre système de concurrence, tout notre effort
de
création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniquement ver
3029
rence, tout notre effort de création, tout le jeu
de
nos facultés semblent dirigés uniquement vers la production matériell
3030
ord passe outre et se remet à discuter des points
de
technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problè
3031
problème moderne. D’ailleurs, les idées générales
de
cette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parl
3032
dans son livre. En général, il se borne à parler
de
problèmes techniques où son triomphe est facile. C’est le technicien
3033
perfectionnée mérite les sacrifices qu’elle exige
de
l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme d’homm
3034
ne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme
d’
homme à qui tout réussit, messianisme de la machine, méconnaissance gl
3035
optimisme d’homme à qui tout réussit, messianisme
de
la machine, méconnaissance glorieuse des forces spirituelles, le tout
3036
rieuse des forces spirituelles, le tout agrémenté
d’
humour et exposé avec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion d
3037
l’adhésion du gros public : telle est l’idéologie
de
celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus grands esprits d
3038
n, dans sa préface, égale aux plus grands esprits
de
tous les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosophe
3039
es temps. On me dira que Ford a mieux à faire que
de
philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées »,
3040
’on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un
de
ceux qui influent le plus sur notre civilisation, possède la philosop
3041
ffrénée, trop folle, pour être justiciable encore
de
nos vérités essentielles ? Il semble bien que notre temps ait prononc
3042
otre temps ait prononcé définitivement le divorce
de
l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La fo
3043
prononcé définitivement le divorce de l’esprit et
de
l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La formidable erreur
3044
fordisme contre l’Esprit La formidable erreur
de
la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller
3045
formidable erreur de la bourgeoisie moderne c’est
de
croire que les choses pourront aller ainsi longtemps encore. On se re
3046
ler ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée
d’
une catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir ob
3047
elle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et
de
ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous le soleil » derrière le
3048
e paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe
d’
une complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Espr
3049
prise dans notre vie, il détourne la civilisation
de
son but véritable : aller à l’Esprit, y conduire les peuples. Ainsi,
3050
Esprit, y conduire les peuples. Ainsi, détournant
de
l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre
3051
it. Rien n’est gratuit. Nous payons notre passion
de
posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la conn
3052
yons notre passion de posséder la matière du prix
de
la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déj
3053
de la seule possession véritable, la connaissance
de
l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer
3054
, la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait
d’
expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous sa
3055
’homme d’affaires à l’américaine tient les choses
de
l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, « il se passera bien de cett
3056
ns le cas le plus favorable, « il se passera bien
de
cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle e
3057
ou autres œuvres destinées à charmer les loisirs
de
personnes oisives et raffinées, réunies pour admirer mutuellement leu
3058
tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel,
de
nos jours, on tranche les grandes questions humaines est une des mani
3059
es est une des manifestations les plus frappantes
de
notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens amér
3060
appantes de notre régression. Cette perte du sens
de
l’âme se nomme bon sens américain. On en fait quelque chose de jovial
3061
omme bon sens américain. On en fait quelque chose
de
jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereu
3062
américain. On en fait quelque chose de jovial et
d’
alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On
3063
uelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose
de
très sympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philo
3064
s’en doute, cela en prend la place. Les facultés
de
l’âme, inutilisées, s’atrophient. Pourvu, dit-on, que subsiste le peu
3065
affaires, tout ira bien. (On pense que les formes
de
la morale peuvent exister sans leur substance religieuse.) L’homme mo
3066
nce religieuse.) L’homme moderne manie les choses
de
l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en
3067
rne manie les choses de l’âme avec une maladresse
de
barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a com
3068
homme s’abandonne à des lois géométriques. Un jeu
de
chiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immu
3069
donne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres
d’
horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immuable comme l
3070
’à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse
d’
aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore
3071
une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit
de
plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore que son travail aux
3072
plus subtilement encore que son travail aux lois
d’
une offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont
3073
nt encore que son travail aux lois d’une offre et
d’
une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docil
3074
l’homme qui était un membre vivant dans le corps
de
la Nature, lié par les liens les plus subtils et les plus profonds à
3075
ls et les plus profonds à tous les autres membres
de
la Nature, choses, bêtes et anges, — le voici devenu sourd à cette ha
3076
enu sourd à cette harmonie universelle, incapable
d’
en comprendre les correspondances divines et humaines, insensible même
3077
onomiques et des exigences les plus rudimentaires
de
son corps. Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par l
3078
te détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte
de
sa fatigue. Neurasthénie. La conquête du confort matériel l’a laissé
3079
u confort matériel l’a laissé oublier les valeurs
de
l’esprit au point qu’il n’éprouve plus même cette carence ; seulement
3080
il découvre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué
de
trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a c
3081
vre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop
de
satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les
3082
a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts
de
sa joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’avoir inventé ou
3083
a joie : l’effort libre et généreux, le sentiment
d’
avoir inventé ou compris par soi-même, la liberté et une certaine duré
3084
ale et capricieuse dans le plaisir, la conscience
de
ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisir
3085
dans le plaisir, la conscience de ses besoins et
de
ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donn
3086
travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique,
de
l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le
3087
, il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même
de
l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rappor
3088
l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre
de
la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstrait
3089
mais c’est pourtant lui seul qui nous permettrait
de
jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à l
3090
t pourtant lui seul qui nous permettrait de jouir
de
notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus
3091
ignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort
de
l’acquérir, les forces mêmes qui nous la firent désirer. 2° Accepter
3092
ses conditions. Je dis que les êtres encore doués
de
quelque sensibilité spirituelle deviennent par le seul fait de rester
3093
nsibilité spirituelle deviennent par le seul fait
de
rester eux-mêmes dans un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit
3094
est pas une faculté destinée à amuser nos moments
de
loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en cont
3095
en contradiction avec celles que le développement
de
la technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’une espèce de plus
3096
la technique impose au monde moderne. Ces êtres,
d’
une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la
3097
lus en plus rare, qui savent encore quelque chose
de
la vie profonde, qui voient encore des vérités invisibles, qui garden
3098
uelle grâce ? un peu de cette connaissance active
de
Dieu que nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas
3099
on les écarte des engrenages où ils risqueraient
de
faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler
3100
des engrenages où ils risqueraient de faire grain
de
sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes pr
3101
e qu’on pourrait appeler les classes privilégiées
de
l’esprit : fortunes oisives ou misères sans espoir. On en rencontre e
3102
prend ». Irréguliers aux yeux du monde ; la proie
d’
on ne sait quelles forces occultes sans doute dangereuses, puisqu’elle
3103
’elles les rendent inutilisables dans les rouages
de
la vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apan
3104
s dans les rouages de la vie moderne. Le triomphe
de
Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonn
3105
mphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage
d’
une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et ce
3106
réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte
de
franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-ma
3107
devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonnerie
de
quelques centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientô
3108
e sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines
d’
individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dern
3109
raquée avec la dernière rigueur : avec la rigueur
de
la nécessité — puisqu’elle est inutile au grand dessein matérialiste
3110
qu’elle est inutile au grand dessein matérialiste
de
l’Occident. La logique, parlant par la bouche de Ford : « Inutile, do
3111
de l’Occident. La logique, parlant par la bouche
de
Ford : « Inutile, donc à détruire. » Ford a raison, une fois de plus.
3112
détruire. » Ford a raison, une fois de plus. Pas
de
compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servi
3113
ison, une fois de plus. Pas de compromis possible
de
ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », di
3114
ue. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps
de
se désintéresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’une civi
3115
éresser simplement des buts — si bas soient-ils —
d’
une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il
3116
bas soient-ils — d’une civilisation sous le poids
de
laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terr
3117
ilisation sous le poids de laquelle nous risquons
de
périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mystic
3118
l se prépare déjà des révoltes terribles4, celles
d’
un mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intelle
3119
enu presque fou dans sa prison. Les intellectuels
d’
aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il est possible d’éch
3120
une tâche pressante : chercher s’il est possible
d’
échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solution : l’existence
3121
e. Pour le reste, je pense que c’est une question
de
foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plu
3122
lus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre,
de
Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de
3123
t mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches,
de
Clément Vautel. Dans les pays de langue allemande, son succès est enc
3124
chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays
de
langue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure q
3125
e allemande, son succès est encore plus grand, et
de
meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon,
3126
s grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas
de
l’Amérique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œu
3127
Mais les Viennois avaient fui dans les opérettes
de
Strauss, qu’on ne trouve plus nulle part. Dans les dancings, un peupl
3128
uve plus nulle part. Dans les dancings, un peuple
de
fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Entente, applau
3129
euple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants
de
la Petite-Entente, applaudissait chaque soir entre deux airs anglais
3130
glais Le Beau Danube bleu, en commémoration polie
d’
un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer de se prendre encore au
3131
d’un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer
de
se prendre encore au rêve de valse qu’on était venu chercher parce qu
3132
ut-être pour essayer de se prendre encore au rêve
de
valse qu’on était venu chercher parce que cela vaudrait bien d’autres
3133
vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais un tour
de
tourniquet anéantissait cette Vienne tout occupée à ressembler à l’id
3134
ge, ouvert au vent glacial, crée autour du centre
de
la ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement
3135
r à la Russie et au sifflement des balles perdues
d’
une révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter l
3136
ution. Sept heures du soir : le moment était venu
d’
arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste a
3137
du soir : le moment était venu d’arrêter le plan
de
la soirée, et cette promenade où il y avait juste assez de passants p
3138
rée, et cette promenade où il y avait juste assez
de
passants pour qu’on la sentît déserte ne me proposait qu’une frileuse
3139
e frileuse nostalgie. Mais qui fallait-il accuser
de
cette duperie, qui rendre responsable de ma déception, sinon moi-même
3140
accuser de cette duperie, qui rendre responsable
de
ma déception, sinon moi-même, me dis-je bientôt. Car je professe qu’u
3141
er son objet, de même qu’atteignant certain degré
d’
intensité, un état d’âme crée une situation qui l’exprime — bien qu’on
3142
ées que par un léger décalage dans la chronologie
de
nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine
3143
décalage dans la chronologie de nos sentiments et
de
nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’un
3144
, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais
d’
un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sen
3145
omantisme viennois, je fus conduit, par une sorte
de
compromis sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes d’Hoffman
3146
sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes
d’
Hoffmann. Je comprends aujourd’hui le lien qui unissait dans mon espri
3147
n esprit Vienne et Hoffmann : c’était le souvenir
de
Gérard de Nerval. Mais je pense que je n’avais même pas prononcé inté
3148
dans l’ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé
de
me trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’on attend dans
3149
re, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté
d’
une place vide : la jolie femme qu’on attend dans ces circonstances, u
3150
uait le rendez-vous que j’avais demandé au hasard
d’
arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — a
3151
avais demandé au hasard d’arranger. Mais le thème
de
la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent p
3152
arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare
de
tout mon être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’une fanf
3153
être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son
d’
une fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’un monde que sus
3154
e fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve
d’
un monde que suscite en moi seul peut-être cette plainte heureuse des
3155
ïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et
de
la pureté où vibrent par instants les accords d’une harmonie surnatur
3156
de la pureté où vibrent par instants les accords
d’
une harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je
3157
oi, il n’entend pas ma question. L’envie me prend
d’
aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’un amour t
3158
rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation
d’
un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais
3159
enaçantes. Mais la musique est si légère, la voix
de
la jeune fille si transparente : la mort même en devient moins brutal
3160
istesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche
d’
une grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’imprévisibl
3161
ndeur où se perdraient nos amours terrestres dans
d’
imprévisibles transfigurations, — l’heure anxieuse et mélancolique où
3162
là que la forme blanche, sous un brusque faisceau
de
lumière m’apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens volup
3163
aisceau de lumière m’apparaît avec le visage même
de
mon amour. Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige de te revo
3164
. Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige
de
te revoir, vertige de te perdre vraiment, parce que c’est toi, parce
3165
sement perdre pied. Vertige de te revoir, vertige
de
te perdre vraiment, parce que c’est toi, parce que c’est bien toi de
3166
de moi, c’est une chose singulière que le pouvoir
de
cette musique. Voici que vous êtes tout près de comprendre… Mon voisi
3167
du ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez
d’
atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous m
3168
ais le temps approche où vous n’aurez plus besoin
de
souffrir pour comprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène, un
3169
s besoin de souffrir pour comprendre. Le faisceau
de
lumière quitta la scène, un reflet balaya le parterre, le visage de m
3170
la scène, un reflet balaya le parterre, le visage
de
mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis
3171
ge de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier
de
barbe noire. Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait une ca
3172
connu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode
de
1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance très modern
3173
moderne. Il n’y avait dans toute sa personne rien
de
positivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce s
3174
itivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment
de
quoi que ce soit d’immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté
3175
e n’eus même pas le sentiment de quoi que ce soit
d’
immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté la première reconnai
3176
jeté la première reconnaissance empêcha ma raison
d’
intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut
3177
e empêcha ma raison d’intervenir entre la réalité
de
ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes e
3178
éalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut
de
sa carapace de principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’O
3179
sion et mon cerveau pris au défaut de sa carapace
de
principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de
3180
eau pris au défaut de sa carapace de principes et
d’
évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi,
3181
e principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes
de
l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, co
3182
Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit
d’
autre, comme des amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’un éch
3183
qu’un échange tacite suffit aux petites décisions
de
la vie quotidienne. Gérard tenait en laisse le fameux homard enrubann
3184
nnois, me dit-il, parce qu’ils y voient une façon
de
me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. »
3185
-il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer
de
leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. » Il y avait pe
3186
s jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air
de
ne pas trop s’amuser. — Ceci du moins n’a guère changé, dis-je, songe
3187
ins n’a guère changé, dis-je, songeant aux Amours
de
Vienne. — Certes, répondit Gérard, malgré les apparences, cette vie s
3188
ités qui correspondent encore à l’image classique
de
Vienne. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépourvu d’ironie, mai
3189
. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépourvu
d’
ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtr
3190
cieux d’ailleurs, dépourvu d’ironie, mais non pas
de
légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtre qui cache une incapac
3191
ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte
d’
inconstance folâtre qui cache une incapacité définitive à se passionne
3192
soit. Cette ville, qui est toute caresses, a peur
de
l’étreinte… C’est d’ailleurs une chose que je comprends assez bien, a
3193
moment, comme nous traversions une rue sillonnée
de
taxis rapides, le homard refusa obstinément de progresser. Gérard dut
3194
ée de taxis rapides, le homard refusa obstinément
de
progresser. Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinc
3195
Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires
de
pinces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De terreur, le hom
3196
inces s’accrochèrent désespérément à ses manches.
De
terreur, le homard avait rougi : il conserva toute la nuit une magnif
3197
eur orangée. Gérard semblait habitué à ces sortes
de
scènes. On reparla de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à
3198
mblait habitué à ces sortes de scènes. On reparla
de
l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie de
3199
à une certaine anémie des sentiments, à un manque
de
caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art qui demand
3200
t amour, c’était parce que je découvrais en elles
de
secrètes ressemblances, qui pour d’autres paraissaient purement mysti
3201
e dont l’idée me vient à la vue de cette vendeuse
de
fleurs. C’était la petite bossue qui vend des roses et des œillets da
3202
le. Nous nous arrêtâmes non loin, à une devanture
de
robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les rev
3203
nous arrêtâmes non loin, à une devanture de robes
de
soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les revêtiraient
3204
pressés une jeune femme, chapeau rouge et manteau
de
fourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut, hélas, non mo
3205
refusa d’abord les fleurs pour se donner le temps
de
regarder autour d’elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler n
3206
fleurs pour se donner le temps de regarder autour
d’
elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle f
3207
te dont Gérard attendait évidemment quelque chose
d’
imprévu, la seule chose contraire à la coutume viennoise. L’enfant éta
3208
ain où nous nous engouffrâmes dans un grand bruit
de
saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango
3209
engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et
de
cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango, un Balkanique t
3210
r en tango, un Balkanique très lisse nous délivra
de
notre conquête pour la durée des danses. Gérard bâillait : « Voilà ce
3211
anses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que
de
prendre des femmes au hasard, disait-il. Je sens très bien que nous a
3212
vous êtes moderne, vous vous contentez peut-être
de
cette pêche miraculeuse — c’est une façon de parler — à laquelle on s
3213
être de cette pêche miraculeuse — c’est une façon
de
parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir — autre faç
3214
de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux
de
plaisir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, av
3215
se livre dans ces lieux de plaisir — autre façon
de
parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, avouez que les miennes étai
3216
sir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu
d’
illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qualité : car c
3217
vécu d’illusions, avouez que les miennes étaient
de
meilleure qualité : car c’est une pauvre illusion que le plaisir qu’o
3218
qu’elles le rattachaient aux buts les plus hauts
de
notre vie. Ces citadins blasés s’amusent plus grossièrement que des b
3219
s femmes qui élargissent des sourires à la mesure
de
votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs
3220
rires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes
de
nuit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant
3221
re générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes
de
distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que ceux qui les f
3222
uit sont des sortes de distributeurs automatiques
de
plaisir. Autant dire que ceux qui les fréquentent ne savent plus ce q
3223
t épaissis. Regardez ces yeux mornes, ou luisants
de
concupiscences élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à la d
3224
aisirs achetés au détail dans une foire éclatante
de
faux luxe. La misère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que
3225
s une foire éclatante de faux luxe. La misère est
de
voir ici des femmes aussi ravissantes que celle-là qui danse en robe
3226
qui danse en robe mauve, avec tant de gravité et
de
détachement. Je viens souvent la regarder, à cause de la noblesse de
3227
viens souvent la regarder, à cause de la noblesse
de
sa danse. Je la nomme Clarissa, parce que cela lui va. Mais comme c’e
3228
soit touchée par les mains outrageusement baguées
de
ces courtiers alourdis de “Knödl”. En Orient on en ferait une chose e
3229
outrageusement baguées de ces courtiers alourdis
de
“Knödl”. En Orient on en ferait une chose extrêmement précieuse, qu’o
3230
’on n’approcherait qu’avec un sentiment religieux
de
la beauté. Mais je crois que l’Orient est devenu fou. Il ne comprend
3231
. » Des bugles agonisaient, aux dernières mesures
d’
un tango. Notre encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous.
3232
moins. « Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle
d’
un ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois
3233
Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’un ton
de
reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois du genre
3234
ment, pauvre colombe dépareillée, vous n’avez pas
de
ressemblance, et c’est ce qui vous perdra. » La pauvre fille ne compr
3235
homard qui, laissé au vestiaire, y était l’objet
de
vexations diverses et de curiosités grossières de la part des garçons
3236
stiaire, y était l’objet de vexations diverses et
de
curiosités grossières de la part des garçons. « Encore une proie inut
3237
une proie inutile lâchée pour l’ombre, dit Gérard
d’
un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est
3238
Gérard d’un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre
de
cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sans but.
3239
lié mes clefs il y a très, très longtemps… Et pas
de
Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers m
3240
emps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux
de
s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire
3241
blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe
de
cette phrase célèbre. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meilleurs d
3242
re. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meilleurs
de
se répéter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard «
3243
rs de se répéter, et que c’était la première fois
de
la soirée que Gérard « faisait du Gérard ». Les cocktails du Moulin-R
3244
s devenaient légères comme des ballons. La rumeur
de
Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité et l’Illus
3245
et l’Illusion étendait sur toutes choses une aile
d’
ombre flatteuse aux caprices redoutables. Cette nuit-là nous rencontrâ
3246
es, allusions. Plus tard, dans un petit bar laqué
de
noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert de glaces qui, reflétant le pla
3247
ar laqué de noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert
de
glaces qui, reflétant le plafond à caissons dorés, l’étendent indéfin
3248
ulé joue très doucement. Nous sommes assis autour
d’
une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquari
3249
use, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquarium
de
rêves, discourt et décrit les images qu’il y découvre. Il y a les ail
3250
y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras
de
Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citron
3251
e, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citrons
de
Pompéi, l’Octavie du golfe de Marseille, ou bien plutôt, par je ne sa
3252
nglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du golfe
de
Marseille, ou bien plutôt, par je ne sais quelle erreur d’images, — c
3253
lle, ou bien plutôt, par je ne sais quelle erreur
d’
images, — ce serait la gravité énigmatique d’Adrienne, mais dans le lo
3254
reur d’images, — ce serait la gravité énigmatique
d’
Adrienne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’un regard pareil
3255
rienne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond
d’
un regard pareil. Des visages naissent comme des étoiles dans un halo,
3256
antes dans la même minute toutes les incarnations
d’
un amour dont l’être éternel apparaît peu à peu, à travers la simultan
3257
nel apparaît peu à peu, à travers la simultanéité
de
ses manifestations. Gérard parle avec une liberté magnifique et angoi
3258
tous les visages aimés revivent dans cette coupe
de
songes avec toutes leurs illusions, — illusions des formes passagères
3259
sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa moitié
d’
ombre. Et parce que tout revit en un instant dans cette vision, il con
3260
il connaît enfin la substance véritable et unique
de
toutes ses amours, il communie avec quelque chose d’éternel. Tous les
3261
toutes ses amours, il communie avec quelque chose
d’
éternel. Tous les drames du monde ne sont que décors mouvants dans la
3262
t que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame
de
son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des géné
3263
s les formes animales. Pour lui, les choses n’ont
d’
intérêt que par les rapports qu’il leur devine avec la réalité extra-t
3264
france qu’elle entraîne, nous révèle le sens réel
de
nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences. La fatigue ca
3265
us révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu,
de
leurs moindres coïncidences. La fatigue calme son lyrisme et son exal
3266
yrisme et son exaltation. Il semble se rapprocher
de
moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que po
3267
on. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte
de
ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos savants retombé
3268
les correspondances, chaque geste, chaque minute
d’
une vie résume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’il y a
3269
e qu’il faudrait écrire, c’est une Vie simultanée
de
Gérard, qui tiendrait toute en une heure, en un lieu, en une vision.
3270
une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes
d’
autos s’appelaient dans la nuit froide. Gérard ne disait presque plus
3271
la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette
d’
une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement
3272
ui éclairait la boutique, et que le vent menaçait
d’
éteindre à chaque instant, le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu
3273
on et la fit prendre au homard avec toutes sortes
de
soins. Les chauffeurs regardaient d’un œil las, trop las pour s’étonn
3274
outes sortes de soins. Les chauffeurs regardaient
d’
un œil las, trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’un pied
3275
trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais
d’
un pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de
3276
ransi, je me balançais d’un pied sur l’autre dans
de
la neige fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutard
3277
e dans de la neige fondante, tout en croquant une
de
ces saucisses à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et aill
3278
mirent à ronfler. Par le grand escalier, au fond
de
la cour du palais, descendaient les invités du bal. Des femmes sans c
3279
ux faces maigres qui ressemblaient terriblement à
d’
anciens Habsbourg, des comtes athlétiques et la silhouette échassière
3280
es comtes athlétiques et la silhouette échassière
de
la jeune duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau de velours ros
3281
une duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau
de
velours rose laissait découvertes des jambes extrêmement hautes tandi
3282
isée jetait des insolences sur les chapeaux noirs
de
ses cavaliers. Tout cela s’empila dans des autos ; en dix minutes, il
3283
x cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle, l’air
d’
autrefois. Il avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apai
3284
encieuse fila devant moi ; je reconnus la voiture
de
la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient baissés. Déjà o
3285
orteurs passèrent à toute vitesse, m’éclaboussant
de
neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelqu
3286
èrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et
de
titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose comm
3287
e, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus
de
sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose comme « pâtisserie-crème
3288
», La Nouvelle Semaine artistique et littéraire,
Neuchâtel
, n° 7, 24 mars 1928, p. 105-108.
3289
é la science parce qu’elle ouvre des perspectives
d’
évasion — où seuls les poètes savent se perdre. Et c’est bien sa plus
3290
se perdre. Et c’est bien sa plus grande ruse que
d’
avoir emprunté le véhicule à la mode pour conduire des millions de lec
3291
le véhicule à la mode pour conduire des millions
de
lecteurs dans un monde purement fantaisiste où les équations tyranniq
3292
ntaisiste où les équations tyranniques deviennent
de
merveilleux calembours, où les savants sont réellement dans la lune,
3293
ndent au fond des mers adorer la Liberté et jouer
de
l’orgue sous les yeux de poulpes géants. Jules Verne a véritablement
3294
la poésie. Et l’on ne veut voir que jolis livres
d’
étrennes dans les œuvres du plus grand créateur de mythes modernes, du
3295
d’étrennes dans les œuvres du plus grand créateur
de
mythes modernes, du seul écrivain dont l’influence soit comparable à
3296
ma ! Claretie raconte que les détenus des maisons
de
correction se jetaient sur ces volumes « au travers desquels ils resp
3297
mes dans une civilisation qui, selon l’expression
de
Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’une nécessité » (et dans l
3298
ssion de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect
d’
une nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait
3299
nte l’aspect d’une nécessité » (et dans la bouche
de
ce libertaire, cela constituait un jugement !) Serons-nous longtemps
3300
n jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes
d’
une conception de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos p
3301
rons-nous longtemps encore dupes d’une conception
de
la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus grands conteu
3302
on de la littérature si pédante qu’elle exclut un
de
nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’est styliste ni psycho
3303
ateau. Pour ce coup, voilà qui ne m’empêchera pas
d’
y monter, il suffit que cet obsédant capitaine Nemo soit à bord, je so
3304
Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juin 1928, p. 768-769.
3305
tyle (août 1928)as Ce n’est pas le seul talent
de
M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de considération. J’admir
3306
nt de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux,
de
considération. J’admire autant le talent de celui qui mène 60 parties
3307
yeux, de considération. J’admire autant le talent
de
celui qui mène 60 parties d’échecs simultanément, et c’est naturel :
3308
ire autant le talent de celui qui mène 60 parties
d’
échecs simultanément, et c’est naturel : je m’en avoue plus éloigné et
3309
avorisent par leurs écrits. Aragon, qui a le sens
de
l’amour, a dit conséquemment beaucoup de choses vraies (belles). Il e
3310
cent célébrités locales. (Quant à Goethe, traité
de
clown, cela ne va pas loin.) C’est une belle rage (ô combien partagée
3311
e ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups
d’
exemples qui méritent de l’être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépas
3312
traite du style, à coups d’exemples qui méritent
de
l’être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépasse ces surréalistes, ces
3313
u’Aragon dépasse ces surréalistes, ces orthodoxes
de
l’absurde confondu avec le poétique, ou ces disciples de Rimbaud, ou
3314
surde confondu avec le poétique, ou ces disciples
de
Rimbaud, ou enfin ces littérateurs antilittéraires, ces « Messieurs l
3315
urne sans cesse pour crier : Lâches, vous refusez
d’
avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute
3316
, vous refusez d’avancer ! Mais il reste à portée
de
voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il le tient magnifiqueme
3317
style (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, Genève, août 1928, p. 1034.
3318
ers écrits des surréalistes débattent la question
de
savoir s’ils vont se taire ou non. Mais leur silence ne doit pas entr
3319
ne doit pas entraîner, à leur point de vue, celui
d’
autrui sur eux-mêmes. Ils se tournent donc naturellement vers l’action
3320
mes en France — vers la politique. Or ces ennemis
de
toute littérature voient leurs avances dédaignées par les communistes
3321
eurs avances dédaignées par les communistes, gens
d’
action à jugements simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien d
3322
simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien
d’
étonnant à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pra
3323
d’étonnant à cela dans une époque où les valeurs
de
l’esprit sont en pratique universellement méprisées. Mais les surréal
3324
plus qu’ils ne le croient. Certes il était urgent
de
faire la critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche
3325
ient. Certes il était urgent de faire la critique
de
« cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouger », comme d
3326
it urgent de faire la critique de « cette réalité
de
premier plan qui nous empêche de bouger », comme dit fort bien M. Bre
3327
« cette réalité de premier plan qui nous empêche
de
bouger », comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition d’aller plu
3328
, comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition
d’
aller plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y
3329
M. Breton. Mais à condition d’aller plus loin et
de
prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité.
3330
plus loin et de prendre une connaissance positive
de
ce qu’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ils avaient le
3331
lité. Il est certain que s’ils avaient le courage
de
se soumettre au concret de l’esprit, ils comprendraient que le « serv
3332
ils avaient le courage de se soumettre au concret
de
l’esprit, ils comprendraient que le « service dans le temple » s’acco
3333
que le « service dans le temple » s’accommode mal
de
tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau styl
3334
mple » s’accommode mal de tant de gesticulations,
de
gros mots et de discours en très beau style contre un monde très laid
3335
de mal de tant de gesticulations, de gros mots et
de
discours en très beau style contre un monde très laid dont ils n’ont
3336
ctuels (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, novembre 1928, p. 1410.
3337
ux, Les Conquérants (décembre 1928)au Ce récit
de
la révolution cantonaise en 1925 nous place au nœud du monde moderne
3338
oderne : on y voit s’affronter en quelques hommes
d’
action les forces caractéristiques du temps — argent, races — et ses r
3339
ts qui fait opter ces chefs pour l’une ou l’autre
de
ces attitudes. (Elles ne sont pas essentiellement contradictoires : e
3340
ontradictoires : elles représentent deux manières
de
sentir l’unité d’une époque obsédée d’action.) Autour de ces individu
3341
lles représentent deux manières de sentir l’unité
d’
une époque obsédée d’action.) Autour de ces individus — Chinois nation
3342
x manières de sentir l’unité d’une époque obsédée
d’
action.) Autour de ces individus — Chinois nationalistes ou terroriste
3343
Juifs russes méthodiques — s’émeuvent les masses
de
coolies, d’ouvriers armés, toute cette Chine qui s’éveille au sein mê
3344
s méthodiques — s’émeuvent les masses de coolies,
d’
ouvriers armés, toute cette Chine qui s’éveille au sein même de la lut
3345
més, toute cette Chine qui s’éveille au sein même
de
la lutte qui met aux prises l’Europe et le monde du Pacifique. On ret
3346
etrouvera ici beaucoup des idées que la Tentation
de
l’Occident exprimait sous une forme abstraite et poétique. Mais cette
3347
cteurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux
d’
une révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chino
3348
l’aspect quotidien et mystérieux d’une révolution
de
rues, ou la palpitation inquiétante des villes chinoises, Malraux fai
3349
iétante des villes chinoises, Malraux fait preuve
d’
un art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois ten
3350
révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté
de
le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi p
3351
mancier. On serait parfois tenté de le rapprocher
de
Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et
3352
, admirablement objectif, est aussi, mais à coups
de
faits, une discussion d’idées. Il est surtout la description d’une an
3353
est aussi, mais à coups de faits, une discussion
d’
idées. Il est surtout la description d’une angoisse que le nihilisme d
3354
discussion d’idées. Il est surtout la description
d’
une angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoi
3355
ut la description d’une angoisse que le nihilisme
de
M. Malraux veut sans issues : l’angoisse que fait naître au cœur du m
3356
naître au cœur du monde contemporain l’absurdité
de
ses ambitions. Écoutons Garine, l’un de ces chefs (c’est lui qui parl
3357
absurdité de ses ambitions. Écoutons Garine, l’un
de
ces chefs (c’est lui qui parle au nom de l’auteur, je pense) : « Il m
3358
nnaire ou autre — rêvée par tant de jeunes hommes
de
l’après-guerre, Malraux l’a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu
3359
raux l’a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu
de
Garine est décisif : « La Révolution… tout ce qui n’est pas elle est
3360
ainsi que, masqué par l’enchaînement passionnant
de
l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Ce
3361
nchaînement passionnant de l’action, il se dégage
de
ce roman un désespoir sec, sans grimace. Cette intelligence et cette
3362
telligence et cette sensibilité ont quelque chose
de
trop aigu, de dangereux. Mais qu’elles s’appliquent à distinguer les
3363
cette sensibilité ont quelque chose de trop aigu,
de
dangereux. Mais qu’elles s’appliquent à distinguer les forces détermi
3364
’appliquent à distinguer les forces déterminantes
de
l’heure, à les exprimer en un tel drame, et voici André Malraux au pr
3365
ts (Grasset) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1928, p. 1547-1548.
3366
ère ou Hamlet-Roi (décembre 1928)av L’histoire
de
Louis II exalte et déçoit l’imagination. On comprend que ce doux-amer
3367
is ne l’ait point trompé : « Avec son beau regard
de
rêve, — lit-on dans l’Ennemi des Lois — son expression amoureuse du s
3368
ession amoureuse du silence et cet ensemble idéal
d’
étudiant assidu aux sociétés de musique… » Barrès cherchait dans ses c
3369
cet ensemble idéal d’étudiant assidu aux sociétés
de
musique… » Barrès cherchait dans ses châteaux en Espagne lamentableme
3370
n Espagne lamentablement réalisés les témoignages
de
l’éthique de cet « illustre réfractaire ». N’est-ce point trop demand
3371
entablement réalisés les témoignages de l’éthique
de
cet « illustre réfractaire ». N’est-ce point trop demander à une exis
3372
échec même ne relève pas, et qui tire sa grandeur
de
celle du décor ? Guy de Pourtalès n’hésite pas à baptiser son héros «
3373
rtalès n’hésite pas à baptiser son héros « prince
de
l’illusion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcé
3374
as à baptiser son héros « prince de l’illusion et
de
la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcément prince du rê
3375
rs ce livre sait bien le laisser voir. La qualité
de
l’illusion dont se nourrit Louis II n’est ni aussi pure ni aussi rare
3376
t qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image
d’
un romantisme assez morose ; mais à grande échelle. M. de Pourtalès a
3377
Pourtalès a su rehausser le tableau avec beaucoup
d’
adresse et de charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons f
3378
u rehausser le tableau avec beaucoup d’adresse et
de
charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons fermes dont le
3379
de. Louis II, ce chimérique, disposait par hasard
de
moyens d’action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur,
3380
II, ce chimérique, disposait par hasard de moyens
d’
action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’il a
3381
a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet
de
Liszt et de Chopin, c’était l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’a
3382
’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et
de
Chopin, c’était l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’absence d’amo
3383
t l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’absence
d’
amour, par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étr
3384
douleur ; ici, c’est l’absence d’amour, par refus
de
souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’
3385
s de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur
d’
étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’illusion ». Sachons gré à
3386
re raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’amour
de
soi dans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’il pr
3387
ans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès
de
ce qu’il préfère parler d’illusion là où nos psychiatres proposeraien
3388
gré à M. de Pourtalès de ce qu’il préfère parler
d’
illusion là où nos psychiatres proposeraient de moins jolis mots ; mai
3389
er d’illusion là où nos psychiatres proposeraient
de
moins jolis mots ; mais ce n’est pas la moindre habileté du biographe
3390
as un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu
d’
une façon fort adroite mais non moins franche. av. « Guy de Pourtalè
3391
et-Roi (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1928, p. 1549.
3392
Le Prince menteur (décembre 1928)aw Au hasard
d’
une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit
3393
re 1928)aw Au hasard d’une rencontre, l’auteur
de
ce récit se lie avec un inconnu qui se dit prince russe et entretient
3394
il aime à raconter certaines scènes terrifiantes
de
la révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traqu
3395
le jeune Français par ces évocations et l’espèce
de
fièvre qu’il y apporte. Mais plusieurs incidents éveillent les soupço
3396
e Français reçoit une lettre trouvée sur le corps
de
son ami suicidé, pathétique confession qui doit expliquer sa mort et
3397
inclusivement, n’étonnera pas ceux qui ont connu
de
semblables mythomanes. Le cas méritait d’être exposé. Je regrette seu
3398
t connu de semblables mythomanes. Le cas méritait
d’
être exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une
3399
le, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est
d’
être simple et précise dans l’exposé, sans rien simplifier ni préciser
3400
e caractère. Daniel-Rops voit bien que l’épithète
de
mythomane n’épuise pas une question dont l’importance dépasse celle d
3401
e celle du cas pathologique. Il y a dans ce culte
de
la mythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux d’avant-garde u
3402
ythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux
d’
avant-garde une confusion assez tragique, parce qu’elle constitue une
3403
itue une tentation pour tous les poètes. Le désir
de
« plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’une psychologie
3404
plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence
d’
une psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensong
3405
un mensonge qui n’est, hélas, qu’une déformation
de
cette réalité détestée. Le mythomane brouille les cartes mais reste d
3406
ses mensonges exigent, il se reconnaît tributaire
de
la « vérité trop évidente » ; alors qu’il la faudrait, sans rien faus
3407
aw. « Daniel-Rops : Le Prince menteur (dessins
de
Jacques Ernotte) (Éditions “Le Rouge et le Noir”) », Bibliothèque uni
3408
et le Noir”) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1928, p. 1553.
3409
1928)m « Remonte aux vrais regards ! Tire-toi
de
tes ombres… » Paul Valéry. Stéphane est maniaque, comme tous les jeu
3410
Stéphane est maniaque, comme tous les jeunes gens
de
sa génération. Seulement chez lui, cela ne s’est pas porté sur les au
3411
ivers types humains. Mais on lui sait peu de grés
de
sa curiosité. Sans doute est-il trop impatient, demande-t-il aux être
3412
en, n’est-ce pas ? Il en tombe d’accord ; accepte
d’
attendre comme un enfant sage que le monde lui donne, en son temps, sa
3413
lui a expliqué qu’il fallait la mériter et tâcher
de
devenir quelqu’un. En d’autres termes, on lui conseille de rentrer en
3414
r quelqu’un. En d’autres termes, on lui conseille
de
rentrer en lui-même. « Il se ramène en soi, n’ayant plus où se prendr
3415
soi, n’ayant plus où se prendre » comme parle un
de
nos classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’est pas encore qu
3416
rche à savoir ce qu’il est. C’est une autre manie
de
sa génération. Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de l
3417
Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas
de
livre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de se cacher derri
3418
ivre pour y pourchasser un moi qui feint toujours
de
se cacher derrière le feuillet suivant, entraîne le lecteur par ruse
3419
rs. C’est pourquoi il en installe un sur sa table
de
travail, de façon à pouvoir s’y surprendre à tout instant. Cet exerci
3420
r dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux
de
lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa
3421
x. Il varie sur son visage les jeux de lumière et
de
sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans l
3422
e lumière et de sentiments. Il découvre une sorte
de
rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et
3423
sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin
de
sa bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autr
3424
rte de rire au coin de sa bouche dans les moments
de
pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’i
3425
pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus
de
ce genre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigu
3426
n aventure. Nous vivons dans un décor flamboyant
de
glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa tête, son portrait en pi
3427
ête, son portrait en pied. Il se voit dans l’acte
de
se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par l’asce
3428
rait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser,
de
se baigner ; son image descend en face de lui par l’ascenseur, elle l
3429
lise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte
d’
angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les a
3430
qu’il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive
de
prendre son image pour celle de n’importe quel passant, il se sent co
3431
s s’il lui arrive de prendre son image pour celle
de
n’importe quel passant, il se sent comme séparé de soi, et si profond
3432
e n’importe quel passant, il se sent comme séparé
de
soi, et si profondément différent de cette apparence, qu’il doute de
3433
comme séparé de soi, et si profondément différent
de
cette apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses y
3434
ndément différent de cette apparence, qu’il doute
de
sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche un
3435
apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère
de
voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve
3436
cherche une révélation et n’y trouve que le désir
d’
une révélation. Peut-on s’hypnotiser avec son propre regard ? Il n’y a
3437
n à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude
d’
être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en dim
3438
ude d’être. Mais il s’épuise dans une perspective
de
reflets qui vont en diminuant vertigineusement et l’égarent dans sa n
3439
ans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal
de
superstitions. Enfin cette expérience folle le mène à une découverte
3440
folle le mène à une découverte sur les sept sens
de
laquelle il convient de méditer : la personne se dissout dans l’eau d
3441
ouverte sur les sept sens de laquelle il convient
de
méditer : la personne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane es
3442
prend que ce qu’on dépasse ? Et qu’il faut sortir
de
soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin de vérifier
3443
se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin
de
vérifier qui n’est plus légitime dès l’instant qu’il se traduit par l
3444
me dès l’instant qu’il se traduit par la négation
de
l’invérifiable. Stéphane n’a pas eu confiance. Or la personnalité est
3445
pas eu confiance. Or la personnalité est un acte
de
foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, il ne sait p
3446
vraie, se borne à décrire l’aspect psychologique
d’
une aventure qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lect
3447
chologique d’une aventure qui en a bien d’autres,
d’
aspects. Il est bon que le lecteur dérisoirement troublé par la craint
3448
e le lecteur dérisoirement troublé par la crainte
de
n’avoir pas saisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois de cet
3449
la crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable
d’
un texte, trouve parfois de cette incompréhension des marques certaine
3450
aisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois
de
cette incompréhension des marques certaines. Si le rapport intime qui
3451
rations précédentes lui échappe, qu’il y voie une
de
ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée perd E
3452
ne de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot
de
prière. Orphée perd Eurydice par scepticisme, par esprit scientifiqu
3453
it scientifique, par doute méthodique, par besoin
de
définir, par défiance envers les dieux. À chaque regard dans notre mi
3454
e nouvelle. La mort dans la transparence glaciale
de
l’évidence. Un jour, à propos de rien, Stéphane pense avec fièvre :
3455
er son visage, ne serait-ce pas devenir un centre
de
pur esprit ? » C’est un premier filet d’eau vive qui perce le sol ari
3456
n centre de pur esprit ? » C’est un premier filet
d’
eau vive qui perce le sol aride : mais Stéphane n’entend pas encore gr
3457
d pas encore gronder les eaux profondes. Le désir
de
s’hypnotiser l’irrite toujours vaguement. Mais il fuit son propre reg
3458
s. Un soir, après quelques alcools et un échange
de
pensées au même titre avec une amie d’une beauté de plus en plus frap
3459
un échange de pensées au même titre avec une amie
d’
une beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un regard d
3460
en plus frappante, il croit saisir dans un regard
de
cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeu
3461
croit saisir dans un regard de cette femme l’écho
de
ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt
3462
hi bruyamment, bâillonnent sa raison, l’empêchent
de
protester contre le miracle. Parmi tous ses mots fous, noms, baisers,
3463
ais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jour
de
grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fenêtres ba
3464
un jour de grand soleil sur toutes les verreries
de
la capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conj
3465
u Comment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers
de
l’Anglore, Genève, n° 1, décembre 1928, p. 37-42.
3466
légèrement absurde en face d’un récit comme celui
d’
Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec une émouvante simpli
3467
te simplicité et il faudrait avoir la grossièreté
de
lui répondre d’un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue pre
3468
il faudrait avoir la grossièreté de lui répondre
d’
un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue prendre cette autob
3469
onné du passage où il rappelle qu’il écrit la vie
d’
un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître s
3470
sage où il rappelle qu’il écrit la vie d’un homme
de
lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître sous cet asp
3471
ces deux premiers tomes, où il décrit des scènes
de
son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est éto
3472
tomes, où il décrit des scènes de son enfance et
de
sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant d’apparente
3473
on enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art
d’
Anderson est étonnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance à une
3474
esse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant
d’
apparente simplicité. Le récit s’avance à une allure libre et tranquil
3475
-saxonne et peu à peu entraîne tout un branle-bas
d’
évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tandis que ç[à] et
3476
out un branle-bas d’évocations hautes en couleur,
de
rêves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives s
3477
nle-bas d’évocations hautes en couleur, de rêves,
de
visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives saisissante
3478
e des nécessités modernes, dégradantes. Cet amour
de
l’invention romanesque considérée comme une revanche de la poésie — m
3479
nvention romanesque considérée comme une revanche
de
la poésie — mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait de lui
3480
mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait
de
lui sans doute le plus méridional des conteurs américains. Avec cela,
3481
onteurs américains. Avec cela, un réalisme, plein
de
verdeur et souvent d’amertume. Mais là où d’autres placeraient le cou
3482
ec cela, un réalisme, plein de verdeur et souvent
d’
amertume. Mais là où d’autres placeraient le couplet humanitariste, lu
3483
autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler
de
sa mère avec cette virile et religieuse tendresse ? C’est un Chinois,
3484
cain qui viennent nous rapprendre que les sources
de
la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait
3485
ces de la poésie sont dans notre maison. Voici un
de
ces passages où il sait être, avec sa verve doucement comique, si émo
3486
cette époque je croyais fortement en l’existence
d’
une espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insi
3487
je croyais fortement en l’existence d’une espèce
de
secrète et à peu près universelle conspiration pour insister sur la l
3488
pour insister sur la laideur. “C’est une frasque
de
gosses à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et les autres”,
3489
e que si je m’approchais tout à coup par-derrière
d’
un homme ou d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se s
3490
approchais tout à coup par-derrière d’un homme ou
d’
une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfi
3491
nous en irions bras dessus, bras dessous en riant
de
nous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais n
3492
as dessus, bras dessous en riant de nous-mêmes et
de
tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais non, on ne le seco
3493
era pas, ce cauchemar, ce monde moderne, ce monde
de
fous qui n’ont plus que leur raison, ce monde où l’on ne sait plus cr
3494
lles, ce monde qui devient impuissant. Impossible
d’
évoquer un personnage précis pour lui faire endosser le blâme, mais co
3495
endosser le blâme, mais comme l’homme nommé Ford,
de
Détroit, a contribué davantage que n’importe quel autre de mon temps
3496
t, a contribué davantage que n’importe quel autre
de
mon temps à faire aboutir la standardization à sa fin logique, ne pou
3497
l pas être considéré un jour comme le grand tueur
de
son époque ? Rendre impuissant c’est à coup sûr tuer. Or on parle de
3498
dre impuissant c’est à coup sûr tuer. Or on parle
de
l’élever à la présidence de la République. Qu’un tel acte serait adéq
3499
sûr tuer. Or on parle de l’élever à la présidence
de
la République. Qu’un tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spéc
3500
sous lui conservassent la virilité et le respect
de
soi était de son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les ancie
3501
servassent la virilité et le respect de soi était
de
son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les anciens. Ford pour
3502
(Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, janvier 1929, p. 123-124.
3503
s-Lettres, c’est la clef des champs. 2. L’essence
de
Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réput
3504
des champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est
de
l’alcool à brûler les cervelles et les réputations. 3. Belles-Lettre
3505
poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis
de
sang-froid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une mystique.
3506
entiellement une mystique. Mais parce que je suis
de
sang-froid, je ne puis dire grand-chose de plus. On ne se comprend bi
3507
eunes hommes ivres. Mais alors point n’est besoin
de
formuler cette ivresse ; autrement que par des cris. 5. Avec toutes l
3508
que pour mourir ou pour entrer en religion : rond
de
cuir ou poète (au sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à l
3509
on : rond de cuir ou poète (au sens le plus large
de
ces mots.) (Mais je tiens à le leur dire ici : les anciens bellettrie
3510
triens qui ont perdu toute foi ne connaîtront pas
de
pardon. Car ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont fon
3511
e monde moderne ont encore une « essence ». Celle
de
Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éternel et à Satan pareillem
3512
t ceux qu’elle enivre entrent en état de grâce ou
de
blasphème, selon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se l
3513
elon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point
de
se livrer, purement et simplement. 7. (Secret). r. « Belles-Lettres
3514
es champs… » [Réponse à l’enquête sur l’« Essence
de
Belles-Lettres »], Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève
3515
quête sur l’« Essence de Belles-Lettres »], Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 1, janvier 192
3516
Prison. Ailleurs. Étoile
de
jour (mars 1929)s Prison Prisonnier de la nuit mais plus libr
3517
le de jour (mars 1929)s Prison Prisonnier
de
la nuit mais plus libre qu’un ange prisonnier dans ta tête mais libre
3518
s Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier
d’
une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence
3519
on morte au tombeau des fleurs obscures les mains
de
l’absence se ferment sur le vide Tu pleurerais Mais la grâce est f
3520
leurerais Mais la grâce est facile comme un matin
d’
été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour
3521
comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée
de
ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été qui consent…
3522
d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme
de
cette nuit le jour d’un grand été qui consent… Ailleurs Colo
3523
ent dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour
d’
un grand été qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des ma
3524
ent… Ailleurs Colombes lumineuses des mains
de
mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne laissiez
3525
es mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que
d’
aucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est
3526
ucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes
de
mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoil
3527
res rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoile
de
jour Il naissait à son destin des rayons glissent et rient c’est
3528
rient c’est la caresse des anges parmi les formes
de
l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante
3529
e l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable
de
savoir la dansante liberté d’un désir à sa naissance L’étoile qui l
3530
le sourire adorable de savoir la dansante liberté
d’
un désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un
3531
issance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi
d’
un silence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce D
3532
eille au sommet ravi d’un silence c’est le miroir
d’
une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœu
3533
lence c’est le miroir d’une absence mais le signe
de
sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœur éclatant du jour scintille
3534
œur éclatant du jour scintillera l’invisible gage
d’
un amour perdu. s. « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de
3535
n amour perdu. s. « Prison. Ailleurs. Étoile
de
jour », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg,
3536
s. « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 5, mars 1929,
3537
Souvenirs
d’
enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)t Quand avec
3538
Souvenirs d’enfance et
de
jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)t Quand avec un air fin m
3539
peut se permettre quelques malices, quelques jeux
d’
esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous a
3540
ettre quelques malices, quelques jeux d’esprit ou
de
méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous avec le souri
3541
t ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais
d’
être absous avec le sourire par la clientèle des librairies romandes,
3542
par la clientèle des librairies romandes, en mal
de
cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Am
3543
entèle des librairies romandes, en mal de cadeaux
de
Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet
3544
librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou
de
première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet restera l’u
3545
ou de première communion. Parmi les compatriotes
d’
Amiel, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et q
3546
ue fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle
de
« ses quelques succès, si disproportionnés avec son mérite ». Il ajou
3547
vec son mérite ». Il ajoute : « j’ai eu la chance
de
discerner très jeune, avec une clairvoyance singulière, mes propres l
3548
lière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse
de
ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’économie bourgeoise qu
3549
esse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble
de
l’économie bourgeoise que cette administration exacte d’un petit capi
3550
onomie bourgeoise que cette administration exacte
d’
un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en de
3551
istration exacte d’un petit capital. Le contraire
de
la poésie, bien sûr. Mais on n’en demande pas tant dans les familles.
3552
souvent à ces récits : ce n’est point un paysage
d’
âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms connus. To
3553
ailleurs est élégant. Mais comme tout cela manque
de
chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vrai
3554
élégant. Mais comme tout cela manque de chair. Et
de
rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de p
3555
’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que
de
petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? t. «
3556
on ne se nourrissait vraiment que de petits mots
d’
esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? t. « Souvenirs d’en
3557
urrissait vraiment que de petits mots d’esprit et
de
malices ? Noisettes et cornichons ? t. « Souvenirs d’enfance et de
3558
ices ? Noisettes et cornichons ? t. « Souvenirs
d’
enfance et de jeunesse, par Philippe Godet », Revue de Belles-Lettres,
3559
tes et cornichons ? t. « Souvenirs d’enfance et
de
jeunesse, par Philippe Godet », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neu
3560
fance et de jeunesse, par Philippe Godet », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 6, avril 1929,
3561
Panorama
de
Budapest (23 mai 1929)b Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six
3562
Panorama de Budapest (23 mai 1929)b Passer
de
Vienne à Budapest, c’est, en six heures d’express, changer totalement
3563
Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six heures
d’
express, changer totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la
3564
’est, en six heures d’express, changer totalement
d’
atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté jol
3565
’express, changer totalement d’atmosphère, passer
de
la lassitude à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre p
3566
mosphère, passer de la lassitude à la turbulence,
d’
une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli
3567
’une propreté joliette à un désordre pittoresque,
d’
un scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des c
3568
La simple visite des cafés dans l’une et l’autre
de
ces capitales suffit à vous en donner la sensation : ce que vous pour
3569
sation : ce que vous pourrez voir durant le reste
de
votre séjour ne fera que confirmer cette première impression. Vienne
3570
on. Vienne : assis sur les banquettes rembourrées
de
profondes loges, les clients dégustent des cafés débordants de crème,
3571
loges, les clients dégustent des cafés débordants
de
crème, avec une apathie qu’aucun orchestre ne vient troubler, aucune
3572
tastrophe imminente, une révolution, le transfert
de
la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en gros
3573
nsfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles
de
l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien par s
3574
finira bien par s’arranger, comme au dernier acte
d’
une opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à l
3575
spondre à son état d’esprit le plus naturel. Mais
de
quoi vivent ces bourgeois aimables et insipides, qui passent des aprè
3576
ent des après-midi entiers devant les deux verres
d’
eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout
3577
nt les deux verres d’eau que le garçon renouvelle
de
temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de cr
3578
à lire des potins tout en essuyant une moustache
de
crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane vous emporte
3579
oustache de crème fouettée ? Budapest : une vague
de
musique tzigane vous emporte dès l’entrée. Un violon vient vous siffl
3580
ous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës
d’
une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus
3581
s d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité
de
la salle, par-dessus la rumeur des clients, le violoncelle répond de
3582
ssus la rumeur des clients, le violoncelle répond
de
sa voix profonde et passionnée, sous les roulades d’un cymbalum. Aux
3583
sa voix profonde et passionnée, sous les roulades
d’
un cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie,
3584
balum. Aux parois, la prière pour la résurrection
de
la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les porte
3585
pour la résurrection de la Hongrie, des portraits
de
lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : « Non ! non ! j
3586
« Non ! non ! jamais ! » Officiers élégants, tout
de
noir vêtus, belles femmes aux voix agréablement rauques… Sortez pour
3587
le… « Savez-vous qu’on nous a pris les deux tiers
de
notre pays ?… Non, non, jamais ! » La rue est sale à cause de la font
3588
n, jamais ! » La rue est sale à cause de la fonte
de
la neige (une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les
3589
vie les bottes que portent les femmes), encombrée
de
piétons qui traversent en tous sens, évitant vivement les trams qui s
3590
s qui déferlent sur les boulevards comme une nuée
d’
insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’
3591
Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas
d’
affiches rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à l’orientale
3592
tes du haut en bas d’affiches rouges et jaunes et
d’
inscriptions cascadantes, à l’orientale (on pense au mot bazar, qui so
3593
jaune aussi). Soudain se dresse une énorme maison
de
pierre brune, puis une banque en style hongrois, façade aux grandes l
3594
açade aux grandes lignes verticales, peinturlurée
de
bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursoufl
3595
grandes lignes verticales, peinturlurée de bleu,
d’
or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de pré
3596
lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’or et
de
violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions
3597
turlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue
de
pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Puis un pa
3598
t. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée
de
prétentions munichoises. Puis un palais gothique 1880, qui est le Par
3599
olidement amarrée à Pest par quatre énormes ponts
de
fer. Contre leurs piles, en hiver, viennent se briser avec un fracas
3600
viennent se briser avec un fracas sourd les îlots
de
glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur de Prophète chauve
3601
glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur
de
Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tom
3602
e. Au cœur de Prophète chauve s’élève la montagne
de
pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, f
3603
de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre
de
St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, froide et n
3604
on amiral régent et ses gardes blancs aux casques
d’
or s’avance en proue, dominant superbement cette ville désordonnée. De
3605
sont des rues silencieuses, provinciales, bordées
de
petits palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries
3606
a chez des gens qui vous ont reçu comme un cadeau
de
Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez que cette p
3607
eçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule
de
salutation — vous constatez que cette profusion de liqueurs légères f
3608
e salutation — vous constatez que cette profusion
de
liqueurs légères facilite singulièrement les rapports sociaux. On vou
3609
s vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée
d’
un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un
3610
. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour
d’
un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens q
3611
ropéen ne sait le faire, et dansent à tout propos
de
folles « czardas » qui deviennent tourbillonnantes et finissent en ch
3612
finissent en chutes ivres sur des divans couverts
de
coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dans le malheur, passi
3613
spoirs presque puérils et nostalgie des grandeurs
de
naguère, tout cela compose un visage romantique et ardent dont le voy
3614
voyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme
d’
une passion poétique un peu folle… b. « Panorama de Budapest », Jour
3615
ne passion poétique un peu folle… b. « Panorama
de
Budapest », Journal de Genève, Genève, n° 138, 23 mai 1929, p. 1-2.
3616
peu folle… b. « Panorama de Budapest », Journal
de
Genève, Genève, n° 138, 23 mai 1929, p. 1-2.
3617
pervielle, Saisir (juin 1929)ay Ce petit livre
de
poèmes est comme une initiation au silence. Il faut s’en approcher av
3618
isser créer en nous son silence particulier avant
d’
entendre les signes qu’il nous propose. Une telle poésie n’offre aux s
3619
ropose. Une telle poésie n’offre aux sens que peu
d’
images (à peine quelques « motifs », objets usuels et usés, sur la nua
3620
tifs », objets usuels et usés, sur la nuance mate
d’
un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’
3621
nois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions
de
l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache att
3622
décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que
de
l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache attendre que ton cœur
3623
mmobile et sache attendre que ton cœur se détache
de
toi comme une lourde pierre. » Le corps, que l’âme quitte, redevient
3624
minéral, statue dans le silence « aux yeux gelés
de
rêverie », il se confond avec l’ombre du monde. Et l’âme peut enfin «
3625
une autre lumière : « Tout semblait vivre au fond
d’
un insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus
3626
itre ! « Saisir » n’est-ce point l’acte essentiel
de
la poésie ? Toute poésie véritable n’est-elle pas proprement « saisis
3627
e » ? Mais le plus émouvant, c’est ici l’approche
d’
un silence partout pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat d
3628
pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat
de
notre esprit : « Car l’on pense beaucoup trop haut, et cela fait un v
3629
Saisir (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juin 1929, p. 762-763.
3630
La tour
de
Hölderlin (15 juillet 1929)n « Je lui ai raconté qu’il habite une
3631
nt des heures récite des odes grecques au murmure
de
l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’un piano dont il
3632
l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau
d’
un piano dont il a coupé les cordes, mais pas toutes, en sorte que plu
3633
ont il a cassé les cordes, c’est vraiment l’image
de
son âme ; j’ai voulu attirer là-dessus l’attention du médecin, mais i
3634
’attention du médecin, mais il est plus difficile
de
se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’hiver dernier, m’o
3635
u. » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement
d’
un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grav
3636
ion la plus grave — car il vécut dans ces marches
de
l’esprit humain qui confinent peut-être à l’Esprit et dont certains d
3637
à tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage
de
l’émouvante Bettina, rêvé sans doute assez profondément pour qu’aujou
3638
nt un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête
de
la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix l’appellen
3639
où tant de voix l’appellent, combien sont dignes
de
s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’est po
3640
s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue
de
feu qui s’est posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? — Un ad
3641
ui l’a consumé… Digne ? — Un adolescent au visage
de
jeune fille qui rimait sagement des odes à la liberté… Et voici dans
3642
e premier, quand Hölderlin doit quitter la maison
de
Madame Gontard12, déchirement à peine sensible dans son œuvre. Car ce
3643
n œuvre. Car ce poète n’est peut-être que le lieu
de
sa poésie, — d’une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur
3644
poète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, —
d’
une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur. Qui parle par
3645
ité presque effrayante. Vient le temps où le sens
de
son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il jette encore quelqu
3646
au moment où meurt Diotima, Hölderlin errant loin
d’
elle (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ;
3647
ima, Hölderlin errant loin d’elle (dans la région
de
Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’un coup l’en
3648
(dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé
d’
insolation ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillar
3649
aux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie
d’
un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allema
3650
n ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte
de
vieillard qui reparaît en Allemagne. Et durant trente années, ce pauv
3651
pauvre corps abandonné vivra dans la petite tour
de
Tubingue, chez un charpentier — vivra très doucement, inexplicablemen
3652
rès doucement, inexplicablement, une vie monotone
de
vieux maniaque. Le buisson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce q
3653
ne aux visiteurs venus pour contempler la victime
d’
un miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descend
3654
ime d’un miracle. — C’était l’époque des amateurs
de
ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de la ma
3655
peu au-dessous de la maison, en attendant l’heure
d’
ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai vite déco
3656
endant l’heure d’ouverture. Il y a là une station
de
canots de louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à
3657
eure d’ouverture. Il y a là une station de canots
de
louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’un
3658
vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté
d’
un « Hypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi un « Nietzsche
3659
vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle
d’
une longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaun
3660
à la main. L’un après l’autre, dans cette paresse
de
jour férié, les clochers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un
3661
e, dans cette paresse de jour férié, les clochers
de
la ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille
3662
chers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un
de
ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtr
3663
sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors
de
vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtraient immenses s’
3664
traient immenses s’ils n’étaient à demi encombrés
d’
armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propri
3665
? — (et comme je considère un ravissant médaillon
de
marbre) — Ça, c’est Diotima. » On rougirait à moins. — « Je ne puis p
3666
» On rougirait à moins. — « Je ne puis pas parler
de
lui, ici à Francfort, écrivait Bettina, car aussitôt l’on se met à ra
3667
menade, et le guide désigne familièrement l’image
d’
une femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Trois peti
3668
d’une femme par le nom qu’elle portait au mystère
de
l’amour… Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux, une pipe q
3669
mystère de l’amour… Trois petites fenêtres ornées
de
cactus miséreux, une pipe qui traîne sur l’appui ; le jardinet avec s
3670
Vingt-sept ans dans cette chambre, avec le bruit
de
l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fi
3671
ambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte
de
malade épuisé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde
3672
complainte de malade épuisé après un grand accès
de
fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeun
3673
puisé après un grand accès de fièvre… L’agrément
de
ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemp
3674
L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies
de
la jeunesse, voilà si longtemps, si longtemps qu’elles ont fui. A
3675
en, je n’aime plus vivre. Il y avait encore plus
de
paix que maintenant. La grande allée sur l’île n’existait pas, en fac
3676
s. Il voyait des prairies et des collines basses,
de
l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans
3677
prairies et des collines basses, de l’autre côté
de
l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la v
3678
et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit
de
la vie » — et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas de plaint
3679
et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas
de
plainte »… Vivait-il encore ? Ce lieu soudain m’angoisse. Mais le gar
3680
. Il ne vient pas tant de visiteurs, et seulement
de
2 à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts
3681
fée entre des maisons pointues et les contreforts
de
l’Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour le fou au prof
3682
je vois s’y engager chaque jour le fou au profil
de
vieille femme qui promène doucement dans cette calme Tubingue le secr
3683
ène doucement dans cette calme Tubingue le secret
d’
une épouvantable mélancolie. Les étudiants le rencontrent, qui montent
3684
ui montent au Séminaire protestant : il leur fait
de
grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse
3685
de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis
d’
une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À
3686
La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse
de
café au bord du Neckar, sous les marronniers. À quatre heures, l’orch
3687
ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons
de
mai. Les bateaux qui dérivent dans le voisinage se rapprochent, tourn
3688
ime pas les jeunes Doktors à lunettes, en costume
de
bain, qui pagayent vigoureusement, les dents serrées. (« Weg zur Kraf
3689
pas bien ramer et qui lisent des magazines au fil
de
l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des ad
3690
lafrés font des signes énergiques à une compagnie
de
cavaliers qui passe devant la statue d’Eberhard le Barbu. Des bourgeo
3691
compagnie de cavaliers qui passe devant la statue
d’
Eberhard le Barbu. Des bourgeois se rient contre par-dessus leurs chop
3692
tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon
de
poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans
3693
dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois
de
ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans cette ville, tou
3694
t seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose
de
terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux
3695
out le monde s’accorde à trouver malsain ce genre
de
tentatives : cela ne peut que mal finir. Ceux du bon sens hochent la
3696
a tête et citent la phrase la plus malencontreuse
de
Pascal : le « Qui veut faire l’ange… » a autorisé des générations de
3697
i veut faire l’ange… » a autorisé des générations
de
« bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dan
3698
geois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit
de
l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais que
3699
la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche
de
certains, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche du médiocre
3700
âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air
de
je ne sais quelle revanche du médiocre dont ils se sentent bénéficiai
3701
mme cela on est mieux pour donner le coup de pied
de
l’âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus
3702
» Ô cette chambre, où pénètre la facilité atroce
de
cette fin d’après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d
3703
ambre, où pénètre la facilité atroce de cette fin
d’
après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle es
3704
fin d’après-midi, ces musiquettes et ces parfums
de
fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un
3705
midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et
d’
eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soi
3706
urs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde,
de
ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facili
3707
des à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique
de
la facilité, c’est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle
3708
à beau fixe. Pourquoi troubler le miroir innocent
de
ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est-ce qu’ils ne sou
3709
our leur donne une petite fièvre, — cette semaine
de
leur jeunesse où ils ont cru pressentir de grandes choses généreuses
3710
emaine de leur jeunesse où ils ont cru pressentir
de
grandes choses généreuses autour d’eux… Cela s’oublie. Et l’amour, to
3711
ru pressentir de grandes choses généreuses autour
d’
eux… Cela s’oublie. Et l’amour, tout justement, nous fait comprendre,
3712
e : déjà je leur échappe — je t’échappe ô douceur
de
vivre ! Tout redevient autour de moi insuffisant, transitoire, allusi
3713
iotima de l’Hypérion et des poèmes. n. « La tour
de
Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neuchâtel, n° 18,
3714
lderlin », La Quinzaine artistique et littéraire,
Neuchâtel
, n° 18, 15 juillet 1929, p. 354-356.
3715
éger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge
de
la folie nous entraînait naguère. Jean Cassou vagabonde à travers ses
3716
res avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout
de
chemin, Hans le gardeur d’oies, le gueux Joseph qui parle à son chien
3717
te pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur
d’
oies, le gueux Joseph qui parle à son chien en mourant, une fille qui
3718
fait les mêmes, des bonheurs qui signifient plus
de
désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’est un dévergondage sentimental,
3719
doutent… C’est un dévergondage sentimental, plein
de
malices et d’envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois da
3720
un dévergondage sentimental, plein de malices et
d’
envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons
3721
gondage sentimental, plein de malices et d’envies
de
pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons des gran
3722
ais bien vite un intermède bouffon, impossible et
d’
une désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où les
3723
es personnages ont cet air un peu ivre et capable
de
n’importe quoi, cet air dangereux et tendre que prennent les hommes e
3724
ages du livre, un peu amers… On voudrait un livre
de
Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci d
3725
oudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que
de
ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extérieure ; qui
3726
ou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur
de
tout souci de vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention,
3727
it fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci
de
vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention, qui inventerai
3728
nvention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un
de
ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que le mon
3729
venterait sa vérité. Ce serait un de ces miracles
de
liberté dont nous avons besoin pour croire que le monde actuel n’est
3730
as un cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre
de
Jean Cassou, et singulièrement dans ce livre, beaucoup de ces petites
3731
re, beaucoup de ces petites merveilles qui valent
de
gros romans « bien faits ». Car il y a toujours assez de vérité dans
3732
romans « bien faits ». Car il y a toujours assez
de
vérité dans une histoire où il y a de la poésie. az. « Jean Cassou
3733
jours assez de vérité dans une histoire où il y a
de
la poésie. az. « Jean Cassou : La Clef des songes (Émile-Paul, Pari
3734
Paul, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, août 1929, p. 248-249.
3735
eignaient les upanishads et la tentative poétique
de
Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’
3736
ue de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus
d’
un demi-siècle pour qu’une telle interprétation voie le jour. Cela pou
3737
étation voie le jour. Cela pourrait donner lieu à
de
mélancoliques réflexions sur le génie « poétique » français… Mais non
3738
français… Mais non, nous préférons voir ici l’un
de
ces signes qui de toutes parts annoncent une rentrée de l’âme dans la
3739
signes qui de toutes parts annoncent une rentrée
de
l’âme dans la littérature la plus spirituelle du monde. La thèse que
3740
pirituelle du monde. La thèse que défend l’auteur
de
cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il es
3741
èse que défend l’auteur de cet essai — la voyance
de
Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réf
3742
ur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une
de
ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps
3743
Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon
de
proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour faite hont
3744
vidences qu’il est bon de proposer à la réflexion
de
notre temps, ne fût-ce que pour faite honte à ceux qui sont encore ca
3745
pour faite honte à ceux qui sont encore capables
d’
une telle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être le plus mo
3746
ceux qui sont encore capables d’une telle honte,
de
leur indifférence à l’endroit de l’être le plus monstrueusement pur q
3747
eusement pur qui se soit révélé par le truchement
de
la poésie française. — Livre un peu didactique, trop attentif à sa pr
3748
é par cet enthousiasme sacré que requiert l’œuvre
de
Rimbaud. Regrettons seulement qu’il n’élargisse pas plus une question
3749
ssi centrale — qui est, si l’on veut, la question
d’
Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité de sectaire contre l’inte
3750
on d’Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité
de
sectaire contre l’interprétation proposée par Claudel et Isabelle Rim
3751
baud ? Si Claudel s’est montré partial en faisant
de
Rimbaud, « mystique à l’état sauvage », un catholique qui s’ignore, i
3752
olique qui s’ignore, il n’est pas plus admissible
d’
inférer du mépris de Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour la
3753
il n’est pas plus admissible d’inférer du mépris
de
Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour la révélation évangéli
3754
évélation évangélique. Je ne vois là que l’indice
d’
une confusion bien française, hélas. ba. « André Rolland de Renévill
3755
reil, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, août 1929, p. 250-251. bb. Le féminin est ici conser
3756
Julien Benda, La Fin
de
l’Éternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure de venir prendre
3757
ternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure
de
venir prendre position dans un débat où les voix les mieux écoutées o
3758
les avaient à dire. Et d’autre part, les lecteurs
de
cette revue connaissent la thèse de la Trahison des Clercs 11, thèse
3759
les lecteurs de cette revue connaissent la thèse
de
la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que
3760
e de la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin
de
l’Éternel ne fait que reprendre la défense contre ses adversaires de
3761
t que reprendre la défense contre ses adversaires
de
tous bords. Je voudrais souligner seulement la beauté de l’effort dés
3762
bords. Je voudrais souligner seulement la beauté
de
l’effort désintéressé de Julien Benda, et l’obligation où nous sommes
3763
gner seulement la beauté de l’effort désintéressé
de
Julien Benda, et l’obligation où nous sommes tous désormais de répond
3764
da, et l’obligation où nous sommes tous désormais
de
répondre pour nous-mêmes à sa mise en demeure. Je suis loin de partag
3765
emeure. Je suis loin de partager toutes les idées
de
M. Benda, sur le plan philosophique en particulier, où je me sens bie
3766
son tour quand il tire argument contre une thèse
de
M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand c
3767
nd il tire argument contre une thèse de M. Marcel
de
ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand cela serait !
3768
t, de plus impertinents que moi ne manqueront pas
de
faire observer que la « fin de l’éternel », la chute de l’idée dans l
3769
ne manqueront pas de faire observer que la « fin
de
l’éternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exa
3770
re observer que la « fin de l’éternel », la chute
de
l’idée dans la matière, est un phénomène exactement aussi vieux que l
3771
a un sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue
de
la raison ratiocinante tout comme si elle n’était pas le contraire de
3772
nante tout comme si elle n’était pas le contraire
de
la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classe
3773
mme si elle n’était pas le contraire de la Raison
de
Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classer choses et i
3774
t-à-dire fausses mais claires, qui lui permettent
de
triompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon de la difficulté e
3775
qui lui permettent de triompher syllogistiquement
de
l’adversaire, sinon de la difficulté elle-même. Mais pour gênante que
3776
riompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon
de
la difficulté elle-même. Mais pour gênante que soit souvent son adres
3777
e. Mais pour gênante que soit souvent son adresse
de
logicien, elle ne doit pas nous masquer l’audace tranquille et admira
3778
pas nous masquer l’audace tranquille et admirable
de
son point de vue radicalement antimoderne, parce que désintéressé. C’
3779
re, c’est l’impossible. Mais justement, la gloire
de
M. Benda sera d’avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui deman
3780
sible. Mais justement, la gloire de M. Benda sera
d’
avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui demande l’impossible.
3781
e croirait n’en avoir plus besoin. Cet extrémisme
de
la pensée intemporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes de dro
3782
emporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes
de
droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui
3783
butte aux sarcasmes des extrémistes de droite et
de
gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui me viennent
3784
et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms
de
clowns qui me viennent l’esprit : Julien Benda… », écrit Aragon. Et D
3785
ons sont exactement celles qu’il fallait attendre
de
ces auteurs. Ce qu’on ne viendra pas disputer à M. Benda, c’est son d
3786
ndra pas disputer à M. Benda, c’est son dur amour
de
la vérité tout court. Celle-là même qui paraît anarchique dans un mon
3787
. Rien, pas même la religion. 11. Cf. l’article
de
M. Daniel Halévy (décembre 1927) et la réponse de M. Benda (janvier 1
3788
de M. Daniel Halévy (décembre 1927) et la réponse
de
M. Benda (janvier 1928). bc. « Julien Benda : La Fin de l’Éternel (N
3789
enda (janvier 1928). bc. « Julien Benda : La Fin
de
l’Éternel (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genèv
3790
ternel (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, novembre 1929, p. 638-639.
3791
Soudain il lui pousse des ailes, une grande paire
d’
ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà Freud expliquait le monstre
3792
le dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela
d’
un romantisme ! ma chère, d’un mauvais goût ! Cependant le jeune homme
3793
euses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère,
d’
un mauvais goût ! Cependant le jeune homme agitait ses ailes non sans
3794
iles non sans une ingénue fierté. Mais au courant
d’
air s’enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi,
3795
ourant d’air s’enrhuma le grand-papa. On craignit
de
le perdre. — « Eh ! quoi, — vinrent lui dire ses amis, — l’orgueil t’
3796
inconsolables, ô sans cœur, ô pervers, ô disciple
de
Nietzsche ! » — Sous le poids de cette accusation, comment ne point c
3797
vers, ô disciple de Nietzsche ! » — Sous le poids
de
cette accusation, comment ne point céder : il fit couper ses ailes. O
3798
t céder : il fit couper ses ailes. On le félicita
de
son retour à l’état normal, qui est pédestre. Mais à partir de ce jou
3799
Dieu, dans sa pitié, leur envoya un ange porteur
d’
une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand R
3800
le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements
de
rage ne tardèrent point à s’élever de toutes parts. Les uns défendaie
3801
ie outragée, les autres disaient qu’il n’y a plus
de
morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qu
3802
plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon
de
trancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’on ne lui fît u
3803
nom d’une secte orientale. Aussitôt la discussion
de
reprendre, et l’on parla défense de l’Occident. L’ange s’enfuit par l
3804
dent. L’ange s’enfuit par l’un des nombreux trous
de
leurs raisonnements. L’inspiration Comme le poète terminait sa
3805
Comme le poète terminait sa théorie sur la nature
de
l’inspiration, un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un fi
3806
ïne, mais sans espoir. Il lui écrivit, en sortant
de
là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant i
3807
rivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine
de
couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde ass
3808
Ayant demandé un timbre pour attirer l’attention
de
la femme blonde — sans résultat —, il écrivit une adresse réelle, et
3809
usable de la part d’un poète en état, sans doute,
d’
inspiration. Je trouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes un
3810
veloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration
d’
amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’e
3811
tion est le nom qu’on donne en poésie à une suite
de
malentendus heureusement enchaînés. » Cette histoire, en effet, lui v
3812
re social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 1, novembre 19
3813
écrire en quarante petites pages tous les méfaits
de
l’instruction publique. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre
3814
que. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre
de
grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruc
3815
r ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet
de
l’instruction publique deux petits livres1 excellents dont je considè
3816
je considère les thèses comme acquises : L’Éloge
de
l’ignorance, de M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfan
3817
s thèses comme acquises : L’Éloge de l’ignorance,
de
M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants, d’Henri Roor
3818
Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants,
d’
Henri Roorda. Le premier montre que la science apprise à l’école appau
3819
ue la science apprise à l’école appauvrit l’homme
de
tout ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que
3820
t, et ne lui donne à la place que des laideurs et
de
la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bon sens bafoué e
3821
ens bafoué et qui s’en moque, décrit la stupidité
de
l’enseignement tel qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein
3822
. J’apporte un témoignage personnel, une réaction
de
tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me
3823
tempérament. Je marque d’autre part la nécessité
de
tout cela qui me blesse, la liaison fatale avec la démocratie, de tou
3824
me blesse, la liaison fatale avec la démocratie,
de
tout ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autr
3825
out ce qui moleste ma liberté et sans doute celle
de
beaucoup d’autres à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous un
3826
à sécrétion socialiste qui a été établi par coup
de
force, que les libéraux ont admis, conformément à leurs maximes, et t
3827
et toléré malgré leur mauvaise humeur. Ce régime
de
punaises jaunâtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle p
3828
e existence. Je l’ai subi ; l’on va voir comment.
De
pareils souvenirs légitiment toutes les haines. Je serai méchant, par
3829
reproche auquel je compte ne pas échapper : celui
de
naïveté. Définition du naïf dans le monde moderne : individu qui sout
3830
lus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent
d’
être complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’est en fait
3831
à-dessus, ces messieurs se lamentent, la jeunesse
d’
aujourd’hui, etc. Évidemment. Mais il y a les jérémiades et il y a les
3832
jérémiades et il y a les raisons. Hors le domaine
de
l’amour, où tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas un argum
3833
gémir n’est pas un argument. Je demande le droit
de
démolir. Et me l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pa
3834
rde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pas
de
proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce
3835
oser une nouvelle forme politique. Je me contente
de
vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on
3836
ée, on la renvoie, même si l’on n’est pas capable
d’
en faire soi-même une meilleure. Mais j’aperçois là-bas, vautré derriè
3837
dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler,
de
grâce mettez-lui les mains sur la bouche ! Donnez-lui sa choucroute,
3838
ève pour mettre en doute l’excellence du principe
de
l’instruction publique, on crie sur tous les bancs : « Alors, vous êt
3839
ndique un mépris vraiment exagéré pour la jugeote
de
l’adversaire ou s’il traduit simplement cette mauvaise foi pas même c
3840
iente, cette lâcheté devant la discussion précise
de
leurs principes par quoi se signalent bien souvent nos tolérants par
3841
je ne sais. Mais je m’attends à cent « réponses »
de
cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories
3842
le compte sommairement. Cela n’empêchera personne
de
me resservir ces arguments, bien que dûment prévus et réduits à néant
3843
prévus et réduits à néant ici même ; mais — gain
de
temps — je n’aurai plus qu’à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. R
3844
réponds : 1° qu’ils ne peuvent me dénier le droit
de
juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même de leur sceptic
3845
r ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même
de
leur scepticisme quant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser
3846
ant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser
de
faire une critique dangereuse. 3° que néanmoins je crois à l’efficace
3847
angereuse. 3° que néanmoins je crois à l’efficace
de
certaines utopies. (Les religions, la découverte de l’Amérique par Ch
3848
certaines utopies. (Les religions, la découverte
de
l’Amérique par Christophe Colomb, l’Europe napoléonienne, la Russie d
3849
des frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas
de
le dire : l’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit d’aller
3850
’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit
d’
aller contre l’époque, et on le peut efficacement. 2° Rira bien qui ri
3851
infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans
d’
une démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de
3852
gressiste et tolérante qui se livrent à ces excès
de
langage, je les renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet
3853
es renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai
de
cet aspect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Ce
3854
ect du problème que l’on peut appeler la question
de
droit. Certains, en effet, tirent toute leur force dans les discussio
3855
fet, tirent toute leur force dans les discussions
de
la tranquillité avec laquelle ils brouillent les faits et les princip
3856
ts et les principes. Tourmentés par les scrupules
de
leur conscience libérale, ils fuient la rigueur jusque dans leurs rai
3857
gements, même violents, que cela ne manque jamais
de
provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du f
3858
cela ne manque jamais de provoquer, je me propose
de
marquer ici la distinction classique du fait et du droit ; et c’est p
3859
ue dans ses réalisations actuelles, puis au terme
de
ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant d
3860
ce recensement lamentable, je poserai la question
de
savoir si tant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être lég
3861
erai la question de savoir si tant de laideurs et
d’
outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre
3862
bon sens peuvent être légitimés par le but final
de
notre institution-tabou. 1. Je ne puis naturellement pas mentionner
3863
les ouvrages scientifiques. Les meilleurs sortent
de
l’Institut Rousseau.
3864
des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs
de
classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux de leur enfance et les
3865
de classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux
de
leur enfance et les font indûment participer de la même grâce. Voyez
3866
x de leur enfance et les font indûment participer
de
la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’«
3867
er de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie
de
nous faire croire qu’« il n’y a rien au-dessus » de la tâche des inst
3868
nous faire croire qu’« il n’y a rien au-dessus »
de
la tâche des instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, e
3869
au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire
de
ces belles analyses logiques, et grammaticales, où tout retombait dro
3870
es, et grammaticales, où tout retombait droit… Et
de
ces beaux problèmes d’arithmétique où il fallait si soigneusement sép
3871
ù tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes
d’
arithmétique où il fallait si soigneusement séparer les calculs du rai
3872
es deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle
d’
occupation), (après combien d’heures…) ; et il y avait toujours des ap
3873
r ensemble), (drôle d’occupation), (après combien
d’
heures…) ; et il y avait toujours des appartements à meubler. Et on mu
3874
aire ici du sentiment, je suis sensible au charme
de
cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quin
3875
taisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier
de
la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnets hebdomad
3876
s bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait
de
mauvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et une semonce à nous
3877
monce à nous gâter toute une journée. Une journée
d’
enfance gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par le prix du m
3878
embrouille les règles, qui a sommeil, qui a peur
de
faire faux, parce que les autres auront fait juste, et qui voudrait b
3879
nce à gratter son ardoise où sèchent des traînées
de
craie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’est cela l’en
3880
? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond
de
jardin où l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’une tent
3881
l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée
d’
une tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemi
3882
des cloportes dans la toile mouillée d’une tente
d’
Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des all
3883
alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs
de
peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout pro
3884
, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins
de
dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue
3885
s de dimanche sonores et tout propres, la cuiller
d’
huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gr
3886
anche sonores et tout propres, la cuiller d’huile
de
foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement
3887
nores et tout propres, la cuiller d’huile de foie
de
morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement des chos
3888
asse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils
de
vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en automne
3889
el Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours
de
carrousel, les chemins dans la forêt en automne, des jeux, des feuill
3890
incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée
d’
une très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans le
3891
omenades en tenant la forte main du père qui fait
de
longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’
3892
de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert
de
souvenirs, n’est qu’une dissonance douloureuse2. Deux angoisses domin
3893
ît chaque jour, je pense que tout cela tient trop
de
place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette
3894
même chose, ici ! » Dans la suite, on se chargea
d’
illustrer par d’innombrables exemples cet axiome qui devint la formule
3895
! » Dans la suite, on se chargea d’illustrer par
d’
innombrables exemples cet axiome qui devint la formule de mes première
3896
brables exemples cet axiome qui devint la formule
de
mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avai
3897
de mes premières douleurs morales. Après six ans
de
ce régime, on m’avait suffisamment rabroué pour que je ne montrasse p
3898
oué pour que je ne montrasse plus aucune velléité
d’
originalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfa
3899
lfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge
de
18 ans, crispé et méfiant, sans cesse en garde contre moi-même à caus
3900
profondément hypocrite donc, et le cerveau saturé
d’
évidences du type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être éga
3901
fois deux quatre, c’est stérile, mais ça ne fait
de
mal à personne, et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans un
3902
is un jour qu’elle contient la cause déterminante
de
notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette
3903
peut-être des découvertes qui eussent ruiné trop
de
certitudes apprises. Enfin j’ouvris, c’est-à-dire que je me posai la
3904
vissement. Je songeai aux vertueuses indignations
de
nos maîtres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducati
3905
tres quand ils dénonçaient « la marque indélébile
de
l’éducation jésuite ». Nous étions marqués par Numa Droz et les manue
3906
sprit petit-bourgeois, qui est une généralisation
de
l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisati
3907
dogmes démocratiques, qui sont une généralisation
de
la règle de trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut pa
3908
ratiques, qui sont une généralisation de la règle
de
trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut par les jésuit
3909
uites : du moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez
de
verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on av
3910
moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verdeur
d’
esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé e
3911
sez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager
de
leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts de la révolte e
3912
empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts
de
la révolte et de la libération d’une personnalité : l’imagination, le
3913
avait brisé en nous ces ressorts de la révolte et
de
la libération d’une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitr
3914
us ces ressorts de la révolte et de la libération
d’
une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens d
3915
ation d’une personnalité : l’imagination, le sens
de
l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix
3916
l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens
de
la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était d
3917
ens de la relativité des décrets humains. Le prix
de
mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immorte
3918
ié, si évident, si parfaitement soumis aux règles
d’
une arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait
3919
ur lequel on nous préparait —, c’était un système
d’
abstractions primaires, c’était le rêve raisonnablement organisé des e
3920
s et rassis3 qui tiennent aujourd’hui les charges
de
l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder pa
3921
ennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers
d’
un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont ét
3922
oder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte
de
leurs besoins. Nous ne croyions plus aux démons, mais à la Commission
3923
mais à la Commission scolaire. Nous n’avions plus
de
« superstitions grossières » comme celles qui touchent à l’action des
3924
e trompent que les illettrés, mais qu’il convient
de
s’incliner devant les miracles de la science appliquée. On nous faisa
3925
qu’il convient de s’incliner devant les miracles
de
la science appliquée. On nous faisait voir tout au long de notre hist
3926
ence appliquée. On nous faisait voir tout au long
de
notre histoire le Progrès constant de l’humanité vers les lumières, l
3927
out au long de notre histoire le Progrès constant
de
l’humanité vers les lumières, l’incrédulité et le bien-être matériel.
3928
et le bien-être matériel. Nous savions qu’un fils
d’
ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous
3929
iel. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal
d’
un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire qu
3930
Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher
de
croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nous savions un tas
3931
rendait agressif. Mais moi, j’avais trop souffert
de
cette compression morale pour, une fois matériellement délivré, en su
3932
as plus tôt découvert et nommé cet asservissement
de
l’esprit et ces mythes stériles, que je les rendis responsables de ma
3933
s mythes stériles, que je les rendis responsables
de
ma perte de contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie
3934
riles, que je les rendis responsables de ma perte
de
contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie. 2. Dans
3935
e contact avec les réalités les plus élémentaires
de
la vie. 2. Dans le cas le plus favorable, c’est un silence, un vide
3936
ption du monstre Le service militaire me permit
de
retrouver quelques-unes de ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieur
3937
ce militaire me permit de retrouver quelques-unes
de
ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues d’anciens c
3938
ités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues
d’
anciens camarades d’école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’en
3939
aussi plusieurs têtes connues d’anciens camarades
d’
école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’autant mie
3940
imaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait
d’
autant mieux qu’on était devenus plus différents. Car ces différences
3941
s. Car ces différences sont les premières marques
de
la vie vécue et l’on aime à y découvrir la seule fraternité véritable
3942
ougé. Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis
de
l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de
3943
ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur :
de
l’un à l’autre il n’y a pas de solution de continuité, la différence
3944
u’un instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas
de
solution de continuité, la différence n’étant qu’une question d’âge,
3945
teur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solution
de
continuité, la différence n’étant qu’une question d’âge, non d’expéri
3946
continuité, la différence n’étant qu’une question
d’
âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injust
3947
la différence n’étant qu’une question d’âge, non
d’
expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux d
3948
s doute injuste et faux dans un très grand nombre
de
cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’instituteur sous l’unif
3949
ès grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie
de
le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par son inco
3950
ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante
d’
être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une faço
3951
dante d’être consciencieux, à une façon blessante
d’
être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une fa
3952
blessante d’être supérieur, à une façon livresque
d’
expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces di
3953
que d’expliquer les choses, à une façon théorique
de
juger les êtres. Ces distributeurs automatiques (brevetés par le gouv
3954
teurs automatiques (brevetés par le gouvernement)
de
la manne égalitaire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils
3955
de la manne égalitaire — ne se prennent pas pour
de
la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsa
3956
t pas pour de la petite bière. Ils ont conscience
d’
appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire
3957
’appartenir à une élite responsable, cela se voit
de
loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils mépris
3958
isent le plus, et ils auraient souvent l’occasion
de
s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne
3959
s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses
de
l’ironie paysanne. Mais je n’en dirai pas plus, de peur de m’échauff
3960
ait un peu, je crois que je m’oublierais au point
d’
insinuer que les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armé
3961
nuer que les instituteurs galonnés causent autant
de
tort à l’armée que les instituteurs antimilitaristes qui signent des
3962
des manifestes en mauvais français — et je ferais
de
la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. Au village, quand
3963
en mauvais français — et je ferais de la peine à
d’
excellents garçons. Revenons au civil. Au village, quand on vous parle
3964
lage, quand on vous parle avec respect et trémolo
d’
un môssieu très instruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’un
3965
instruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit
d’
un de ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des farces où il
3966
ruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’un
de
ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des farces où ils son
3967
violette, périodiquement, comme on fait… un rhume
de
cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a des idées modernes sur t
3968
ment, comme on fait… un rhume de cerveau. Il joue
de
quelque instrument. Il a des idées modernes sur tous les sujets, espé
3969
articuliers : cheveux longs, regard profond voilé
de
douceur. Car le type populaire du poète romantique s’est dégradé en d
3970
allusion au lieutenant-instituteur qui veut faire
de
la pédagogie avec sa section. L’instituteur-lieutenant qui veut trait
3971
ui veut traiter militairement ses élèves témoigne
de
la même maladresse professionnelle. J’en connaissais un qui avait cou
3972
ssionnelle. J’en connaissais un qui avait coutume
de
dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater le
3973
aissais un qui avait coutume de dire à une classe
de
garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de
3974
qui avait coutume de dire à une classe de garçons
de
10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section,
3975
11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes
de
ma section, je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mene
3976
ous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous
de
la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit
3977
urs : ils sortent tous de la même classe sociale,
de
la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprèg
3978
, ou bien préexiste-t-il dans les principes mêmes
de
l’École, et attire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Num
3979
ttire-t-il les petits bourgeois comme le portrait
de
Numa Droz attirait les mouches ? (Le verre en était toujours jaune.)
3980
t toujours jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie
de
dire du mal des petits bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathique
3981
si sympathiques que n’importe quelle autre classe
de
la société. Mais l’esprit petit-bourgeois pris abstraitement et tel q
3982
este dans l’école primaire est un véritable virus
de
mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autre
3983
telle. C’est celle même du régime. l’architecture
de
nos « palais scolaires ». symbolise d’une façon frappante ce qu’il y
3984
chitecture de nos « palais scolaires ». symbolise
d’
une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la
3985
s ». symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a
de
schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde.
3986
ne façon frappante ce qu’il y a de schématique et
de
monotone dans la conception démocratique du monde. Entrons, c’est pir
3987
ue du monde. Entrons, c’est pire encore. Beaucoup
d’
enfants ont un frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son
3988
st pire encore. Beaucoup d’enfants ont un frisson
de
dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de
3989
on de dégoût au moment de passer la porte, au son
de
la cloche : l’odeur de goudron et d’urinoirs qui imprègne les corrido
3990
de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur
de
goudron et d’urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des éc
3991
orte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et
d’
urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des écoliers empeste
3992
—, les estampes piquées, Numa Droz et ses crottes
de
mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre vie, citoyens
3993
de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années
de
votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est un grand progrès sur l
3994
Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatrice
d’
un tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la
3995
us la voyons est semblable à tous ces monuments «
de
la mauvaise époque » qui sont dans nos villes l’apport du xixe siècl
3996
ue le style 1880 n’en est pas un : mais l’absence
de
style est encore un style ; c’est même le pire.
3997
Ayant épanché un peu de ma rancune, à seule fin
de
montrer pour quelles raisons j’ai entrepris de combattre l’instructio
3998
in de montrer pour quelles raisons j’ai entrepris
de
combattre l’instruction publique — on ne me contestera pas ces raison
3999
absolument personnelles et qu’elles ont la valeur
d’
un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un
4000
que je fasse passer un petit examen aux principes
de
cette institution passionnément détestée. Vous allez voir comme il ba
4001
sonnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste
de
dire que la passion n’a qu’une clairvoyance intéressée : mais celles-
4002
he point l’équité. Pas plus que vous qui défendez
de
parti pris ce que j’attaque. L’esprit d’équité, avec son préjugé paci
4003
défendez de parti pris ce que j’attaque. L’esprit
d’
équité, avec son préjugé pacifiste n’est pas toujours l’esprit de véri
4004
son préjugé pacifiste n’est pas toujours l’esprit
de
vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la v
4005
esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas
de
ceux qui subordonnent la vérité à la tranquillité bourgeoise. Je tien
4006
à la tranquillité bourgeoise. Je tiens le « gain
de
paix » pour illusoire : il consiste à repousser la difficulté dans l’
4007
consiste à repousser la difficulté dans l’avenir,
d’
une ou deux générations. Pendant ce temps elle s’aggrave, et nous voic
4008
mps elle s’aggrave, et nous voici avec l’héritage
de
cinquante ans de radicalisme sur les bras. L’écheveau est tellement e
4009
e, et nous voici avec l’héritage de cinquante ans
de
radicalisme sur les bras. L’écheveau est tellement embrouillé que déj
4010
tellement embrouillé que déjà plusieurs proposent
de
trancher le nœud. Je me bornerai à l’examen des caractères les plus g
4011
nerai à l’examen des caractères les plus généraux
de
l’instruction publique, ceux que n’atteignent dans leur principe ni l
4012
e n’atteignent dans leur principe ni les réformes
de
détail ni les modalités locales de réalisations pratiques. Le progr
4013
i les réformes de détail ni les modalités locales
de
réalisations pratiques. Le programme a) l’horaire : c’est un cad
4014
étéroclites, sans égard à leurs qualités propres.
De
8 à 9 arithmétique ; de 9 à 10 composition, etc. Ces disciplines se s
4015
à leurs qualités propres. De 8 à 9 arithmétique ;
de
9 à 10 composition, etc. Ces disciplines se succèdent sans transition
4016
ortuit, de manière à prévenir toute concentration
de
l’esprit. b) plan d’études. On a divisé l’enseignement en branches bi
4017
prévenir toute concentration de l’esprit. b) plan
d’
études. On a divisé l’enseignement en branches bien distinctes. On att
4018
stinctes. On attribue à chacune un certain nombre
d’
heures par semaine, au jugé. On s’arrange à faire tenir dans cette cla
4019
tenir dans cette classification le plus possible
de
« connaissances » qui dès lors deviennent obligatoires. La somme et l
4020
ers. Ce plan régit les huit années réglementaires
de
la scolarité, et englobe la totalité de la science nécessaire à tout
4021
mentaires de la scolarité, et englobe la totalité
de
la science nécessaire à tout citoyen, dans une vue aussi large que si
4022
Remarquons qu’il suffit pour établir ce programme
de
disposer d’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’une règle
4023
u’il suffit pour établir ce programme de disposer
d’
une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’une règle (pour divis
4024
r ce programme de disposer d’une ou deux feuilles
de
papier, d’un crayon et d’une règle (pour diviser la page en casiers r
4025
mme de disposer d’une ou deux feuilles de papier,
d’
un crayon et d’une règle (pour diviser la page en casiers rectangulair
4026
d’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et
d’
une règle (pour diviser la page en casiers rectangulaires, bien propre
4027
, bien proprement.) Évidemment, il est préférable
de
savoir aussi les noms des sciences élémentaires. Mais il n’est en auc
4028
ntaires. Mais il n’est en aucune façon nécessaire
de
connaître la psychologie des enfants, ni même le contenu des sciences
4029
ns voudrait que l’on tînt compte des possibilités
d’
adaptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale de ces disciplines
4030
ue l’on tînt compte des possibilités d’adaptation
de
l’enfant ; de la valeur fort inégale de ces disciplines ; de la diver
4031
ompte des possibilités d’adaptation de l’enfant ;
de
la valeur fort inégale de ces disciplines ; de la diversité des besoi
4032
daptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale
de
ces disciplines ; de la diversité des besoins ; enfin des rythmes nat
4033
; de la valeur fort inégale de ces disciplines ;
de
la diversité des besoins ; enfin des rythmes naturels de l’esprit hum
4034
iversité des besoins ; enfin des rythmes naturels
de
l’esprit humain, qu’il se trouve que le Créateur n’a point accordés à
4035
eux. D’ailleurs, les enfants ne se plaignent pas,
de
quoi vous plaignez-vous, vous ? — Mais on fausse l’esprit de ces enfa
4036
s plaignez-vous, vous ? — Mais on fausse l’esprit
de
ces enfants… — Mais on nous paye, et ils n’en meurent pas. Les exa
4037
ndes épreuves cyclistes. Les participants du Tour
de
Science doivent s’inscrire au terme de chaque trimestre. Ceux qui arr
4038
ts du Tour de Science doivent s’inscrire au terme
de
chaque trimestre. Ceux qui arrivent après la clôture ont à refaire l’
4039
herie est difficile, tandis qu’à l’école elle est
de
règle. Car la qualité et la quantité des réponses « fournies » par le
4040
ertant s’explique justement par cette psychologie
de
l’enfant dont je disais tout à l’heure que la connaissance n’est pas
4041
ut à l’heure que la connaissance n’est pas exigée
de
ceux qui établissent les programmes et les examens. « Les examens fau
4042
ens. « Les examens faussent complètement l’esprit
de
l’enseignement », lit-on jusque sous la plume de divers maîtres prima
4043
ires. Ils n’en sont pas moins devenus le but même
de
l’instruction ; la fin qui justifie les moyens et à quoi l’on subordo
4044
travail, qualité du travail, santé, liberté, sens
de
la justice et autres balivernes, instruction véritable et autres plai
4045
es, instruction véritable et autres plaisanteries
de
gros calibre, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’agit,
4046
ies de gros calibre, car à la vérité ce n’est pas
d’
enseigner qu’il s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l
4047
érité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’agit, mais
de
soumettre les esprits au contrôle de l’État, voyons donc, — n’avez-vo
4048
s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle
de
l’État, voyons donc, — n’avez-vous pas honte de vous faire rappeler s
4049
e de l’État, voyons donc, — n’avez-vous pas honte
de
vous faire rappeler sans cesse des vérités aussi élémentaires. L’é
4050
mentaires. L’égalitarisme des connaissances
De
l’existence des programmes, qui est un fait, et de l’existence de la
4051
e l’existence des programmes, qui est un fait, et
de
l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (réservons le mo
4052
es programmes, qui est un fait, et de l’existence
de
la Démocratie, qui est une prétention (réservons le mot d’idéal), déc
4053
ocratie, qui est une prétention (réservons le mot
d’
idéal), découle cette exigence théorique : tous les enfants doivent à
4054
enfants doivent à tout instant être en mesure 1°
d’
ingurgiter la même quantité de « matière » ; 2° d’en rendre compte de
4055
t être en mesure 1° d’ingurgiter la même quantité
de
« matière » ; 2° d’en rendre compte de la même façon, dans le même te
4056
d’ingurgiter la même quantité de « matière » ; 2°
d’
en rendre compte de la même façon, dans le même temps. Contentons-nous
4057
e quantité de « matière » ; 2° d’en rendre compte
de
la même façon, dans le même temps. Contentons-nous de remarquer que c
4058
a même façon, dans le même temps. Contentons-nous
de
remarquer que ce principe est à la base du système ; qui repose donc
4059
qui repose donc sur une tranquille méconnaissance
de
la nature humaine. L’histoire enregistre bien une ou deux autres bêti
4060
stoire enregistre bien une ou deux autres bêtises
de
cette épaisseur, mais il faut reconnaître que jamais on n’avait songé
4061
he. L’école s’attaque impitoyablement aux natures
d’
exception, et les réduit avec acharnement à son commun dénominateur4.
4062
des veaux et des médiocres. Le gavage Moyen
de
réaliser les précédents. Plus ou moins rationalisé. Son instrument le
4063
un résumé clair et portatif des résultats actuels
d’
une science. Le bon sens voudrait qu’on étudie d’abord la science dans
4064
à aucune réalité. Ils ne renferment rien qui soit
de
première main, rien qui soit authentique. Ils négligent toutes les pa
4065
où pourrait s’accrocher l’intérêt. Ils dispensent
de
tout contact direct avec ce dont ils traitent. Or la valeur éducative
4066
re en commerce intime avec elles. On apprend plus
de
deux que de mille, dit un sage oriental dont j’ai oublié le nom. Une
4067
ce intime avec elles. On apprend plus de deux que
de
mille, dit un sage oriental dont j’ai oublié le nom. Une autre conséq
4068
r assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés
de
gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’une valeur éducatrice : s’i
4069
l est absurde. Mais où sont à l’école les modèles
de
ce qu’on nommait autrefois la belle ouvrage ? On va supprimer les leç
4070
ois la belle ouvrage ? On va supprimer les leçons
de
calligraphie. La discipline On conçoit que la réalisation d’un
4071
La discipline On conçoit que la réalisation
d’
un programme entièrement contre nature exige une discipline sévère. D’
4072
rement contre nature exige une discipline sévère.
D’
où notre conception pénitentiaire de l’école. Mais, s’il est des disc
4073
pline sévère. D’où notre conception pénitentiaire
de
l’école. Mais, s’il est des disciplines qui renforcent, il en est d’
4074
ite le travail du maître. Il se peut. Tout dépend
de
ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légiti
4075
aître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend
de
ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l
4076
e qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit
de
nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces petits.
4077
doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité
de
l’effort qu’on demande à ces petits. Là encore il y a une exagération
4078
t n’est plus qu’une entrave énervante, un système
de
vexations mesquines, propres à étouffer toute spontanéité chez un peu
4079
peuple qui vraiment ne péchait point par l’excès
de
cette vertu. La discipline primaire forme des gobeurs et des inertes,
4080
t blanches qui marquent un peu partout le passage
de
l’État, et dont la vue permet à ceux qui tombent du ciel sur notre so
4081
e permet à ceux qui tombent du ciel sur notre sol
de
s’écrier sans hésiter : « Liberté, liberté chérie, voilà bien ta patr
4082
» La préparation civique Tous les pontifes
de
l’instruction publique sont d’accord sur ce point : l’école primaire
4083
r ce point : l’école primaire doit être une école
de
Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’instruction ci
4084
ocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons
d’
instruction civique sont insuffisantes pour former le petit citoyen :
4085
faut que l’enseignement tout entier soit occasion
de
développer les vertus sociales de l’élève. « Une classe est une socié
4086
r soit occasion de développer les vertus sociales
de
l’élève. « Une classe est une société en miniature. » Ceci est une én
4087
e bourde. Juxtaposez trente enfants sur les bancs
d’
une salle d’école, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit
4088
xtaposez trente enfants sur les bancs d’une salle
d’
école, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit à aucun éta
4089
’on oblige les enfants à vivre ensemble dès l’âge
de
6 ans, favorise le développement de leurs penchants les plus « commun
4090
ble dès l’âge de 6 ans, favorise le développement
de
leurs penchants les plus « communs » : jalousie, vanité, panurgisme,
4091
a plus tard socialisme, morgue bourgeoise, esprit
de
parti, arrivisme et parlementarisme. La culture de l’esprit démocrati
4092
e parti, arrivisme et parlementarisme. La culture
de
l’esprit démocratique telle qu’elle est comprise par les instituteurs
4093
sion !) Pour moi ce que je retire de plus évident
de
mon expérience scolaire, c’est une grosse vérité que le bon sens m’eû
4094
sens m’eût par ailleurs fait voir : il n’y a pas
d’
égalité réelle possible tant que la loi est la même pour tous. Je ne p
4095
st la même pour tous. Je ne parle pas des manuels
d’
histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent une image me
4096
’hui démontré qu’ils donnent une image mensongère
de
l’ancienne Suisse, à l’usage du peuple souverain qui ne manque pas d’
4097
, à l’usage du peuple souverain qui ne manque pas
d’
en être flatté. Et puis, quelle est cette préparation à la vie qui com
4098
ie qui commence par nous soustraire à l’influence
de
la vie ? Quelle est cette éducation sociale qui enlève l’enfant à la
4099
l’enfant à la famille ?5 Quel est cet instrument
de
perfectionnement civique qui assure l’écrasement des plus délicats pa
4100
t utiliser pour son profit humain la petite somme
de
connaissances indispensables qu’on lui donne à l’école. (Cet argent d
4101
ormales créées par l’école publique. Mais l’idéal
de
l’école est autre ; il est même tout contraire. On ne peut pas exiger
4102
contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit tout
de
noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’
4103
n ne peut pas exiger qu’il soit tout de noblesse,
de
vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que
4104
s exiger qu’il soit tout de noblesse, de vertu et
de
grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que ridicule et
4105
, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner
de
voir qu’il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une prémédita
4106
icule et mesquinerie. Il y a là une préméditation
de
médiocrité que je ne puis m’empêcher de trouver suspecte. Le bon élèv
4107
éditation de médiocrité que je ne puis m’empêcher
de
trouver suspecte. Le bon élève est celui qui a de bons points. Or les
4108
de trouver suspecte. Le bon élève est celui qui a
de
bons points. Or les bons points vont aux parfaits imitateurs. Oyez-mo
4109
« Quant il neige, c’est comme des petits morceaux
de
vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la
4110
ctoria montre une âme docile, un rassurant défaut
d’
esprit critique, tandis que Sylvie appartient manifestement à la race
4111
vie appartient manifestement à la race dangereuse
de
ceux qui voient avec leurs yeux. Le bon élève est aussi l’élève disci
4112
s Helvètes un légalisme écœurant6, un conformisme
d’
imbéciles ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantag
4113
égalisme écœurant6, un conformisme d’imbéciles ou
d’
impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantage des gens en p
4114
te quelques « brillantes carrières » fournies par
d’
ex-forts-en-thème, voire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit
4115
res » fournies par d’ex-forts-en-thème, voire par
d’
ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit de réussites qui, pour avoir e
4116
ire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit
de
réussites qui, pour avoir enivré l’espoir et enflammé l’ambition d’un
4117
pour avoir enivré l’espoir et enflammé l’ambition
d’
un grand nombre de régents, ne laissent pas que d’être assez spéciales
4118
l’espoir et enflammé l’ambition d’un grand nombre
de
régents, ne laissent pas que d’être assez spéciales. Il arrive en eff
4119
d’un grand nombre de régents, ne laissent pas que
d’
être assez spéciales. Il arrive en effet que nos petits futurs grrrand
4120
os petits futurs grrrands citoyens ayant accompli
de
« fortes études primaires et secondaires » (témoignage suffisant de l
4121
primaires et secondaires » (témoignage suffisant
de
leurs aptitudes à la compromission sociale établie) et cueilli au pas
4122
ssage un grade universitaire, prennent leur essor
de
chérubins du parti au cours de ces nombreux banquets de cercles locau
4123
rubins du parti au cours de ces nombreux banquets
de
cercles locaux où se fondent les réputations, où se « baptisent » les
4124
t les réputations, où se « baptisent » les hommes
d’
avenir. Un jour on voit s’étaler en première page des illustrés la fac
4125
des illustrés la face épanouie quoique énergique
d’
un de ces coqs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édi
4126
illustrés la face épanouie quoique énergique d’un
de
ces coqs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édifice
4127
face épanouie quoique énergique d’un de ces coqs
de
village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édifice administrati
4128
qs de village qu’on vient de jucher sur la flèche
de
l’édifice administratif. Et c’est ce qui s’appelle une belle carrière
4129
eurs fort grande. Tous ceux qui ont eu l’occasion
de
comparer les bons élèves de diverses classes d’un collège ont été fra
4130
qui ont eu l’occasion de comparer les bons élèves
de
diverses classes d’un collège ont été frappés de constater que la for
4131
n de comparer les bons élèves de diverses classes
d’
un collège ont été frappés de constater que la force et l’originalité
4132
de diverses classes d’un collège ont été frappés
de
constater que la force et l’originalité de leur jugement sont en rais
4133
rappés de constater que la force et l’originalité
de
leur jugement sont en raison inverse du nombre d’années d’instruction
4134
de leur jugement sont en raison inverse du nombre
d’
années d’instruction publique qu’ils ont subies. Le dilemme J’ai
4135
ugement sont en raison inverse du nombre d’années
d’
instruction publique qu’ils ont subies. Le dilemme J’ai indiqué
4136
. Le dilemme J’ai indiqué que les principes
de
l’instruction publique ne coïncident qu’accidentellement avec ceux du
4137
cile, qu’ils constituent une inversion méthodique
de
toutes les lois divines et humaines. C’est-à-dire : une méthode d’abâ
4138
s divines et humaines. C’est-à-dire : une méthode
d’
abâtardissement de la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous
4139
nes. C’est-à-dire : une méthode d’abâtardissement
de
la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous ces principes dér
4140
ardissement de la race. D’autre part, il est aisé
de
voir que tous ces principes dérivent nécessairement du fait que l’éco
4141
est publique, obligatoire, et soumise au contrôle
de
l’État. Alors ? Ou bien vous acceptez le régime — mais aussi ses con
4142
ombattez l’instruction publique — mais vous êtes,
de
ce fait, contre le régime. Il y a là, dirait M. Prudhomme, un bien gr
4143
iplines scolaires : « Les épaves scolaires, faute
d’
un traitement pédagogique approprié, tombent dans une apathie intellec
4144
cillité et au vice. » Emmanuel Duvillard, L’École
de
demain, Genève, Kündig, 1918, p. 12. 5. Il est peut-être avantageux
4145
5. Il est peut-être avantageux dans certains cas
de
soustraire l’enfant à l’influence d’une famille anormale. Mais d’abor
4146
certains cas de soustraire l’enfant à l’influence
d’
une famille anormale. Mais d’abord c’est sanctionner cet état anormal
4147
t anormal (il y aurait sans doute d’autres moyens
de
sauver l’enfant dans sa famille). Ensuite, pourquoi fait-on en réalit
4148
que, égalité, légalité, sont les meilleures armes
de
la bassesse contre toute valeur réelle, absolue.
4149
as attendu ma colère pour entreprendre ce travail
de
démolition. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir l’abondante l
4150
ail de démolition. Il suffit pour s’en convaincre
de
parcourir l’abondante littérature publiée sur le « problème de l’écol
4151
l’abondante littérature publiée sur le « problème
de
l’école nouvelle ». On appelle école nouvelle tout établissement où l
4152
ole nouvelle tout établissement où l’on s’efforce
d’
enseigner selon des principes tirés de l’observation des enfants, c’es
4153
n s’efforce d’enseigner selon des principes tirés
de
l’observation des enfants, c’est-à-dire : en contradiction sur toute
4154
igne avec l’enseignement officiel. Les promoteurs
de
ces mouvements tentent la gageure de réformer l’école primaire sans t
4155
s promoteurs de ces mouvements tentent la gageure
de
réformer l’école primaire sans toucher au principe de l’instruction p
4156
éformer l’école primaire sans toucher au principe
de
l’instruction publique. Les réformes qu’ils ont proposées jusqu’ici s
4157
actuelle est fondée sur une remarquable ignorance
de
la psychologie infantile. Où il y avait non-science, on a voulu appor
4158
e. Où il y avait non-science, on a voulu apporter
de
la science. Mais c’est un art qu’il faudrait. Sinon l’on retombera da
4159
s absurdités. On a créé par exemple des « jardins
d’
enfants » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs
4160
ins d’enfants » où l’on apprend à des élèves âgés
de
3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle de l’école prati
4161
4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle
de
l’école pratique. Plus tard on fait apprendre à ces mêmes enfants, et
4162
ar cœur et à rebours, les noms des rues et places
de
leur ville, comme s’ils étaient tous destinés à la profession de chau
4163
comme s’ils étaient tous destinés à la profession
de
chauffeurs de taxi. Si cette conception du pratique prévaut, il est à
4164
aient tous destinés à la profession de chauffeurs
de
taxi. Si cette conception du pratique prévaut, il est à craindre que
4165
marcher en décomposant les mouvements avec l’aide
d’
un métronome pédagogique. De même, sous le louable prétexte d’école ac
4166
me pédagogique. De même, sous le louable prétexte
d’
école active, on prétend faire apprendre la grammaire par le moyen de
4167
prétend faire apprendre la grammaire par le moyen
de
gesticulations appropriées : foin de ces analyses de textes absurdes
4168
par le moyen de gesticulations appropriées : foin
de
ces analyses de textes absurdes où l’on soulignait en rouge tous les
4169
gesticulations appropriées : foin de ces analyses
de
textes absurdes où l’on soulignait en rouge tous les mots en « al »,
4170
les campagnes, tirant le meilleur parti possible
de
l’exercice ; car il ne manque à ce système, avouez-le, que juste la s
4171
cisément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche
d’
une autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux enfants en l
4172
oche d’une autre nature. Elle prétend donner plus
de
liberté aux enfants en leur rendant le travail amusant, en leur laiss
4173
travail amusant, en leur laissant la possibilité
de
trouver par eux-mêmes ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’
4174
nisée ? En réalité, cet amusement a pour seul but
de
faire avaler la pilule amère des connaissances. On songe à M. Ford, q
4175
d dimanche, afin qu’ils consomment deux fois plus
de
machines. Jeu du chat avec la souris. On n’impose plus des résultats,
4176
ion ; on capte scientifiquement les sources mêmes
de
sa liberté. « Instruire en amusant » peut être la formule d’une tromp
4177
té. « Instruire en amusant » peut être la formule
d’
une tromperie subtile et plus grave que la brutalité primaire, parce q
4178
la brutalité primaire, parce qu’elle n’excite pas
de
réaction vive de la part des écoliers. Enfin, je n’aime pas qu’on tra
4179
traite le gosse comme un organisme dont il s’agit
d’
obtenir le rendement le plus élevé. On cultive les petits d’hommes com
4180
le rendement le plus élevé. On cultive les petits
d’
hommes comme des plantes de serre dans ces jardins d’enfants. On y par
4181
On cultive les petits d’hommes comme des plantes
de
serre dans ces jardins d’enfants. On y parle de « l’enfant » comme on
4182
ommes comme des plantes de serre dans ces jardins
d’
enfants. On y parle de « l’enfant » comme on parle d’un produit chimiq
4183
s de serre dans ces jardins d’enfants. On y parle
de
« l’enfant » comme on parle d’un produit chimique : On remarque chez
4184
nfants. On y parle de « l’enfant » comme on parle
d’
un produit chimique : On remarque chez l’enfant… Dans ce milieu l’enfa
4185
nt ne tarde pas à se développer… Prenez un enfant
de
6 ans… Mettez ensemble trois enfants… Je reconnais que les buts de l’
4186
ensemble trois enfants… Je reconnais que les buts
de
l’école nouvelle sont honnêtement scientifiques, et désintéressés. Ma
4187
ois tout ce que cela entraînerait, dans une ruine
d’
où renaîtrait peut-être l’humanité… Je songe à un enseignement sans éc
4188
es gens qui appliquent avec ferveur les principes
de
l’école libre, qui se moquent des programmes, et dont les classes joy
4189
des programmes, et dont les classes joyeuses sont
de
vraies foires : ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur fair
4190
foires : ils ont toute mon amitié. Cela me permet
de
leur faire remarquer d’autant plus librement qu’ils trahissent le des
4191
on amitié. Cela me permet de leur faire remarquer
d’
autant plus librement qu’ils trahissent le dessein profond de l’instru
4192
us librement qu’ils trahissent le dessein profond
de
l’instruction publique, qu’ils trahissent leur mission officielle. Il
4193
trahissent leur mission officielle. Ils éduquent
de
futurs anarchistes8, bravo ! Mais ce qu’on leur avait confié, c’était
4194
eur avait confié, c’était la fabrication en série
de
petits démocrates conscients et organisés. Je crains que ce malentend
4195
dis-je ; car le monde ne progresse qu’à la faveur
de
malentendus (si tant est qu’il progresse). L’école nouvelle n’échappe
4196
e n’échappe à l’absurdité primaire qu’à la faveur
d’
une équivoque. Cette équivoque frappe tout essai de réforme. Qu’il y a
4197
’une équivoque. Cette équivoque frappe tout essai
de
réforme. Qu’il y ait là cependant une possibilité pratique d’en sorti
4198
Qu’il y ait là cependant une possibilité pratique
d’
en sortir, je ne le nie pas. Mais du point de vue de la vérité, force
4199
en sortir, je ne le nie pas. Mais du point de vue
de
la vérité, force nous est de reconnaître que notre dilemme subsiste d
4200
Mais du point de vue de la vérité, force nous est
de
reconnaître que notre dilemme subsiste dans son intégrité et son urge
4201
fabriquer des électeurs Je crois à l’absurdité
de
fait de l’instruction publique. Je crois aussi qu’on ne peut réformer
4202
er des électeurs Je crois à l’absurdité de fait
de
l’instruction publique. Je crois aussi qu’on ne peut réformer l’absur
4203
m’explique pourquoi il triomphe et se perpétue ;
de
quel droit il nous écrase. La réponse est simple, terriblement simple
4204
éponse est simple, terriblement simple : du droit
de
la Démocratie. L’instruction publique et la Démocratie sont sœurs sia
4205
sont nées en même temps. Elles ont cru et embelli
d’
un même mouvement. Morigéner l’une c’est faire pleurer l’autre. Écoute
4206
s et il y aurait une insigne hypocrisie à feindre
de
ne plus la reconnaître, une fois dissipée la fumée des civets, des ci
4207
ivrées. D’ailleurs, cette idée que j’ai l’honneur
de
partager avec mes adversaires se trouve correspondre à des faits pate
4208
s patents et simples ; il serait vraiment dommage
de
priver ces Messieurs d’une aubaine pour eux si rare. Un fait simple,
4209
l serait vraiment dommage de priver ces Messieurs
d’
une aubaine pour eux si rare. Un fait simple, par exemple, c’est que l
4210
éalisable. Ici, je demanderai poliment au lecteur
de
vouloir bien ne point trop faire la bête, sinon je me verrai contrain
4211
trop faire la bête, sinon je me verrai contraint
de
lui expliquer un certain nombre de vérités tellement évidentes — que
4212
rrai contraint de lui expliquer un certain nombre
de
vérités tellement évidentes — que cela n’irait pas sans quelque indéc
4213
et truquer légalement les votes. Ensuite, il faut
de
l’histoire, et de l’instruction civique, pour qu’on sache à quoi cela
4214
ent les votes. Ensuite, il faut de l’histoire, et
de
l’instruction civique, pour qu’on sache à quoi cela rime. Ensuite, il
4215
noffensifs. Enfin, il faut un nombre considérable
de
leçons, et le plus longtemps possible, pour qu’on n’ait pas le temps
4216
longtemps possible, pour qu’on n’ait pas le temps
de
se rendre compte que tout cela est absurde. Pour qu’on n’ait pas le t
4217
t cela est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps
d’
écouter la nature qui répète par toutes ses voix, d’un milliard de faç
4218
écouter la nature qui répète par toutes ses voix,
d’
un milliard de façons, que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temp
4219
ure qui répète par toutes ses voix, d’un milliard
de
façons, que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps de découvrir
4220
que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps
de
découvrir la Liberté9, parce que celui qui l’a embrassée une fois, un
4221
amoises. Continuons. La démocratie doit à l’École
de
vivre encore. Mais ce n’est de la part de notre Institutrice qu’un re
4222
lée. Certes, je ne prétends pas que les créateurs
de
l’instruction publique aient eu pleine conscience de ce qu’ils faisai
4223
l’instruction publique aient eu pleine conscience
de
ce qu’ils faisaient — et je les excuse pour autant10. Je dis simpleme
4224
ossible que parce qu’elle était liée aux intérêts
de
la démocratie. Car il faut bien se représenter qu’elle n’était encore
4225
le n’était encore au xviiie siècle qu’une utopie
de
partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujourd’hui qu’on
4226
utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou
de
proposer aujourd’hui qu’on répande universellement et obligatoirement
4227
ellement et obligatoirement l’art du saxophone ou
de
la balalaïka. Soyez certains qu’il ne manque à cette plaisanterie, po
4228
nterie, pour prendre corps, que l’appui intéressé
d’
un groupement politico-financier. Et il y aurait bien vite des députés
4229
ux, que dis-je, la valeur hautement moralisatrice
de
ces glapissants entonnoirs. D’ailleurs cette complicité, si évidente
4230
illeurs cette complicité, si évidente à l’origine
de
l’institution, se manifeste encore de nos jours, et d’une façon non m
4231
à l’origine de l’institution, se manifeste encore
de
nos jours, et d’une façon non moins flagrante, dans ses suites normal
4232
institution, se manifeste encore de nos jours, et
d’
une façon non moins flagrante, dans ses suites normales. Je n’en veux
4233
rante, dans ses suites normales. Je n’en veux pas
d’
autre preuve que l’état grotesquement arriéré de notre instrument de p
4234
s d’autre preuve que l’état grotesquement arriéré
de
notre instrument de progrès par excellence. Car il n’est qu’une expli
4235
l’état grotesquement arriéré de notre instrument
de
progrès par excellence. Car il n’est qu’une explication vraisemblable
4236
ce. Car il n’est qu’une explication vraisemblable
de
cette incurie : l’école, sous sa forme actuelle, remplit suffisamment
4237
uffisamment son rôle politique et social, qui est
de
fabriquer des électeurs (si possible radicaux, en tout cas démocrates
4238
radicaux, en tout cas démocrates). Je me souviens
d’
un dessin humoristique publié en 1914, représentant l’œuvre de Kitchen
4239
humoristique publié en 1914, représentant l’œuvre
de
Kitchener : une machine qui absorbait des gentlemen et rendait des to
4240
tion, tous les crânes ont été décervelés et dotés
d’
une petite mécanique à quatre sous qui suffit à régler désormais l’aut
4241
sous qui suffit à régler désormais l’automatisme
de
la vie civique. Le cerveau standard du type fédéral ne laisse craindr
4242
i peuvent apparaître chez les enfants ? Ce serait
de
l’art pour l’art. On ne peut pas en demander tant aux gouvernements.
4243
as rentable. Il est clair que si le but principal
de
l’instruction publique était d’éduquer le peuple d’une façon désintér
4244
le but principal de l’instruction publique était
d’
éduquer le peuple d’une façon désintéressée, les gouvernements seraien
4245
l’instruction publique était d’éduquer le peuple
d’
une façon désintéressée, les gouvernements seraient un peu plus fous q
4246
eraient un peu plus fous qu’on n’ose les imaginer
de
ne pas entreprendre sur l’heure une véritable révolution scolaire ; c
4247
comme vous dites, sans doute pour m’ôter l’envie
de
bousculer quoi que ce soit. J’aime les tremblements de terre, vous to
4248
usculer quoi que ce soit. J’aime les tremblements
de
terre, vous tombez mal. J’appartiens à cette espèce de gens qui font
4249
rre, vous tombez mal. J’appartiens à cette espèce
de
gens qui font confiance à leur sensibilité plus qu’aux idées des autr
4250
us qu’aux idées des autres. Or, c’est une révolte
de
ma sensibilité qui me dresse contre l’École. Mes arguments ne se mett
4251
orterait que l’École soit une machine à fabriquer
de
la démocratie — si je ne sentais menacées dans cette aventure des val
4252
sentais menacées dans cette aventure des valeurs
d’
âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démocratie est
4253
’âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine
de
la démocratie est l’aboutissement de l’évolution dont je viens de déc
4254
ut. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement
de
l’évolution dont je viens de décrire la marche nécessaire11. On ne ma
4255
écrire la marche nécessaire11. On ne manquera pas
d’
insinuer qu’à l’origine de tout ceci il y a surtout de la nervosité, d
4256
e11. On ne manquera pas d’insinuer qu’à l’origine
de
tout ceci il y a surtout de la nervosité, de petites douleurs de jeun
4257
sinuer qu’à l’origine de tout ceci il y a surtout
de
la nervosité, de petites douleurs de jeunes bourgeois. Essayer de ven
4258
gine de tout ceci il y a surtout de la nervosité,
de
petites douleurs de jeunes bourgeois. Essayer de venir me dire ça che
4259
y a surtout de la nervosité, de petites douleurs
de
jeunes bourgeois. Essayer de venir me dire ça chez moi, n’est-ce pas,
4260
de petites douleurs de jeunes bourgeois. Essayer
de
venir me dire ça chez moi, n’est-ce pas, mes agneaux. C’est justement
4261
C’est justement dans la mesure où je participais
de
l’écœurant optimisme bourgeois que je m’accommodais d’un régime nocif
4262
écœurant optimisme bourgeois que je m’accommodais
d’
un régime nocif pour tout ce qu’il y a d’authentiquement noble en chaq
4263
ommodais d’un régime nocif pour tout ce qu’il y a
d’
authentiquement noble en chaque homme. Si les fils du peuple souffrent
4264
aque homme. Si les fils du peuple souffrent moins
d’
un tel régime, c’est qu’ils n’ont pas d’eux-mêmes une connaissance aus
4265
ent moins d’un tel régime, c’est qu’ils n’ont pas
d’
eux-mêmes une connaissance aussi sensible. Ils ignorent ce qu’étiolent
4266
si quelques-uns allaient se réveiller… Il suffit
d’
un peu de chaleur d’âme pour amorcer le dégel de ces principes, et ce
4267
aient se réveiller… Il suffit d’un peu de chaleur
d’
âme pour amorcer le dégel de ces principes, et ce peut être le signal
4268
t d’un peu de chaleur d’âme pour amorcer le dégel
de
ces principes, et ce peut être le signal de la grande débâcle printan
4269
dégel de ces principes, et ce peut être le signal
de
la grande débâcle printanière. Il n’y a de révolution véritable que d
4270
signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a
de
révolution véritable que de la sensibilité. (Le jour où l’on culbuter
4271
printanière. Il n’y a de révolution véritable que
de
la sensibilité. (Le jour où l’on culbutera ces Messieurs de leurs siè
4272
ibilité. (Le jour où l’on culbutera ces Messieurs
de
leurs sièges, ils comprendront le sens des images.) 9. J’emploie ce
4273
oir note A à la fin du cahier. 11. Est-il besoin
de
déclarer formellement qu’une telle attitude n’est en aucune façon tri
4274
e telle attitude n’est en aucune façon tributaire
de
l’idéologie réactionnaire à la mode. Mais que deux critiques de la Dé
4275
réactionnaire à la mode. Mais que deux critiques
de
la Démocratie partant de points de vue presque opposés coïncident en
4276
Mais que deux critiques de la Démocratie partant
de
points de vue presque opposés coïncident en tant de points — voilà qu
4277
6. La trahison
de
l’instruction publique (Ici, le procureur prit un ton plus grave.)
4278
tait là, nous venons de le voir, son unique moyen
de
parvenir. Elle participe donc sur une vaste échelle à cette « Trahiso
4279
en ! elle apprendra que le seul péché qui n’a pas
de
pardon c’est le péché contre l’Esprit. Aujourd’hui qu’il suffit d’un
4280
e péché contre l’Esprit. Aujourd’hui qu’il suffit
d’
un peu de bon sens et d’information pour jouer au prophète, on nous pr
4281
Aujourd’hui qu’il suffit d’un peu de bon sens et
d’
information pour jouer au prophète, on nous promet de tous côtés de be
4282
nformation pour jouer au prophète, on nous promet
de
tous côtés de belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouisse
4283
r jouer au prophète, on nous promet de tous côtés
de
belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouissent mauvaisemen
4284
met de tous côtés de belles catastrophes. Je suis
de
ceux qui s’en réjouissent mauvaisement. (« C’est bien fait. C’était t
4285
bien fait. C’était trop laid ».) À peine capable
de
nous instruire, l’École prétend ouvertement nous éduquer. D’ailleurs
4286
urs réalistes, sans lesquelles le monde s’enfonce
de
son propre poids dans l’abrutissement ou se laisse prendre à des théo
4287
ne peut que diminuer le « rendement » quantitatif
de
ceux qui s’y livrent. Je ne veux pas me poser ici en défenseur des ve
4288
ans des « lumières », et qui pourtant s’indignent
de
voir la morale actuelle s’attaquer, voyez-vous ça, à la famille, « ce
4289
ille, « cette cellule sociale ». Et je les traite
de
mauvais plaisants. Admirez mon extrême modération. Ceci fait, constat
4290
rmes sociales qu’on prétend y substituer à celles
de
la famille sont falsifiées. Non seulement l’École ne constitue pas le
4291
ue pas le pôle idéaliste nécessaire à l’équilibre
d’
une civilisation — et c’est l’aspect négatif de sa trahison —, mais en
4292
re d’une civilisation — et c’est l’aspect négatif
de
sa trahison —, mais encore elle tend à développer tout ce qu’il y a d
4293
s encore elle tend à développer tout ce qu’il y a
de
spécifiquement malfaisant dans l’esprit moderne. C’est sa façon à ell
4294
sant dans l’esprit moderne. C’est sa façon à elle
de
répondre aux besoins de l’époque. Pauvre époque ! On parle sans cesse
4295
ne. C’est sa façon à elle de répondre aux besoins
de
l’époque. Pauvre époque ! On parle sans cesse de ses besoins. Il est
4296
de l’époque. Pauvre époque ! On parle sans cesse
de
ses besoins. Il est vrai qu’elle est anormalement insatiable… Je croi
4297
ent insatiable… Je crois qu’elle a surtout besoin
d’
une purge violente qui chasse ce ver solitaire du matérialisme. Et qua
4298
isme. Et quand on m’aura démontré que les besoins
de
l’époque exigent une organisation à outrance du monde, je répondrai q
4299
sfaite naît un nouveau besoin qui est précisément
d’
échapper à cette organisation. Or il semble bien que nous en soyons-là
4300
nous en soyons-là, s’il faut en croire les signes
de
révolte qui apparaissent de toutes parts. Mais l’école empoisonne les
4301
toutes parts. Mais l’école empoisonne les germes
d’
une renaissance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favor
4302
s l’école empoisonne les germes d’une renaissance
de
l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favorise le culte exclu
4303
ait être la mère. Elle favorise le culte exclusif
de
l’utile, l’incompréhension brutale de la nature, la haine des supério
4304
te exclusif de l’utile, l’incompréhension brutale
de
la nature, la haine des supériorités naturelles, l’habitude de l’ersa
4305
la haine des supériorités naturelles, l’habitude
de
l’ersatz et du travail bâclé. Elle apprend à lire les journaux, mais
4306
rnir son contrepoison. Au contraire, elle prépare
de
consciencieuses poires, des esclaves du mot. Il est clair, par exempl
4307
l est clair, par exemple, que seules les victimes
de
l’instruction helvétique sont capables d’absorber sans fou rire les d
4308
ictimes de l’instruction helvétique sont capables
d’
absorber sans fou rire les discours de tirs fédéraux. On a comparé le
4309
nt capables d’absorber sans fou rire les discours
de
tirs fédéraux. On a comparé le monde moderne à un vaste établissement
4310
comparé le monde moderne à un vaste établissement
de
travaux forcés. L’école donne à l’enfant ce qu’il faut pour se résign
4311
l’enfant ce qu’il faut pour se résigner à l’état
de
citoyen bagnard auquel il est promis. Mais elle tue tout ce qui lui d
4312
. Mais elle tue tout ce qui lui donnerait l’envie
de
se libérer — et peut-être les moyens. Vaste distillerie d’ennui, c’es
4313
érer — et peut-être les moyens. Vaste distillerie
d’
ennui, c’est-à-dire de démoralisation — qu’on se le dise ! —, puissanc
4314
s moyens. Vaste distillerie d’ennui, c’est-à-dire
de
démoralisation — qu’on se le dise ! —, puissance de crétinisation len
4315
démoralisation — qu’on se le dise ! —, puissance
de
crétinisation lente, standardisation de toutes les mesquineries natur
4316
puissance de crétinisation lente, standardisation
de
toutes les mesquineries naturelles (je ne fais le procès de la bêtise
4317
les mesquineries naturelles (je ne fais le procès
de
la bêtise humaine qu’en tant qu’elle est cultivée par l’État), l’Écol
4318
ns ses collèges, l’y enferme et l’y laisse crever
de
faim. Par ce qu’elle enseigne à ignorer bien plus que par ce qu’elle
4319
lle constitue la plus grande force antireligieuse
de
ce temps. L’instruction religieuse qui prend les enfants au sortir de
4320
z-vous. Il faut avouer qu’avec ce je ne sais quoi
de
déclamatoire, de… journalistique, de bedonnant creux, cela vous a un
4321
vouer qu’avec ce je ne sais quoi de déclamatoire,
de
… journalistique, de bedonnant creux, cela vous a un petit air démocra
4322
ne sais quoi de déclamatoire, de… journalistique,
de
bedonnant creux, cela vous a un petit air démocratique, hé ! hé !… et
4323
dans une direction tout opposée. C’est très malin
d’
avoir inventé un instrument de progrès : encore faut-il le mettre en m
4324
e. C’est très malin d’avoir inventé un instrument
de
progrès : encore faut-il le mettre en marche. Et où le conduire ? Il
4325
l’instruction publique s’est arrêtée aux environs
de
1880 et depuis lors n’a guère bougé. Le moteur n’en continue pas moin
4326
’a guère bougé. Le moteur n’en continue pas moins
de
consommer, de ronfler et de tout empester. Et peu à peu le public s’a
4327
. Le moteur n’en continue pas moins de consommer,
de
ronfler et de tout empester. Et peu à peu le public s’aperçoit que «
4328
en continue pas moins de consommer, de ronfler et
de
tout empester. Et peu à peu le public s’aperçoit que « l’instrument d
4329
peu à peu le public s’aperçoit que « l’instrument
de
progrès » n’est qu’un camouflage à l’abri duquel on distille du radic
4330
al. On me fera observer que beaucoup des servants
de
la machine sont socialistes : voilà qui ne change pas le rendement, j
4331
produits excrétés. On forme nos gosses, dès l’âge
de
6 ans, à ne se point poser de questions dont ils n’aient appris par c
4332
s gosses, dès l’âge de 6 ans, à ne se point poser
de
questions dont ils n’aient appris par cœur la réponse. Regardez un éc
4333
trouve ça très fort : avoir obtenu un conformisme
de
la curiosité. Il est vrai qu’il ne fallait pas moins pour assurer la
4334
’il ne fallait pas moins pour assurer la sécurité
d’
un régime établi dans des fauteuils ; car un peuple d’électeurs fantai
4335
régime établi dans des fauteuils ; car un peuple
d’
électeurs fantaisistes serait parfois tenté de retirer brusquement ces
4336
ple d’électeurs fantaisistes serait parfois tenté
de
retirer brusquement ces sièges, farce connue et qui ridiculise à coup
4337
et qui ridiculise à coup sûr sa victime. En fait
de
farces, vous allez feindre de trouver bien bonne celle-ci : je préten
4338
sa victime. En fait de farces, vous allez feindre
de
trouver bien bonne celle-ci : je prétends que l’instruction publique
4339
oins ! Elle est destinée à légitimer par la force
de
l’inertie et à perpétuer mécaniquement tout ce qui est depuis Numa Dr
4340
pas réactionnaire, non, même pas. Car les forces
de
réaction collaborent à leur manière au progrès, elles corrigent, stim
4341
rigent, stimulent, vivifient. L’École se contente
d’
être figée. Est-ce un frein ? Même pas. C’est plutôt une vase où s’enl
4342
Démocratie. Et cette thèse ne va pas à l’encontre
de
l’évolution normale de l’humanité, comme vous ne manquerez cependant
4343
èse ne va pas à l’encontre de l’évolution normale
de
l’humanité, comme vous ne manquerez cependant point de le dire, avec
4344
humanité, comme vous ne manquerez cependant point
de
le dire, avec ce sens exquis du cliché qui est un hommage à vos maîtr
4345
os maîtres respectés. La Démocratie, par le moyen
de
l’instruction publique, limite l’homme au citoyen. Il s’agit donc de
4346
blique, limite l’homme au citoyen. Il s’agit donc
de
dépasser le citoyen, de retrouver l’homme tout entier. Je distingue d
4347
u citoyen. Il s’agit donc de dépasser le citoyen,
de
retrouver l’homme tout entier. Je distingue dans cette opération deux
4348
le terrain pour les jeux nouveaux que l’humanité
de
demain ne peut manquer d’inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une
4349
nouveaux que l’humanité de demain ne peut manquer
d’
inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une intention providentielle d
4350
ne peut manquer d’inventer. Je ne puis m’empêcher
de
voir une intention providentielle dans cet amour de la destruction et
4351
voir une intention providentielle dans cet amour
de
la destruction et de l’anarchie que les génies directeurs de ce temps
4352
rovidentielle dans cet amour de la destruction et
de
l’anarchie que les génies directeurs de ce temps ont inspiré à beauco
4353
uction et de l’anarchie que les génies directeurs
de
ce temps ont inspiré à beaucoup d’entre nous — encore que peu l’avoue
4354
faire des signes dans le vide à des hasards gros
de
dangers, c’est peut-être à quoi notre génération devra limiter l’effi
4355
quoi notre génération devra limiter l’efficacité
de
ses efforts. Critiquer le présent au nom du passé ne signifie pas que
4356
désire un retour au passé. Mais la considération
de
régimes anciens peut nous amener à constater, sans plus, que notre so
4357
recul humain. Par exemple, est-ce un progrès que
d’
avoir remplacé les hiérarchies de tradition, avec tout le vaste arrièr
4358
e un progrès que d’avoir remplacé les hiérarchies
de
tradition, avec tout le vaste arrière-fond de poésie et de grandeur q
4359
ies de tradition, avec tout le vaste arrière-fond
de
poésie et de grandeur que ce mot comporte — quelles qu’en soient d’ai
4360
ion, avec tout le vaste arrière-fond de poésie et
de
grandeur que ce mot comporte — quelles qu’en soient d’ailleurs les ré
4361
ratif, dont l’esprit est la jalousie rancie armée
de
pédantisme, et je ne parle pas du décor, des odeurs, de la poussière,
4362
antisme, et je ne parle pas du décor, des odeurs,
de
la poussière, des petites habitudes sordides et de cette matière rare
4363
e la poussière, des petites habitudes sordides et
de
cette matière rarement « hygiénique » et qui définit notre âge : la p
4364
tionnarisme, vous alliez le dire, est un ramassis
de
lieux communs. Mais il s’en faut, hélas, de beaucoup que la majorité
4365
assis de lieux communs. Mais il s’en faut, hélas,
de
beaucoup que la majorité des électeurs les considèrent comme tels. Et
4366
s débordent ce cercle étroit et distingué. Il y a
de
grands balayages à faire, un grand courant d’air à créer qui emporter
4367
y a de grands balayages à faire, un grand courant
d’
air à créer qui emportera toutes ces statistiques et ces journaux, il
4368
l en restera toujours assez pour allumer des feux
de
joie, etc. Bon. Supposons tout cela fait. Respirons. Mais déjà vous m
4369
à vous m’attendez à ce tournant et vous me sommez
de
dire comment, maintenant, je vais m’y prendre pour préparer les temps
4370
me question. Aurai-je la naïveté non moins énorme
d’
esquisser ici la réponse que je lui réserve ? L’instruction publique
4371
instruction publique est la forme la plus commune
de
la peste rationaliste qui sévit dans le monde depuis le xviiie (depu
4372
pestes noires). Si vous creusez un peu la notion
de
démocratie, vous trouvez bien vite qu’elle repose sur des postulats r
4373
ux aspects, l’un politique, l’autre intellectuel,
d’
une même mentalité. Elle s’est développée au xviiie dans l’aristocrat
4374
nt dans les principes démocratiques, et dans ceux
de
l’École, mais encore dans toute la conduite moderne de la vie. C’est
4375
École, mais encore dans toute la conduite moderne
de
la vie. C’est notre américanisme et c’est notre sécheresse sentimenta
4376
’est lui qui stérilise nos utopies et les empêche
de
devenir autre chose que des utopies. Il s’agit donc en premier lieu d
4377
e que des utopies. Il s’agit donc en premier lieu
de
le démasquer et de le pourchasser dans toutes les démarches de notre
4378
Il s’agit donc en premier lieu de le démasquer et
de
le pourchasser dans toutes les démarches de notre vie. Mais cette pre
4379
er et de le pourchasser dans toutes les démarches
de
notre vie. Mais cette première tâche constitue un programme si riche
4380
onstitue un programme si riche qu’il est superflu
d’
en formuler une seconde. Laissons ce soin, à des générations plus libr
4381
. Laissons ce soin, à des générations plus libres
d’
imaginer, bénéficiant de notre colère jacobine et de cette formidable
4382
s générations plus libres d’imaginer, bénéficiant
de
notre colère jacobine et de cette formidable expérience négative qui
4383
imaginer, bénéficiant de notre colère jacobine et
de
cette formidable expérience négative qui aura duré deux siècles au mo
4384
qui aura duré deux siècles au moins. L’évolution
de
l’humanité paraît conforme à la dialectique hégélienne ; on y retrouv
4385
retrouve facilement les triades : être —négation
de
l’être — nouvel être. Notre époque serait le deuxième temps d’une de
4386
ouvel être. Notre époque serait le deuxième temps
d’
une de ces triades. Son rationalisme nie l’être sous toutes ses formes
4387
être. Notre époque serait le deuxième temps d’une
de
ces triades. Son rationalisme nie l’être sous toutes ses formes, trad
4388
e nouvelle et plus complète, à un degré supérieur
d’
inconscience, si je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct d’i
4389
onscience, si je puis dire. Alors ce sera au tour
de
l’instinct d’intégrer la raison. Je crois que nous approchons de ce t
4390
je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct
d’
intégrer la raison. Je crois que nous approchons de ce temps. Et que l
4391
’intégrer la raison. Je crois que nous approchons
de
ce temps. Et que le véritable progrès veut qu’on s’attaque à tout ce
4392
avènement. C’est pourquoi je réclame l’expulsion
de
la congrégation radicale des instituteurs. On me demande encore ce qu
4393
trais à la place. Et parce que je ne propose rien
de
bien précis, on triomphe grossièrement. J’aurais voulu vous voir dema
4394
ent. J’aurais voulu vous voir demander à un sujet
de
Louis XIV ce qu’il concevait à la place de la royauté absolue. Il eût
4395
tion. Et même Diderot, même Rousseau, à la veille
de
la Révolution, soupçonnaient-ils que la république qu’ils appelaient
4396
rd à peine à la folie démocratique, à cette danse
de
Saint-Guy politique dont rien de leur temps ne pouvait offrir la moin
4397
e, à cette danse de Saint-Guy politique dont rien
de
leur temps ne pouvait offrir la moindre préfiguration ? Eh bien ! ind
4398
rir la moindre préfiguration ? Eh bien ! induisez
de
cette similitude les possibilités formidables que nous réserve le siè
4399
secrètement, que ce mépris et ce scepticisme sont
d’
un ridicule écrasant, sous lequel vous ne tarderez pas à périr. 12.
4400
uel vous ne tarderez pas à périr. 12. La Raison
de
Spinoza ou de Descartes n’a que de lointains rapports de parenté avec
4401
rderez pas à périr. 12. La Raison de Spinoza ou
de
Descartes n’a que de lointains rapports de parenté avec ce maigre des
4402
12. La Raison de Spinoza ou de Descartes n’a que
de
lointains rapports de parenté avec ce maigre descendant nommé Rationa
4403
oza ou de Descartes n’a que de lointains rapports
de
parenté avec ce maigre descendant nommé Rationalisme, produit d’une m
4404
ce maigre descendant nommé Rationalisme, produit
d’
une mésalliance avec l’Avarice bourgeoise — et qui sans cesse déroge.
4405
ute. (Et figurez-vous que j’ai la ferme intention
de
vous faire rigoler, si cela peut vous rassurer quant à ma santé menta
4406
ssurer quant à ma santé mentale.) La question est
de
savoir si nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou des pantins
4407
question est de savoir si nous serons des hommes
de
chair et d’esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiendra les ficelle
4408
t de savoir si nous serons des hommes de chair et
d’
esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiendra les ficelles, peu impor
4409
stupide) et les philosophes13 les mieux informés
de
ce temps s’accordent sur un point : le salut de l’Europe est lié à la
4410
s de ce temps s’accordent sur un point : le salut
de
l’Europe est lié à la naissance d’une nouvelle attitude de l’âme. Cec
4411
int : le salut de l’Europe est lié à la naissance
d’
une nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule une gran
4412
pe est lié à la naissance d’une nouvelle attitude
de
l’âme. Ceci revient à dire que seule une grande vague de l’imaginatio
4413
e. Ceci revient à dire que seule une grande vague
de
l’imagination collective peut désensabler le vieux bateau occidental.
4414
d’esprit : voilà bien ce que l’École empêche même
de
concevoir Elle cultive ce qu’il y a d’anti-irrationnel dans la nature
4415
pêche même de concevoir Elle cultive ce qu’il y a
d’
anti-irrationnel dans la nature de l’homme. Elle punit froidement la s
4416
ve ce qu’il y a d’anti-irrationnel dans la nature
de
l’homme. Elle punit froidement la spontanéité et l’invention. Elle dé
4417
spontanéité et l’invention. Elle dénature le sens
de
la liberté. Elle détruit tout ce qui permettrait d’échapper à la méca
4418
la liberté. Elle détruit tout ce qui permettrait
d’
échapper à la mécanique. Bref, elle perpétue ce manque d’imagination d
4419
per à la mécanique. Bref, elle perpétue ce manque
d’
imagination dont les conséquences seront matériellement catastrophique
4420
s’y trompe pas : le sens technique qui tient lieu
d’
imagination à l’homme moderne n’est pas créateur d’êtres spirituelleme
4421
’imagination à l’homme moderne n’est pas créateur
d’
êtres spirituellement vivants, ni d’aucune grandeur supérieure à la so
4422
pas créateur d’êtres spirituellement vivants, ni
d’
aucune grandeur supérieure à la somme de ses éléments. Il n’engendre p
4423
vants, ni d’aucune grandeur supérieure à la somme
de
ses éléments. Il n’engendre pas, il ajuste. Quand nous aurons épuisé
4424
Quand nous aurons épuisé toutes les combinaisons
de
vitesse et d’ennui à quoi présentement nous usons le plus clair de no
4425
rons épuisé toutes les combinaisons de vitesse et
d’
ennui à quoi présentement nous usons le plus clair de nos forces, — le
4426
nnui à quoi présentement nous usons le plus clair
de
nos forces, — le Poète dira un mot, ou bien fera un acte, et ces peup
4427
dira un mot, ou bien fera un acte, et ces peuples
de
somnambules s’éveilleront du cauchemar où les plongent toutes vos dro
4428
ouïs. Il ne tient peut-être qu’à une forte équipe
d’
idéalistes pratiques d’en faire sortir le beau miracle d’une civilisat
4429
être qu’à une forte équipe d’idéalistes pratiques
d’
en faire sortir le beau miracle d’une civilisation aux ordres de l’Esp
4430
istes pratiques d’en faire sortir le beau miracle
d’
une civilisation aux ordres de l’Esprit. Mais il faudrait que dès main
4431
tir le beau miracle d’une civilisation aux ordres
de
l’Esprit. Mais il faudrait que dès maintenant se constituent ces élit
4432
ces élites, et cela ne se peut que si les tenants
de
l’ordre spirituel retrouvent le courage d’être, malgré les mots14, de
4433
enants de l’ordre spirituel retrouvent le courage
d’
être, malgré les mots14, des anarchistes et des utopistes. J’appelle a
4434
et intégralement humain. L’anarchie est un degré
d’
intensité dans la vie, non pas un parti. Tout extrémiste, de droite co
4435
é dans la vie, non pas un parti. Tout extrémiste,
de
droite comme de gauche, se trouve être dans une certaine mesure un an
4436
on pas un parti. Tout extrémiste, de droite comme
de
gauche, se trouve être dans une certaine mesure un anarchiste s’il dé
4437
aine mesure un anarchiste s’il défend son opinion
de
toutes ses forces. Mais c’est un anarchiste de la mauvaise espèce, un
4438
on de toutes ses forces. Mais c’est un anarchiste
de
la mauvaise espèce, un anarchiste embrigadé. L’anarchiste que j’aime
4439
nt tout en le suivant. Que faire, diront les gens
de
bonne volonté dont mon imagination romantique suppose l’existence. Qu
4440
s si vous tenez, oui ou non, M. W. Rosier, auteur
de
manuels d’histoire et de géographie bien connus, pour l’esprit le plu
4441
enez, oui ou non, M. W. Rosier, auteur de manuels
d’
histoire et de géographie bien connus, pour l’esprit le plus dangereus
4442
on, M. W. Rosier, auteur de manuels d’histoire et
de
géographie bien connus, pour l’esprit le plus dangereusement plat qui
4443
s répondent oui, cela finira par créer un courant
d’
opinion. Et l’opinion publique mène le monde, paraît-il. À ce propos :
4444
agent désormais à ne publier plus un seul article
de
fond où ne perce leur mépris pour l’instruction publique. Ils peuvent
4445
uoi, comme on sait, et ils auraient là l’occasion
de
racheter bien des choses. Ce n’est rien de moins qu’une rédemption du
4446
casion de racheter bien des choses. Ce n’est rien
de
moins qu’une rédemption du journalisme, ce que je propose-là. Et c’es
4447
-là. Et c’est ainsi qu’on peut imaginer sans trop
d’
invraisemblance de petites réformes. Mais j’en ai assez dit pour évite
4448
i qu’on peut imaginer sans trop d’invraisemblance
de
petites réformes. Mais j’en ai assez dit pour éviter ce malentendu :
4449
ce malentendu : je ne crois pas à la possibilité
d’
une réforme suffisante. C’est une révolution qu’il faut. Alors, suppri
4450
le. Le peuple qui déteste l’école a pourtant faim
d’
instruction15, et se croirait lésé dans un de ses droits fondamentaux.
4451
faim d’instruction15, et se croirait lésé dans un
de
ses droits fondamentaux. Le peuple veut s’instruire et on lui bourre
4452
lui bourre le crâne pour l’en empêcher. Il s’agit
de
lui faire comprendre que l’école est le plus gros obstacle à sa cultu
4453
préparer le terrain. D’autre part, il faut partir
de
ce qui est. Mais comment retourner contre l’ennemi ses propres batter
4454
batteries ? Autrement dit : quel emploi utopique
de
l’organisation existante peut-on imaginer ? L’école devrait donner à
4455
n entourage ne peut plus lui donner : des modèles
de
pensée. Un entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme de connaissa
4456
i donner : des modèles de pensée. Un entraînement
de
l’esprit, au lieu d’une somme de connaissances mortes. Une technique
4457
Un entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme
de
connaissances mortes. Une technique spirituelle. Et puis, qu’il en fa
4458
la concentration. En vérité, toute force résulte
d’
une concentration, dans quelque domaine que ce soit. Si l’Occident com
4459
n plus en barbare cette fois-ci. Ce qui l’empêche
de
comprendre, ici encore, c’est la peur scolaire des mots. Ce terme hin
4460
e dit : vous ne voyez tout de même pas une classe
de
gamins répétant la syllabe sacrée Aûm ou se livrant à des exercices d
4461
syllabe sacrée Aûm ou se livrant à des exercices
de
contrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement de cela. Nous ne s
4462
rée Aûm ou se livrant à des exercices de contrôle
de
la respiration. Il ne s’agit nullement de cela. Nous ne sommes pas au
4463
ontrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement
de
cela. Nous ne sommes pas aux Indes, je vous jure que je m’en doute. M
4464
veut obtenir une grande intensité avec un minimum
de
moyens. J’en citerai deux exemples : la discipline jésuite et le dril
4465
ysique, aux exercices élémentaires que l’on exige
d’
un initié. Le fameux arrêt de la pensée dont on sait l’importance prim
4466
aires que l’on exige d’un initié. Le fameux arrêt
de
la pensée dont on sait l’importance primordiale dans le yoga correspo
4467
au corps une immobilité absolue. L’un et l’autre
de
ces exercices montrent que le candidat possède une énergie suffisante
4468
loin, — et en même temps constituent des sources
d’
énergie nouvelle. Le parallèle peut être poussé dans les détails. Il s
4469
peut être poussé dans les détails. Il s’agit bien
d’
un geste identique, exécuté dans deux plans différents. Le drill est u
4470
drill est un yoga corporel, le yoga est un drill
de
l’esprit. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux et impopulair
4471
en couvents. Tant pis. Le drill offre un exemple
d’
éducation efficace. L’armée de milices suisses fait des soldats en moi
4472
ll offre un exemple d’éducation efficace. L’armée
de
milices suisses fait des soldats en moins de trois mois. Si l’école a
4473
rmée de milices suisses fait des soldats en moins
de
trois mois. Si l’école appliquait en les transposant des méthodes de
4474
’école appliquait en les transposant des méthodes
de
concentration analogues, même dans la mesure sans doute faible où la
4475
le supporte, on économiserait plusieurs semestres
de
travail. Si chaque matin l’enfant parvenait à mettre sa pensée au gar
4476
à-vous durant quelques instants, il s’épargnerait
de
longs énervements. Il n’y a pas là de quoi se tordre. Car tout cela n
4477
épargnerait de longs énervements. Il n’y a pas là
de
quoi se tordre. Car tout cela nous donnerait des années de liberté en
4478
e tordre. Car tout cela nous donnerait des années
de
liberté en même temps qu’un peu de calme. Ces années de liberté nous
4479
erté en même temps qu’un peu de calme. Ces années
de
liberté nous permettraient de vivre, seule façon de s’instruire inven
4480
e calme. Ces années de liberté nous permettraient
de
vivre, seule façon de s’instruire inventée à ce jour. Ce calme nous p
4481
liberté nous permettraient de vivre, seule façon
de
s’instruire inventée à ce jour. Ce calme nous permettrait de comprend
4482
ire inventée à ce jour. Ce calme nous permettrait
de
comprendre beaucoup de choses qui restent cachées aux agités ; la nat
4483
le. Je ne demande pas qu’on nous enseigne le goût
de
la nature. Mais qu’on nous laisse le temps de la regarder. De faire c
4484
oût de la nature. Mais qu’on nous laisse le temps
de
la regarder. De faire connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré
4485
. Mais qu’on nous laisse le temps de la regarder.
De
faire connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré de dire que tout
4486
re connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré
de
dire que tout homme gagnerait à posséder une plus grande puissance in
4487
ne crois pas qu’il soit bon que tous progressent
de
la même manière. Dans un système de culture spirituelle, les différen
4488
s progressent de la même manière. Dans un système
de
culture spirituelle, les différences s’accuseraient, mais se légitime
4489
ls. Méditez un peu ces truismes : On apprend plus
d’
une chose longuement contemplée que de mille aperçues au passage. Ab u
4490
pprend plus d’une chose longuement contemplée que
de
mille aperçues au passage. Ab uno disce omnes. Une minute de concentr
4491
erçues au passage. Ab uno disce omnes. Une minute
de
concentration intense dégage dans l’individu plus d’énergie que des h
4492
concentration intense dégage dans l’individu plus
d’
énergie que des heures d’exercices gémissants. De même, le bien supéri
4493
age dans l’individu plus d’énergie que des heures
d’
exercices gémissants. De même, le bien supérieur de quelques-uns est p
4494
’exercices gémissants. De même, le bien supérieur
de
quelques-uns est plus utile à tous que le bien médiocre de beaucoup.
4495
es-uns est plus utile à tous que le bien médiocre
de
beaucoup. La valeur vaut mieux que le nombre parce qu’elle le contien
4496
nt en puissance. Et c’est pourquoi l’aristocratie
de
l’esprit est nécessaire au bien public. Certains proposent en rougiss
4497
au bien public. Certains proposent en rougissant
de
leur hardiesse quelque chose comme l’instruction privée : et moi je l
4498
le temps des mages : ils comprennent les théories
d’
Einstein, ils composent de la poésie pure, ils mesurent des sensibilit
4499
omprennent les théories d’Einstein, ils composent
de
la poésie pure, ils mesurent des sensibilités secondes et tout un arc
4500
des sensibilités secondes et tout un arc-en-ciel
de
sentiments dont les accords imitent la blancheur éclatante de l’amour
4501
s dont les accords imitent la blancheur éclatante
de
l’amour… Que dirons-nous ?… Par la force des choses et de l’Esprit, l
4502
ur… Que dirons-nous ?… Par la force des choses et
de
l’Esprit, l’homme sera-t-il sauvé de sa folie démocratique ? Areus
4503
es choses et de l’Esprit, l’homme sera-t-il sauvé
de
sa folie démocratique ? Areuse, 26 décembre 1928-10 janvier 1929.
4504
-10 janvier 1929. NOTE A On est toujours tenté
d’
attribuer à ses adversaires des intentions noires et consciemment crim
4505
ocratie. Les journaux, les cercles, les coulisses
de
parlements et autres potinières ne vivent que de semblables accusatio
4506
de parlements et autres potinières ne vivent que
de
semblables accusations. Du moment que n’importe qui juge et contrôle
4507
nt un très brave homme, il fait partie du conseil
de
la paroisse, etc. » — Il semble qu’en attaquant ses idées et leurs ré
4508
ations ont ait porté atteinte à la dignité morale
de
ce M. Machin, membre du conseil de paroisse. Je préciserai donc : je
4509
dignité morale de ce M. Machin, membre du conseil
de
paroisse. Je préciserai donc : je tiens l’École pour criminelle. Mais
4510
je ne tiens pas tous les instituteurs pour gibier
de
potence. Ils font beaucoup de mal, mais ils sont les premières victim
4511
complique dès que l’instituteur prend conscience
de
la nocivité de son action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont-
4512
que l’instituteur prend conscience de la nocivité
de
son action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont-ils dans la mêm
4513
le ne saurait même pas prévoir. NOTE B La culture
de
notre sensibilité nous aiderait à retrouver l’accord avec l’ordre nat
4514
trouver l’accord avec l’ordre naturel. La culture
de
notre force de pensée nous rendrait une liberté sans laquelle nos eff
4515
d avec l’ordre naturel. La culture de notre force
de
pensée nous rendrait une liberté sans laquelle nos efforts resteront
4516
ront vains pour instaurer cette nouvelle attitude
de
l’âme. Mais ces méthodes ne prendraient tout leur sens et toute leur
4517
igieux. Pour quiconque a une foi et la conscience
de
cette foi, il n’est d’enseignement véritable que religieux. Mais les
4518
a une foi et la conscience de cette foi, il n’est
d’
enseignement véritable que religieux. Mais les questions confessionnel
4519
ut. Imaginez une culture spirituelle indépendante
de
toute destination religieuse particulière. On peut faire des haltères
4520
haltères et rester pacifiste. NOTE C Vous parlez
de
la grande vulgarité de mes attaques. Ce qui est vulgaire, au plein se
4521
ifiste. NOTE C Vous parlez de la grande vulgarité
de
mes attaques. Ce qui est vulgaire, au plein sens du mot, c’est le gen
4522
e, au plein sens du mot, c’est le genre distingué
de
la bourgeoisie qui se monte le cou. 13. Économistes et philosophes
4523
pour impressionner le public. Je n’ai pas besoin
de
leurs attendus pour juger. 14. Ces deux mots en effet, terrorisent à
4524
uent plus même le sens. Ils les lancent à la tête
de
tous ceux qui les dérangent, comme des pavés, ou plutôt des grenades,
4525
er à décrire en 50 petites pages tous les méfaits
de
l’instruction publique. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre
4526
que. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre
de
grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruc
4527
r ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet
de
l’instruction publique deux petits livres1 excellents dont je considè
4528
je considère les thèses comme acquises : L’Éloge
de
l’ignorance, de M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfan
4529
s thèses comme acquises : L’Éloge de l’ignorance,
de
M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants, d’Henri Roor
4530
Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants,
d’
Henri Roorda. Le premier montre que la science apprise à l’école appau
4531
ue la science apprise à l’école appauvrit l’homme
de
tout ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que
4532
t, et ne lui donne à la place que des laideurs et
de
la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bon sens bafoué e
4533
ens bafoué et qui s’en moque, décrit la stupidité
de
l’enseignement tel qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein
4534
. J’apporte un témoignage personnel, une réaction
de
tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me
4535
tempérament. Je marque d’autre part la nécessité
de
tout cela qui me blesse, la liaison fatale avec la démocratie, de tou
4536
me blesse, la liaison fatale avec la démocratie,
de
tout ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autr
4537
out ce qui moleste ma liberté et sans doute celle
de
beaucoup d’autres à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous un
4538
à sécrétion socialiste, qui a été établi par coup
de
force, que les libéraux ont admis, conformément à leurs maximes, et t
4539
et toléré malgré leur mauvaise humeur. Ce régime
de
punaises jaunâtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle p
4540
e existence. Je l’ai subi ; l’on va voir comment.
De
pareils souvenirs légitiment toutes les haines. Je serai méchant, par
4541
reproche auquel je compte ne pas échapper : celui
de
naïveté. Définition du naïf dans le monde moderne : individu qui sout
4542
lus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent
d’
être complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’est en fait
4543
à-dessus, ces messieurs se lamentent, la jeunesse
d’
aujourd’hui, etc. Évidemment. Mais il y a les jérémiades et il y a les
4544
jérémiades et il y a les raisons. Hors le domaine
de
l’amour, où tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas un argum
4545
gémir n’est pas un argument. Je demande le droit
de
démolir. Et me l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pa
4546
rde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pas
de
proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce
4547
oser une nouvelle forme politique. Je me contente
de
vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on
4548
ée, on la renvoie, même si l’on n’est pas capable
d’
en faire soi-même une meilleure. Mais j’aperçois là-bas, vautré derriè
4549
dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler,
de
grâce mettez-lui les mains sur la bouche ! Donnez-lui sa choucroute,
4550
ève pour mettre en doute l’excellence du principe
de
l’instruction publique, on crie sur tous les bancs : « Alors, vous êt
4551
dique un mépris vraiment exagéré pour la jugeotte
de
l’adversaire ou s’il traduit simplement cette mauvaise foi pas même c
4552
iente, cette lâcheté devant la discussion précise
de
leurs principes par quoi se signalent bien souvent nos tolérants par
4553
je ne sais. Mais je m’attends à cent « réponses »
de
cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories
4554
le compte sommairement. Cela n’empêchera personne
de
me resservir ces arguments, bien que dûment prévus et réduits à néant
4555
prévus et réduits à néant ici même ; mais — gain
de
temps — je n’aurai plus qu’à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. R
4556
réponds : 1° qu’ils ne peuvent me dénier le droit
de
juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même de leur sceptic
4557
r ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même
de
leur scepticisme quant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser
4558
ant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser
de
faire une critique dangereuse ; 3° que néanmoins je crois à l’efficac
4559
ngereuse ; 3° que néanmoins je crois à l’efficace
de
certaines utopies. (Les religions, la découverte de l’Amérique par Ch
4560
certaines utopies. (Les religions, la découverte
de
l’Amérique par Christophe Colomb, l’Europe napoléonienne, la Russie d
4561
des frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas
de
le dire : l’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit d’aller
4562
’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit
d’
aller contre l’époque, et on le peut efficacement. 2° rira bien qui ri
4563
infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans
d’
une démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de
4564
gressiste et tolérante qui se livrent à ces excès
de
langage. Je les renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet
4565
es renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai
de
cet aspect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Ce
4566
ect du problème que l’on peut appeler la question
de
droit. Certains, en effet, tirent toute leur force dans les discussio
4567
fet, tirent toute leur force dans les discussions
de
la tranquillité avec laquelle ils brouillent les faits et les princip
4568
ts et les principes. Tourmentés par les scrupules
de
leur conscience libérale, ils fuient la rigueur jusque dans leurs rai
4569
gements, même violents, que cela ne manque jamais
de
provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du f
4570
cela ne manque jamais de provoquer, je me propose
de
marquer ici la distinction classique du fait et du droit ; et c’est p
4571
ue dans ses réalisations actuelles, puis au terme
de
ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant d
4572
ce recensement lamentable, je poserai la question
de
savoir si tant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être lég
4573
erai la question de savoir si tant de laideurs et
d’
outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre
4574
bon sens peuvent être légitimés par le but final
de
notre institution-tabou. 1. Je ne puis naturellement pas mentionn
4575
les ouvrages scientifiques. Les meilleurs sortent
de
l’Institut Rousseau. 2. Guguss, journal comique d’une grande vulgar
4576
l’Institut Rousseau. 2. Guguss, journal comique
d’
une grande vulgarité qui jouait alors le rôle de nos bandes dessinées.
4577
e d’une grande vulgarité qui jouait alors le rôle
de
nos bandes dessinées.
4578
des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs
de
classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux de leur enfance et les
4579
de classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux
de
leur enfance et les font indûment participer de la même grâce. Voyez
4580
x de leur enfance et les font indûment participer
de
la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’
4581
er de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie
de
nous faire croire qu’ « il n’y a rien au-dessus » de la tâche des ins
4582
nous faire croire qu’ « il n’y a rien au-dessus »
de
la tâche des instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, e
4583
au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire
de
ces belles analyses logiques, et grammaticales, où tout retombait dro
4584
es, et grammaticales, où tout retombait droit… Et
de
ces beaux problèmes d’arithmétique où il fallait si soigneusement sép
4585
ù tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes
d’
arithmétique où il fallait si soigneusement séparer les calculs du rai
4586
es deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle
d’
occupation), (après combien d’heures…) ; et il y avait toujours des ap
4587
r ensemble), (drôle d’occupation), (après combien
d’
heures…) ; et il y avait toujours des appartements à meubler. Et on mu
4588
aire ici du sentiment, je suis sensible au charme
de
cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quin
4589
taisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier
de
la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnets hebdomad
4590
s bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait
de
mauvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et une semonce à nous
4591
monce à nous gâter toute une journée. Une journée
d’
enfant gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par le prix du mè
4592
embrouille les règles, qui a sommeil, qui a peur
de
faire faux, parce que les autres auront fait juste, et qui voudrait b
4593
nce à gratter son ardoise où sèchent des traînées
de
craie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’est cela l’en
4594
? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond
de
jardin où l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’une tent
4595
l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée
d’
une tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemi
4596
des cloportes dans la toile mouillée d’une tente
d’
Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des all
4597
alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs
de
peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout pro
4598
, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins
de
dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue
4599
s de dimanche sonores et tout propres, la cuiller
d’
huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gr
4600
anche sonores et tout propres, la cuiller d’huile
de
foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement
4601
nores et tout propres, la cuiller d’huile de foie
de
morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement des chos
4602
asse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils
de
vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en automne
4603
el Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours
de
carrousel, les chemins dans la forêt en automne, des jeux, des feuill
4604
incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée
d’
une très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans le
4605
omenades en tenant la forte main du père qui fait
de
longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’
4606
de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert
de
souvenirs, n’est qu’une dissonance douloureuse. 3 Deux angoisses domi
4607
ît chaque jour, je pense que tout cela tient trop
de
place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette
4608
a même chose ici ! » Dans la suite, on se chargea
d’
illustrer par d’innombrables exemples cet axiome qui devint la formule
4609
! » Dans la suite, on se chargea d’illustrer par
d’
innombrables exemples cet axiome qui devint la formule de mes première
4610
brables exemples cet axiome qui devint la formule
de
mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avai
4611
de mes premières douleurs morales. Après six ans
de
ce régime, on m’avait suffisamment rabroué pour que je ne montrasse p
4612
oué pour que je ne montrasse plus aucune velléité
d’
originalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malf
4613
lfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge
de
18 ans, crispé et méfiant, sans cesse en garde contre moi-même à caus
4614
profondément hypocrite donc, et le cerveau saturé
d’
évidences du type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être éga
4615
fois deux quatre, c’est stérile, mais ça ne fait
de
mal à personne, et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans un
4616
is un jour qu’elle contient la cause déterminante
de
notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette
4617
peut-être des découvertes qui eussent ruiné trop
de
certitudes apprises. Enfin j’ouvris, c’est-à-dire que je me posais la
4618
vissement. Je songeai aux vertueuses indignations
de
nos maîtres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducati
4619
tres quand ils dénonçaient « la marque indélébile
de
l’éducation jésuite ». Nous étions marqués par Numa Droz, par l’espri
4620
sprit petit-bourgeois, qui est une généralisation
de
l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisati
4621
dogmes démocratiques, qui sont une généralisation
de
la règle de trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut pa
4622
ratiques, qui sont une généralisation de la règle
de
trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut par les jésuit
4623
uites : du moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez
de
verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on av
4624
moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verdeur
d’
esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé e
4625
sez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager
de
leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts de la révolte e
4626
empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts
de
la révolte et de la libération d’une personnalité : l’imagination, le
4627
avait brisé en nous ces ressorts de la révolte et
de
la libération d’une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitr
4628
us ces ressorts de la révolte et de la libération
d’
une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens d
4629
ation d’une personnalité : l’imagination, le sens
de
l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix
4630
l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens
de
la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était d
4631
ens de la relativité des décrets humains. Le prix
de
mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immorte
4632
ié, si évident, si parfaitement soumis aux règles
d’
une arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait
4633
our lequel on nous préparait — c’était un système
d’
abstractions primaires, c’était le rêve raisonnablement organisé des e
4634
es et rassis qui tiennent aujourd’hui les charges
de
l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder pa
4635
ennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers
d’
un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont ét
4636
oder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte
de
leurs besoins. Nous ne croyions plus aux démons, mais à la Commission
4637
mais à la Commission scolaire. Nous n’avions plus
de
« superstitions grossières » comme celles qui touchent à l’action des
4638
e trompent que les illettrés, mais qu’il convient
de
s’incliner devant les miracles de la science appliquée. On nous faisa
4639
qu’il convient de s’incliner devant les miracles
de
la science appliquée. On nous faisait voir tout au long de notre hist
4640
ence appliquée. On nous faisait voir tout au long
de
notre histoire le Progrès constant de l’humanité vers les lumières, l
4641
out au long de notre histoire le Progrès constant
de
l’humanité vers les lumières, l’incrédulité et le bien-être matériel.
4642
et le bien-être matériel. Nous savions qu’un fils
d’
ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous
4643
iel. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal
d’
un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire qu
4644
Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher
de
croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nous savions un tas
4645
rendait agressif. Mais moi, j’avais trop souffert
de
cette compression morale pour, une fois matériellement délivré, en su
4646
as plus tôt découvert et nommé cet asservissement
de
l’esprit et ces mythes stériles, que je les rendis responsables de ma
4647
s mythes stériles, que je les rendis responsables
de
ma perte de contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie
4648
riles, que je les rendis responsables de ma perte
de
contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie. 3. Dan
4649
e contact avec les réalités les plus élémentaires
de
la vie. 3. Dans le cas le plus favorable, c’est un silence, un vi
4650
ption du monstre Le service militaire me permit
de
retrouver quelques-unes de ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieur
4651
ce militaire me permit de retrouver quelques-unes
de
ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues d’anciens c
4652
ités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues
d’
anciens camarades d’école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’en
4653
aussi plusieurs têtes connues d’anciens camarades
d’
école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’autant mie
4654
imaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait
d’
autant mieux qu’on était devenu plus différents. Car ces différences s
4655
s. Car ces différences sont les premières marques
de
la vie vécue et l’on aime à y découvrir la seule fraternité véritable
4656
ougé. Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis
de
l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de
4657
ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur :
de
l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de continuité, la différence
4658
’un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas
de
solution de continuité, la différence n’était qu’une question d’âge,
4659
eur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution
de
continuité, la différence n’était qu’une question d’âge, non d’expéri
4660
continuité, la différence n’était qu’une question
d’
âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injust
4661
la différence n’était qu’une question d’âge, non
d’
expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux d
4662
s doute injuste et faux dans un très grand nombre
de
cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’instituteur sous l’unif
4663
ès grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie
de
le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par son inco
4664
ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante
d’
être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une faço
4665
dante d’être consciencieux, à une façon blessante
d’
être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une fa
4666
blessante d’être supérieur, à une façon livresque
d’
expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces di
4667
que d’expliquer les choses, à une façon théorique
de
juger les êtres. Ces distributeurs automatiques (brevetés par le gouv
4668
teurs automatiques (brevetés par le gouvernement)
de
la manne égalitaire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils
4669
de la manne égalitaire — ne se prennent pas pour
de
la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsa
4670
t pas pour de la petite bière. Ils ont conscience
d’
appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire
4671
’appartenir à une élite responsable, cela se voit
de
loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils mépris
4672
isent le plus, et ils auraient souvent l’occasion
de
s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne
4673
s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses
de
l’ironie paysanne. Mais je n’en dirai pas plus, de peur de m’échauffe
4674
ait un peu, je crois que je m’oublierais au point
d’
insinuer que les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armé
4675
nuer que les instituteurs galonnés causent autant
de
tort à l’armée que les instituteurs antimilitaristes qui signent des
4676
des manifestes en mauvais français — et je ferais
de
la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. J’ai fait allusio
4677
en mauvais français — et je ferais de la peine à
d’
excellents garçons. Revenons au civil. J’ai fait allusion au lieutenan
4678
allusion au lieutenant-instituteur qui veut faire
de
la pédagogie avec sa section. L’instituteur-lieutenant qui veut trait
4679
ui veut traiter militairement ses élèves témoigne
de
la même maladresse professionnelle. J’en connais un qui avait coutume
4680
rofessionnelle. J’en connais un qui avait coutume
de
dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater le
4681
connais un qui avait coutume de dire à une classe
de
garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de
4682
qui avait coutume de dire à une classe de garçons
de
10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section,
4683
11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes
de
ma section, je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mene
4684
ous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous
de
la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit
4685
urs : ils sortent tous de la même classe sociale,
de
la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprèg
4686
, ou bien préexiste-t-il dans les principes mêmes
de
l’École, et attire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Num
4687
ttire-t-il les petits bourgeois comme le portrait
de
Numa Droz attirait les mouches ? (Le verre en était toujours jaune.)
4688
t toujours jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie
de
dire du mal des petits-bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathique
4689
si sympathiques que n’importe quelle autre classe
de
la société. Mais l’esprit petit-bourgeois pris abstraitement et tel q
4690
este dans l’école primaire est un véritable virus
de
mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autre
4691
telle. C’est celle même du régime. L’architecture
de
nos « palais scolaires » symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a
4692
rchitecture de nos « palais scolaires » symbolise
d’
une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la
4693
es » symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a
de
schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde.
4694
ne façon frappante ce qu’il y a de schématique et
de
monotone dans la conception démocratique du monde. Entrons, c’est pir
4695
ue du monde. Entrons, c’est pire encore. Beaucoup
d’
enfants ont un frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son
4696
st pire encore. Beaucoup d’enfants ont un frisson
de
dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de
4697
on de dégoût au moment de passer la porte, au son
de
la cloche : l’odeur de goudron et d’urinoirs qui imprègne les corrido
4698
de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur
de
goudron et d’urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des éc
4699
orte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et
d’
urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des écoliers empeste
4700
—, les estampes piquées, Numa Droz et ses crottes
de
mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre vie, citoyens
4701
de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années
de
votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est un grand progrès sur l
4702
Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatrice
d’
un tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la
4703
us la voyons est semblable à tous ces monuments «
de
la mauvaise époque » qui sont dans nos villes l’apport du xixe siècl
4704
ue le style 1880 n’en est pas un : mais l’absence
de
style est encore un style : c’est même le pire.